Malaisie : Un autre pas vers la censure d'Internet ?

Le gouvernement malaisien étudie la faisabilité d'un filtre Internet pour bloquer les “sites indésirables” du web malaisien, similaire au logiciel Barrage vert, un projet que la République Populaire de Chine a abandonné. La raison citée pour cette nouvelle initiative est de maintenir l'harmonie inter-ethnique dans une Malaisie multiculturelle, selon le site web Malaysiakini [en anglais, comme tous les liens suivants].

D'après le site the Malaysian Insider, l'étude de faisabilité devrait être terminée en décembre 2009 et les “résultats seront transmis à une “cellule de l'ombre” qui contrôle les blogs et les sites web, bien que la décision sur son application relèvera du Conseil national de la sécurité, dirigé par le Premier ministre M. Datuk Seri Najib Razak.”

La décision a poussé les politiciens de l'opposition à crier au scandale car elle représente une infraction aux garanties données par la loi Multimedia Super Corridor (MSC).  En outre, les spécialistes des technologies de l'information soutiennent que cette initiative est une “une perte de temps”, et que cette décision douteuse entrainera un mauvais usage de fonds publics.

Le Ministère de l'information, de la communication et de la culture a lancé un appel d'offres pour la mise en place du filtre Internet. Sans surprise, cette initiative est venue après une proposition précédente d'enregistrer tous les blogueurs.

Le Center for Independent Journalism (Centre pour un journalisme indépendant) a déclaré :

C'est une claire violation de l'engagement pris en promulgant la loi Multimedia Super Corridor, qui assure qu'il n'y aura pas de censure sur Internet. Tout contrôle ou filtre est une violation de la liberté d'expression, garanti par l'article 10 de la Constitution fédérale.

Les véritables bénéficiaires du contrôle de l'information et de la liberté d'expression sur Internet ou tout autre support médiatique, sont les dirigeants du parti au pouvoir. Les rapports des organisations locales et internationales des droits humains dénoncent les tentatives délibérées du gouvernement du Barisan Nasional de s'attaquer aux espaces de liberté en ligne qui contiennent des critiques sur la gouvernance, la transparence, la responsabilité et la mauvaise administration. A cet effet, toute tentative d'institutionnaliser le filtre sera considérée comme un renforcement du contrôle de la part du pouvoir exécutif sur les contenus publiés en ligne.

Le vétéran de l'opposition, Lim Kit Siang, a publié sur son blog :

C'est très choquant que M. Rais [Rais Yatim, Ministre de l'information, de la communication et de la culture], qui est considéré généralement comme compétent et le plus libéral des ministres, soit à la tête de cette initiative, qui ne va pas seulement enterrer l'engagement du gouvernement devant le monde de “Ne pas pratiquer la censure” avec la loi MultiMedia Super Corridor annoncée par le Dr. Tun Dr. Mahathir au moment de sa prise de fonctions comme Premier ministre, mais elle sera aussi vue comme une marche arrière dans la politique pour une société ouverte, vers une société fermée, avec toutes les graves implications politiques, économiques et pour l'unité nationale à long terme.

Din Merican traite de cette intiative sur son blog :

En tant que blogueur, ça me rend heureux : c'est la preuve, comme la “censure du samedi” et  le flot de critiques dans la presse qui s'en sont ensuivies contre  M. Anwar Ibrahim, que nous faisons bien notre travail et que les gens corrompus qui dirigent ce pays sont incapables de faire face à leur grande impopularité, mais préfèrent étouffer les dissidents et empêcher la libre circulation de l'information.

Et c'est bien connu que le filtrage d'Internet ne fonctionne pas. Au  moment même où il sera adopté, moi et mes amis blogueurs allons vous enseigner comment contourner les filtres, au cas où nos sites seraient déclarés “indésirables”.

Mais que vont penser les investisseurs étrangers ? Spécialement les entreprises de technologie que nous courtisons ? Microsoft ? Dell ? Google ?

Il sera intéressant de voir si les réseaux participatifs et les technologies de partage de l'information en ligne seront exclus de la loi malaisienne sur la liberté de l'information. Peut-être que l'appel de l'épouse du Premier ministre aux Malaisiens, Mme Datin Paduka Seri Rosmah Mansor, quelques jours avant cette initiative, pour qu'ils utilisent Internet de manière intelligente, s'avèrera inutile si le filtrage d'Internet est imposé.

Mise à jour 1 : Le Ministre de l'information, de la communication et de la culture, M. Rais Yatim, a clarifié que le filtrage d'Internet vise à bloquer la pornographie en ligne, et qu'il ne s'agit pas d'un moyen de court-circuiter la liberté d'expression. Il a nié que la proposition vise à museler les blogueurs qui respectent les lois communes du pays.

Mise à jour 2 : Au lendemain de l'annonce, le Premier ministre de la Malaisie, M. Datuk Seri Najib Tun Razak, a déclaré que le gouvernement n'allait pas censurer Internet. Ses propos ont été cités :

Pour le moment, il n'y a pas de changement dans la politique du gouvernement concernant Internet… Cependant, nous allons examiner ce point plus tard.

On ignore à qui pensait le Premier ministre malaisien en disant “nous”.

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