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Trinité-et-Tobago : Les réseaux artistiques sur Internet

Catégories: Caraïbe, Trinité-et-Tobago, Arts et Culture, Musique
Playful Things, une installation de lartiste trinitéen Marlon

Playful Things, une installation de l'artiste trinitéen Marlon Darbeau à l'espace Alice Yard. Photo de Damian Libert, avec l'autorisation de Alice Yard

Durant les dernières décennies, le monde de l'art à Trinité [1] [en anglais comme tous les liens suivants] – un des centres artistiques importants des Caraïbes [2] – s'est peu à peu divisé en deux courants. Le premier, mené par une poignée de galeries et de collectionneurs, est commercial et conservateur, qui donne une haute valeur artistique (et financière) à la peinture traditionnellement faite de paysages et natures mortes, et aux œuvres “abstraites” classiques. L'autre courant, axé sur les initiatives personnelles des artistes et utilisant une large gamme de supports contemporains – les installations, la vidéo, le son, l'art conceptuel – est caractérisé par l'expérimentation et l'improvisation, et attire l'attention des critiques internationaux.

Pendant dix ans, jusqu'en 2007, la principale institution d'art contemporain à Trinité fut l'organisation de mécénat Arts Contemporains Caribéens (CCA), qui offrait studio et lieu d'exposition et proposait des résidences aux artistes influents et des échanges [culturels]. Mais au milieu de l'année 2007, après une lutte permanente pour obtenir des aides financières suffisantes, le CCA a fermé ses portes (comme annoncé [3] dans son journal en ligne, Art papers). De nombreux artistes trinitéens ont dans un premier temps été consternés, mais depuis deux ans a eu lieu l'éclosion de projets et de collections artistiques certes petits en comparaison mais très dynamiques. Et nombre de jeunes artistes se servent intelligemment des médias en ligne tels que les blogs et les sites de partage d'images comme Flickr [4] pour montrer leur travail, pour discuter d'idées et de techniques et pour susciter un dialogue critique.

Un nouveau lieu d'échange, important pour l'art contemporain, est Alice Yard, un espace de création expérimentale situé dans l'arrière-cour d'une vieille maison du quartier de Woodbrook [5], à Port d'Espagne. Le blog Alice Yard [6] est une sorte d'agenda des événements qui ont lieu à l'espace, tels que des concerts, des pièces de théâtre, des projets d'artistes et des débats. Certains artistes ayant présenté leurs œuvres à Alice Yard étoffent leurs créations grâce à des blogs, comme Marlon Darbeau [7], Michelle Isava [8], Adam Williams [9], Jaime Lee Loy [10], et Nikolai Noel [11] (Lee Loy et Noel, associés à Marlon Griffith, ont aussi collaboré [12] [à la création d'œuvres]).

 

Détail de Rack,

Détail de Rack, une installation de dessins de l'artiste trinitéen Adam Williams à Alice Yard. Photo de Nicholas Laughlin

Alice Yard fut l'un des dix lieux d'exposition du récent EroticArtTT [13], la première Semaine de l'Art Érotique de Trinité-et-Tobago, où on pouvait voir les œuvres de plusieurs dizaines d'artistes. L'un des organisateurs de l'exposition, l'artiste Richard Rawlins, édite également un magazine électronique consacré à l'art et au design, Draconian Switch [14] (publié environ chaque mois), téléchargeable au format PDF. Un autre organisateur, l'architecte Terry Smith – qui collabore au cabinet d'architectes co-rd [15], dont l'un des dirigeants est Sean Leonard [16], l'homme derrière Alice Yard – a démarré un nouveau projet en 2008 intitulé INDIgroove [17], une série d'entretiens vidéos avec des artistes, musiciens, écrivains et autres [travaillant à] Trinité. On peut encore citer d'autres membres de ce réseau tels que Rodell Warner, blogueur sur Freepaper [18], Brianna McCarthy (Passionfruit [19]), Tanya Marie Williams [20], et Anderson Mitchell (Bleedart [21]).

Ces projets et ces artistes ont en commun une forte volonté d'expérimenter, échappant ainsi à la pression de créer des œuvres immédiatement vendables, et une collaboration mutuelle pour compenser l'absence d'importantes institutions d'art contemporain qui apportent d'habitude un soutien financier et autres aides. Plutôt qu'exposer dans les galeries, ils préfèrent utiliser les espaces gratuits vacants; plutôt que de publier des catalogues chers à fabriquer, ils présentent leur travail en ligne; et comme il n'y a pas de presse dédiée à l'art pour parler de leurs projets et des événements [qu'ils organisent], ils comptent beaucoup sur les réseaux sociaux comme Facebook. (Par exemple, une animation pour un clip vidéo [22] réalisée par l'artiste Wendell McShine pour le groupe 12 [23] s'est très vite propagée parmi les membres trinitéens du réseau Facebook [24]). Le résultat est une scène artistique dynamique mais souvent anarchique, sans leader réel ni régulateur.

Projection vidéo de lartiste trinitéen Jaime Lee Loy, faisant partie du projet La Fantaisie (en collaboration avec Marlon Griffith et Nikolai Noel). Photo de Nicholas Laughlin

Projection vidéo de l'artiste trinitéen Jaime Lee Loy, faisant partie du projet La Fantaisie (en collaboration avec Marlon Griffith et Nikolai Noel). Photo de Nicholas Laughlin

Et comme la presse trinitéenne couvre très peu la scène culturelle, les critiques d'art apparaissent elles aussi de plus en plus sur le net. L'artiste Adele Todd tient un blog, SexyPink [25] [accès limité], qui se veut être un “forum qui donne des éléments de l'Art Caribéen en relation avec son histoire et son actualité”, avec de courts essais et des interviews – dans un billet récent [26], elle interroge la jeune artiste Alicia Milne [27]; dans un autre [28] on trouve un sélection des carnets de croquis de Richard Rawlins. Todd a aussi collaboré avec l'artiste Richard Bolai sur The Bookmann [29], un blog proposant à la fois des critiques d'art et des œuvres originales de Bolai. Et l'artiste Christopher Cozier [30] s'occupe du blog SXspace [31] – un site consacré aux artistes caribéens – pour le journal Small Axe, avec nombre de critiques et essais.