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Maroc : Le travail des enfants sous les projecteurs de l'actualité

Catégories: Maroc, Droit, Droits humains, Economie et entreprises, Gouvernance, Jeunesse, Santé

Une petite fille souffre à l'hôpital, elle est contusionnée et a été battue. Envoyée travailler comme employée de maison à l'âge de 10 ans, Zineb Chtit n'a pas connu d'autre vie que celle qu'elle a eu, au service de riches employeurs qui la battaient et l'affamaient. L'auteur du blog A Moroccan About the world around him a décrit ses blessures dans un récent billet [1][en anglais, comme la plupart des liens cités] :

Zineb était émaciée. Son corps était couvert de bleus et ses blessures saignaient. Ses lèvres ont été marquées au fer rouge. Sa poitrine et les parties intimes de son corps ont été brûlées par de l'huile bouillante. Elle était analphabète. Elle n'a jamais connu la joie de jouer avec des amis. Son futur a été décidé à son insu : trimer jusqu'à son dernier soupir. Et il y a quelques jours, elle a bien failli mourir.

Malheureusement, l'histoire de Zineb est loin d'être unique en son genre. Le Maroc compte 177 000 enfants de moins de 15 ans qui travaillent, 66 000 d'entre eux sont employés comme domestiques. Et bien que le Maroc a ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, l'âge minimum pour travailler est toujours de 12 ans [2] et les restrictions en place sont minimales. De nombreux reportages ont été réalisés sur les mauvais traitements infligés aux domestiques, tels celui d'Anouar Majid [3], rédacteur pour le magazine Tingis. Pourtant, du fait de leur pauvreté, des familles continuent de vendre leurs filles au plus offrant, afin qu'elles travaillent comme servante, parfois 24 heures sur 24. La blogueuse Sarah Alaoui [4]parle de la détresse dans laquelle sont la plupart des jeunes bonnes :

Ces femmes sinistrées par la pauvreté, incultes, viennent de villages environnant les villes marocaines et n'ont pas d'autres choix que de subvenir aux besoins de leurs familles et enfants en acceptant des emplois de domestiques auprès des citoyens les plus ostentatoires du pays. Les stigmates de la pauvreté qu'elles portent de par leur naissance sont encore accentués par ce travail symbolique – les bonnes sont censées être vues et non entendues. Elles travaillent en coulisses – tout comme les elfes de la fameuse série, mettant en scène un jeune sorcier, de J. K. Rowling.

Beaucoup de familles marocaines tentent d'offrir un foyer et non pas seulement un lieu de travail à leurs bonnes. Ma grand-mère s'est toujours assurée du fait que les enfants de sa domestique soient éduqués aux côtés de ses propres enfants et petits-enfants – pendant la période durant laquelle sa mère travaillait chez ma grand-mère, Naima allait à la même école que mon cousin.

Malheureusement, il est vrai de dire que la majorité des habitants du pays ne prennent pas sérieusement soin de leurs domestiques.

Un article [5] publié dans le journal La Vie éco rapporte que le mari et la femme qui employaient Zineb seront tous deux poursuivis pour crime, mais comme le suggère le blogueur Reda Chraibi, il faut que les choses aillent plus loin et changent au plus vite. Dans un long billet [6], le blogueur fait part de ses propositions pour éviter que les familles n'envoient leurs jeunes filles travailler. Voici un extrait de ces propositions :

Accorder des aides sociales aux familles les plus pauvres afin qu’elles ne soient pas contraintes de faire travailler les enfants au lieu de les envoyer à l’école. La scolarité pour cette catégorie de la société devrait être totalement gratuite tant pour l’enseignement que pour l’équipement scolaire. A ce propos, l’opération de distribution de cartables équipés [7]est une bonne initiative qui devrait être étendue dans tout le Royaume.
Donner à l’Association « Touche pas à mon enfant » [8] (touche pas à mes enfants) ou à une institution publique le droit de recenser et de contrôler le travail des enfants-servantes, le droit d’entrer dans les maisons pour discuter avec elles et vérifier si elles sont traitées dignement. Encourager leur éducation et leur alphabétisation. Ouvrir et faire connaitre un centre d’accueil pour les enfants-servantes qui veulent fuir d’urgence le foyer dans lequel elles travaillent, afin que plus aucune Zineb Chtit n’erre dans la rue dans le sang, en demandant l’aide d’inconnus…

L'auteur du blog A Moroccan About the world around him termine son billet [1]par une citation :

Je me souviens d'un discours que Mr Eliezer ” Elie ” Wiesel prononça à la Maison Blanche en 1999 : ” Le prisonnier politique dans sa cellule, l'enfant affamé, les réfugiés sans domicile – ne pas soulager leur détresse, ne pas les libérer de leur solitude en leur offrant une étincelle d'espoir, revient à les bannir de la mémoire des hommes. Et en leur déniant leur condition d'être humain, nous trahissons la nôtre. “