Pour la première fois, un vaccin expérimental contre le HIV a montré sa capacité à protéger contre ce virus mortel, créant un bruit médiatique et donnant espoir aux milieux de la santé publique et du HIV/SIDA.
Les résultats de l'essai de vaccin anti-HIV le plus vaste jusqu'à présent, qui a été mené en Thaïlande, ont été annoncés la semaine dernière dans un communiqué de presse [les liens sont en anglais]. Connue sous le noms de RV144, l'essai a testé une association de deux vaccins anti-HIV plus anciens sur plus de 16.000 volontaires thaïlandais. La posologie s'est non seulement révélée sans danger, mais a également été efficace à 31 % pour empêcher les infections par le HIV. L'essai a été réalisé par le ministère thaïlandais de la Santé Publique et sponsorisé par le Chef du service de santé de l'armée américaine.
Près de 5.500 personnes meurent chaque jour du SIDA et on estime que la maladie en a tué 32 millions depuis son apparition au début des années 80. Les résultats de l'essai ont été qualifiés de modestement efficaces et de petit pas vers la découverte d'un vaccin sans danger et hautement efficace pour lutter contre cette maladie. Un billet sur le blog Asia Health Care analyse cet optimisme prudent.
“De nombreux spécialistes de santé publique, même ceux qui sont étroitement liés à ce projet, se sont gardés de trop d'enthousiasme devant ces résultats, en particulier les experts des pays où le HIV/SIDA est devenu une pandémie, comme en Inde. Certains l'ont appelé un coup sûr par opposition à un coup de circuit [NdT : ce sont des termes de baseball], et chacun dit que même si cet essai a pu avoir quelque succès, il n'y aura pas de ‘traitement’ avant de nombreuses années. En fait, les spécialistes ne savent même pas comment fonctionne le mécanisme du vaccin.”
Cependant, des organisations comme ONUSIDA se réjouissent de cette découverte, affirmant qu'elle a instillé un nouvel espoir dans plus de 20 ans de recherche d'un vaccin, qui jusque là n'a rencontré que peu de succès. De nombreux blogueurs, comme Brandon Lacy Campos, ont partagé cet optimisme, tout en reconnaissant les limites de l'essai. Bloguant sur My Feet Only Walk Forward, il écrit :
“Que la bonne nouvelle se répande : la malédiction du ruban rouge pourrait disparaître un jour !
Même si l'essai a trouvé que le vaccin ne réduit le risque que de 31% (ce qui est quand même fichtrement mieux que 0%).
Même si l'essai n'a été réalisé qu'en Thaïlande avec la souche de HIV la plus prévalente en Asie.
Même si l'armée américaine était le principal financeur du test du vaccin.Je reste excité comme un pou par cette nouvelle.
Jamais encore le moindre vaccin anti-HIV n'avait prouvé son efficacité à prévenir la propagation de l'infection. C'est alors qu'un médecin génial en Thaïlande a combiné deux vaccins inefficaces auparavant et a obtenu un vaccin qui, en fait, a complètement inhibé l'infection par le HIV chez un certain nombre de patients… Alors ne m'enviez pas ma joie. Je connais les limites et les bornes de cette joie, mais l'espoir engendre la foi, et on sait que la foi peut changer le monde si on la laisse faire.”
Beachlover, dans un commentaire à un billet sur Sawatdee Gay Thailand, ne renonce pas non plus à l'espoir qu'un vaccin puisse être trouvé. Il écrit :
“Nous sommes probablement très loin d'un vaccin. Mais cela pourrait arriver, au bout du compte… ça ne fait que 20 ans qu'ils cherchent et il existe plein de vaccins, qui ont nécessité des décennies de recherche.”
D'autres blogueurs restent moins optimistes, soulignant les défauts potentiels de l'étude et remettant en question la pertinence statistique des résultats. Le vaccin a été testé sur des hommes et femmes adultes séronégatifs au HIV, dont la moitié ont reçu le vaccin tandis qu'on a injecté aux autres un placebo inactif. Sur une durée de trois ans, 74 des 8.198 personnes ayant reçu les injections de placebo ont été infectées par le HIV, contre 51 des 8.197 ayant reçu le vaccin. La différence a été considérée comme statistiquement significative, mais PinoyPoz, qui blogue sur Back In The Closet aux Philippines, exprime son scepticisme sur ces résultats. Il dit :
“Je suis désolé, mais j'étais vraiment sceptique depuis le début. Je n'avais jamais rien lu sur des développements mêmes minimes en direction d'un vaccin contre le HIV. Je me suis dit que c'était tout bonnement trop inattendu et trop soudain pour être un progrès. Je sais, je suis un pessimiste invétéré. Il fallait seulement que je lise tout ça par moi-même….
… Avec le “vaccin”, à peu près 6 personnes sur 1.000 étaient infectées. Mais, même sans le “vaccin”, les risques d'être infecté étaient très faibles. Seulement 9 pour 1.000. La différence ? Pour moi, elle est minime.”
Martin, qui blogue au Royaume Uni sur The Lay Scientist (“Le Savant profane”) exprime aussi un grand scepticisme. Il écrit :
“Nous avons un résultat qui est à peine significatif statistiquement, en utilisant un vaccin composé de deux éléments qui avaient précédemment fait la preuve de leur inefficacité, une méthodologie lourdement critiquée par une myriade de spécialistes dans une lettre collective à Science, et des bizarreries dans les résultats qui corroboreraient le fait que le vaccin ne marche pas.
Je ne vais pas me faire remarquer en qualifiant cet essai d'échec, mais aucun sceptique qui se respecte ne peut regarder ces résultats et les qualifier autrement que de ténus.”
Certains blogueurs spéculent que les résultats du test, qu'ils soient ou non une raison de se réjouir, pourraient conduire des gens à s'en prévaloir comme d'une excuse pour arrêter d'avoir des rapports sexuels protégés. Jimbo, qui blogue en Malaisie sur In My Father's Footsteps, affirme :
“On ne peut écarter la possibilité d'un effet ‘rebond’, par lequel les gens sont appâtés par un sentiment trompeur de sécurité et baissent la garde, comme aux premiers temps du HIV/SIDA, lorsque les homosexuels sont retournés au sexe non protégé quand l'AZT, le premier médicament anti-HIV à être fabriqué et mis sur le marché, est devenu disponible . Ils croyaient qu'on avait trouvé un traitement pour le HIV ! En fait, Jimbo est enclin à penser qu'il serait téméraire de croire qu'un tel effet rebond ne pourrait pas se produire.”
D'autres blogueurs espèrent que plus de questions sur l'essai et le vrai potentiel du vaccin trouveront leurs réponses lorsque la publication de cette étude sera présentée à la Conférence 2009 sur la vaccination contre le SIDA. Cette conférence se tiendra du 19 au 22 octobre à Paris.
Photo : Solo Needle par stevendepolo sur Flickr, Creative Commons.
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