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Japon: Le traducteur a-t-il trahi la pensée du Premier ministre Hatoyama ?

Catégories: Japon, Média et journalisme, Médias citoyens, Relations internationales

Quand une tribune est publiée en ligne sur le site de New York Times par le premier ministre actuel du Japon Yukio Hatoyama [1] [en français] seulement quelques jours avant les élections à la Chambre des députés, les réactions nationales vont de l’étonnement à la consternation et jusqu'à la pure mortification. «Une nouvelle voie pour le Japon [2]» [en anglais] était la version abrégée et traduite de «Ma philosophie politique [3]» [en japonais] , qui a été publiée dans la revue japonaise VOICE. L’administration a soutenu qu’elle n’avait aucune connaissance préalable que la tribune allait être republiée ainsi et que Yukio Hatoyama avait été «mal cité [4]».

Sommet du Conseil de sécurité sur la non-prolifération nucléaire et le désarmement» par l’utilisateur de Flickr United Nations

Il y a deux aspects intéressants à cette controverse : la logique, ou le manque de logique, des arguments avancés dans le texte ainsi que le processus qui a conduit à la rédaction et la publication de ce texte dans un des principaux médias américains. Alors, est-ce un cas de mauvaise rédaction ou de mauvaise traduction ?

[5]Seiichi Nakamura [5]pense que les deux facteurs ont joué un rôle majeur [en japonais].

PHPのVOICEに掲載された『祖父・一郎に学んだ「友愛」という戦いの旗印』と言うオリジナルの論文を、ニューヨーク・タイムズが抜粋して掲載したので、どうしても舌足らずとなり、鳩山代表の意図するニュアンスが、正確に伝わっていない。

その上、クーデンホフ・カレルギーの高邁な思想FRATERNITE(鳩山一郎は友愛と訳した)をベースに、日本人魂を加味した独自の政治哲学を展開しており、能書きだけを提示しているようなものであるから、そっくりそのまま、欧米人、特に、思想的背景の全く違うアメリカ人に理解される筈がない。

Vu que le New York Times a adapté de façon sélective son essai publié dans VOICE, «Le drapeau de bataille de yuuai, appris de mon grand-père, Ichiro» (le sous-titre de «Ma philosophie politique), c'est tout simplement insuffisant. Les nuances de l’intention de Hatoyama ne sont pas relayées dans leur intégralité. En outre, l’essai développe la noble idée de Coudenhove-Kalerdi de fraternité (Ichiro Hatoyama a traduit cette idée par yuuai 友愛) en faveur d’une philosophie politique unique avec une touche d’identité japonaise. [La version anglaise] n’offre pas de contexte et il n’est pas possible pour les Occidentaux, en particulier les Américains, de la comprendre, car ils sont issus d’un milieu idéologique très différent.

誤解を避けるために言及しておくが、鳩山代表の見解は、私自身納得行く部分が多いと感じているし、正確に伝われば、オバマ大統領のリベラルな政治哲学や思想と共通点が結構ある筈で、実りあるコラボレーションが可能だと思っている。
ただし、政治や外交は、極めて現実的であらねばならない筈であるし、現在、世界中が危機的状態にあり、人類社会と地球の将来が岐路に立つ極めて重要な時期に、不用意な言説は切に慎むべきだと思っている。

Permettez-moi de dire cela pour éviter d’être mal compris. Dans l’argumentation de Hatoyama, il y a plusieurs points sur lesquels je m’aligne, qui, s'ils sont communiqués de façon appropriée, comportent plusieurs aspects en commun avec les théories politiques libérales du Président Obama. A mon avis, une collaboration féconde est possible.
Pourtant, la politique et la diplomatie doivent être réalistes jusqu’à l’extrême. Le monde se trouve actuellement dans une situation précaire et la société humaine est à un tournant important qui décidera la direction de notre avenir. Ce n’est pas le moment pour des déclarations non réfléchies.
Takashi Kimura [6] croit également que la traduction directe toute seule n’est pas suffisante.

」に載せた鳩山論文「私の政治思想」で説いた「友愛論」は「和洋折衷型」論議で、英訳しただけでは「暗黙の了解」「以心伝心」「察し」といった間接的話し方の通じない米国では理解し難い。

La théorie de Hatoyama de yuuai dans «Ma philosophie politique» est à moitié japonaise et à moitié occidentale. La compréhension d'une simple traduction en anglais est difficile pour des cultures telle que la culture américaine, où la communication indirecte – comme l’accord tacite, la communication non verbale et la lecture de la pensée des autres – n’existe pas.

Il continue par une critique de quelques incompétences politiques de la part de Hatoyama.

>かといって、低コンテキスト文化に属すると思われる「グローバリズム批判」を、主題から切り離して抜粋しても海外の厳しい批判に耐えられる内容のものではない。寄稿した事自体が「経験不足」の表れであろう。

D'un autre côté, l’argument dans son essai concernant «la critique de la globalisation», un sujet qui appartient peut-être à une culture habituée au manque de contexte, ne résistera pas à une vive critique de l’étranger si elle est retirée du contexte du thème principal. Le fait qu’il ait soumis cette argumentation à la publication est signe de son manque d’expérience.

MTC sur le blog Shisaku [7] répond qu'il s'agit d'une excuse qui ne trouve plus d'écho.

Je ne suis pas sûr que la  ligne de défense « ignorez-simplement-ce-que-l’essai-dit-il-est-seulement-destiné-à-la-consommation-intérieure-et-contient-beaucoup-de-phrases-cryptées-qui ne peuvent être compris que-dans-le-contexte-de-la-propagande-électorale-japonaise-et-qu’au-Japon-personne-ne-croit-à ce-qui-est-publié-particulièrement-quand-l’enfilade-de banalités-fait penser-qu'il-était-défoncé» peut encore marcher. La bêtise est publiée maintenant, citée et analysée.

Dans «Perdu dans la syndication: Le cas de l’essai de Hatoyama [8]», Nathan Gardels a écrit [en anglais] : «A l’âge de l’informatique, aucun pays n’est plus une île, même le Japon.» Nathan Gardel est le rédacteur en chef de Global Viewpoint Network du Tribune Media Services et il est celui qui a déclenché le processus menant à la publication de l’essai dans les médias anglophones.

En soi même, rien de cela n’est surprenant. N’est-il pas compris par tout le monde aujourd’hui que nous vivons dans une maison planétaire de verre ? Que dans un monde relié par des réseaux sociaux, Internet, YouTube, le journalisme en ligne, les innombrables blogs et même les reproductions des articles de presse, tout ce qui est prononcé au Japon sera entendu partout ailleurs ?

Satomi [9] s'est lancé dans une minutieuse comparaison de l'original et de la traduction anglaise.

さすがスタンフォード博士号、事務所の英語も申し分ない。(まあ、それがアダに出て転載されちゃったわけだけど
。追:短縮版は通信社Global Viewpoint/TMS経由の配信) 両方比べてみると、元の原稿では第1章にカレルギーの名言「人間は目的であって手段ではない。国家は手段であって目的ではない」とその説明が出てくるのに、NYタイムズの転載記事は第2章終盤の「~資本主義が原理的に追求されていくとき、人間は目的ではなく手段におとしめられ、その尊厳を失う」から始まるので、「目的」と「手段」という言葉を元々誰がどういう文脈で使ったのか分からず、のっけから穏やかじゃない。 でもま、変わってる部分と言ってもそれぐらいか。残りは単なるコピペ。でも書き出しで読み手のマインドセットは9割ぐらい決まっちゃうものなので、あの書き出しはなんとかして欲しい。

参考までに全部オリジナル記事と照合し、転載箇所だけ元の日本語に戻してみよう。グレイは削除、オレンジは加筆・編集された部分。

La traduction faite par le bureau de Hatoyama est plus qu’acceptable, digne d’un doctorant de l'université de Stanford . (Bon, cela s’est révélé un fait malheureux qui mena à la reproduction de l’article). Si vous comparez les deux articles, l’essai original cite et explique les mots de Kalergi «L’homme est un fin et non un moyen. L’Etat est un moyen et non un fin.*» dans le premier chapitre. Pourtant, le New York Times commence son article avec « […] mais la poursuite fanatique du capitalisme, qui peut être Vérifions l’article original entier et mettons en japonais les parties qu’ils ont  reproduites. Les mots gris sont les parties qui ont été omises dans la publication du NYT, et les oranges sont les parties qui ont été éditées.décrit comme «la liberté formalisée dans des termes économiques», a entraîné l'utilisation des personnes non comme des fins mais comme des moyens*», qui apparait à la fin de la deuxième chapitre. Quand on dit «fin» et «moyen» alors que le  contexte est perdu, alors, la version anglaise commence  à paraitre sévère. Cependant, ce sont à peu près les seules modifications. Pour ce qui concerne le reste,  c'est tout simplement du copier coller. Mais le chapeau ouvrant un article décide pour 90% de la façon dont les lecteurs vont appréhender les choses, donc, j’aimerais qu’ils modifient cette partie. Vérifions une nouvelle fois l'intégralité de l'article original et mettons en japonais les parties qu'ils ont reproduites. Les mots en gris sont les passages qui ont été ommis par l'article du NYT, et les mots en orange, les parties qui ont été éditée.

Extraits de la traduction anglaise [10] [doc] qui peut être consultée sur le site officiel de Hatoyama [3]. Il existe aussi une traduction coréenne [11] [doc].

Tobias Harris a en fait trouvé la version anglaise meilleure que l’original [en anglais] :

Je ne crois pas à l’idée que la version originale a été déformée par la traduction ; au contraire, la version traduite et abrégée était de loin supérieure à l’original, que j’ai trouvé «un méli-mélo d’anti-mondialisme de bas étage, de confraternité mystique et d'esprit conservateur nostalgique», et j'ai été atterré  par l’idée qu’il puisse être vraiment un guide sérieux à la pensée de Hatoyama. Et à aucun moment dans l’essai original Hatoyama ne réfléchit beaucoup sur les aspects positifs de la globalisation. L’original se lit comme une version plus sévère et longue de la traduction, qui contient presque une page de discussion sur comment le capitalisme traite les gens comme des moyens et non comme des fins, et sur comment le capitalisme détruit les valeurs, les traditions et les communautés.

Il énumère trois leçons dont il espère qu'elles ont été comprises par l’administration Hatoyama. [12]