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Australie : “Laissez venir à moi les petits enfants”

Catégories: Australie, Indonésie, Sri Lanka, Médias citoyens, Réfugiés

Les demandeurs d'asile et les migrants illégaux figurent sans doute aux premiers rangs des sujets de préoccupation les plus brûlants du monde développé. Après l'arrivée du Tampa, un cargo qui avait repêché des réfugiés en mer, le Premier Ministre John Howard avait utilisé la sécurité aux frontières comme un de ses cris de ralliement pour les élections australiennes de 2001, avec des résultats révélateurs.

Cette semaine, son successeur Kevin Rudd s'est laissé entraîner dans une autre polémique :

Le premier ministre Kevin Rudd dit qu'il a parlé au président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono le weekend précédant l'interception par les autorités indonésiennes de 260 Sri Lankais sur un bateau qui faisait route vers l'Australie.

Des demandeurs d'asile interceptés sur un appel du PM [1]

Mark Kenny, une grosse pointure des blogs, est éditeur politique de The Advertiser, un journal du groupe News Limited à Adelaïde. Il blogue sur The Punch, une publication en ligne qui fait collaborer des journalistes de News Limited et des dizaines d'auteurs indépendants d'horizons et d'intérêts très variés. Sa réaction a été cinglante pour le Premier Ministre :

Dans un seul et unique entretien à Adelaïde cette semaine, Kevin Rudd a martelé les mots “dur” et “intransigeant” et a déclaré et répété que le gouvernement  “ne s'excusait pas” pour son attitude virile envers les boat people.

Sa condamnation des deux dirigeants est sans équivoque :

Et pourtant il n'y a pas de question morale plus pressante au monde que celle des droits humains des déplacés de force – il y en actuellement quelque 42 millions. Autant que pour les capitaux, les mouvements de population sont une réalité mondiale.

Le gouvernement devrait avoir à présent le courage de ses opinions et regarder en face la campagne de peur orchestrée contre lui. Si une politique basée sur des preuves a jamais été justifiée, c'est ici et maintenant. Voilà qui serait un vrai leadership moral – les électeurs respectent cela aussi.

Je m'appelle Kevin Rudd, et je suis pareil à John Howard [2]

Mark Henderson, sur le blog The Australian Conservative, est de l'avis opposé :

Kevin Rudd détricote les mesures sévères mais hautement couronnées de succès du gouvernement Howard contre les boat-people et près de deux mille immigrants illégaux se faufilent dans le territoire australien.

… Quelle farce.

Les “mesures les plus intransigeantes” n'ont consisté qu'à téléphoner au président indonésien.

Rudd n'est pas prêt à assumer les décisions vraiment difficiles prises par le gouvernement Howard, décisions qui l'ont rendu profondément impopulaire auprès de larges sections des médias et des commentateurs de l'élite, mais qui ont effectivement stoppé le flux des immigrants illégaux et les tragiques pertes de vies en mer.

Dur pour les clandestins ? De qui se moque-t-il ? [3]

Guy Beres présente le blog qui porte son nom comme des ‘Réflexions sur la démocratie sociale, l'économie, les médias et la comm’ dans un âge d'incorrigible cynisme’. Dans une analyse longue et passionnée de la question, il argumente ainsi :

L'opposition semble tenir désespérément à faire contraster sa propre rhétorique historique sur le problème des demandeurs d'asile avec l'approche légèrement plus douce, plus humaine adoptée par le gouvernement Rudd. Omettant provisoirement les questions plutôt déplaisantes et parfois inquiétantes de droits humains soulevées par le plan de détention obligatoire et illimitée du précédent gouvernement, l'opposition veut nous rappeler qu'elle était “dure” avec les boatpeople quand elle était au pouvoir, et que les travaillistes ne sont  “pas aussi durs”. Dans la logique de cet angle d'attaque, chaque rafiot qui appareille de Colombo ou d'ailleurs en direction de l'Australie représente apparemment un échec de la politique du gouvernement Rudd  en comparaison avec l'illustre palmarès du gouvernement Howard.

La furphy des boat-people refait surface [4]

Précision : ‘furphy’ est un terme australien équivalent de “brouiller les pistes”.

Entre temps, voici la dernière sur ces demandeurs d'asile sri-lankais qui font la grève de la faim :

Les 255 demandeurs d'asile sri-lankais qui ont organisé une grève de la faim hier soir ont gardé leur attitude de défi, insistant qu'ils ne quitteraient pas leur bateau ni même ne consommeraient de liquides, malgré la chaleur torride.

Une fillette qui avait fait une requête d'asile en leur nom a été en butte à une attaque personnelle :

Pendant ce temps, le haut commissaire sri-lankais, Senaka Walgampaya, a jeté le doute sur le compte d'une petite fille de neuf ans du bateau, Brindha, qui a lancé un émouvant appel au secours pour les Tamouls. ”Elle pleurait et sanglotait et a dit, ‘Nous avons passé un mois dans la jungle’,” a-t-il dit. ”Mais elle est tout à fait bien nourrie et elle parlait un très bon anglais. Elle n'est pas du Sri Lanka.”

Les boat people refusent des liquides par résistance [5]

La bataille en cours ne considère apparemment personne comme innocent. Ce n'est pas une question appelée à disparaître prochainement, comme peut l'attester une visite au site web d'information de la chaîne Australian Broadcasting Corporation (ABC). Un clic sur le tag “réfugié” [6] et on trouve des dizaines d'articles récent concernant l'Australie.