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Brésil : La crise au Honduras vue par les blogueurs brésiliens

Catégories: Amérique latine, Brésil, Honduras, Gouvernance, Politique, Relations internationales

Ce texte a été publié sur Global Voices en anglais le 3 octobre 2009

La controverse a été grande autour du droit constitutionnel de déposer le président du Honduras Manuel Zelaya [1][en anglais]. La crise elle-même a déjà fait les titres des journaux et des blogs dans certains pays, et plusieurs blogueurs latino-américains, entre autres des Brésiliens, sont en train de contribuer au débat sur les événements au Honduras.

Le Brésil est désormais engagé dans une situation diplomatique insolite. Même si l'on ne possède pas de preuve, jusqu'à présent, de sa participation effective à  la crise au Honduras, le fait est qu'il n'existe pas de précédent similaire dans l'histoire du droit international. La crise a atteint l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa et motivé les blogueurs brésiliens à discuter de politique internationale en Amérique Latine ainsi que du rôle du Brésil dans le déroulement de ces événements.

Zelaya na Embaixada do Brasil. Imagem por @kattracho no Twitpic. [2]Zelaya à l'Ambassade du Brésil. Photo de @kattracho sur Twitpic.

Cesar Fonseca, du blog Independência Sul Americana [3] [Indépendance sud-Américaine, en portugais, comme tous les liens sauf mention contraire], décrit les événements au Honduras comme une honte pour les pays latins, puisqu'ils (les Honduriens) ont fait appel à la violence pour obtenir le pouvoir, soutenus par les forces armées et le vide législatif [4] en la matière :

Roberto Micheletti, presidente do Legislativo de Honduras, o Carlos Lacerda golpista hondurenho, errou o time histórico, ao aliar-se aos militares, para detonar governo constitucional de José Manuel Zelaya, que propôs referendo constitucional para respaldar nova Constituinte, que, entre outras determinações, suprimiria limite para mandatos presidenciais, como ocorre nas democracias européias.

Roberto Micheletti, Président du congrès du Honduras, le Carlos Lacerda [5] [en français] hondurien, a fait une grave erreur de timing en s'alliant aux militaires dans le but de renverser le gouvernement de José Manuel Zelaya. Celui-ci avait proposé un référendum  pour soutenir la nouvelle constitution, qui, entre autres résolutions devait supprimer la limitation du nombre des mandats présidentiel, comme cela se passe dans les démocraties européennes.

Pour Bruno Kazuhiro, du blog Perspectiva Política [6] [Perspectives politiques], si Zelaya a fait une erreur en contrevenant aux termes de la constitution, le Congrès, les forces militaires et le pouvoir judiciaire aussi [7], en l'expulsant du pays sans le moindre jugement :

O que o exército hondurenho fez foi muito errado no modo, mas não, na essência. Não deveria ter sido o exército a retirar Zelaya do poder, porém, aceita a renúncia deste pelo Congresso e nomeado o novo Presidente, Manuel Zelaya deveria sim, no fim das contas, deixar o governo. Melhor que tivesse sido voluntariamente.

Para os que me disserem que o povo hondurenho desejava mais um mandato do grupo de Zelaya, pergunto:

Por que então Zelaya não indicou sucessor e respeitou a lei?

Ce que l'armée hondurienne a fait fût une erreur sur la forme, mais pas sur le fond. Évincer Zelaya du pouvoir n'aurait pas dû être le rôle de l'armée ; quoiqu'il en soit, dès lors que le congrès avait accepté son abdication et nommé un nouveau président, Manuel Zelaya aurait dû quitter le pouvoir. Cela aurait été mieux qu'il le fasse volontairement.

À ceux qui prétendent que le peuple hondurien souhaitait un nouveau mandat du parti de Zelaya je demande :
Pourquoi, alors, n'a-t-il pas indiqué le nom de son successeur, respectant ainsi la loi ?

Picture brought by @jeneffermelo on TwitPic [8]

Photo de @jeneffermelo sur TwitPic

Le 22 septembre 2009, Zelaya a réussi a revenir clandestinement au Honduras et a atteint l'ambassade brésilienne à Tegucigalpa, trouvant refuge, pour lui et 63 autres coreligionnaires, sous la protection de l'organe de représentation brésilienne. Immédiatement, le gouvernement hondurien a fait encercler l'immeuble, bloquant l'accès au local et imposant un couvre-feu à la population. L'électricité et le téléphone furent aussitôt coupés dans l'immeuble de la mission diplomatique.

La polémique est partie du fait que Zelaya n'avait aucunement l'intention de demander l'asile politique au Brésil, selon l'interview qu'il a accordé à la TV Globo [9], et que son séjour dans l'ambassade n'était qu'une demande de protection, une forme de résistance et la recherche d'un appui politique. Si telle est son intention, il place le Brésil dans une position délicate, le pays ayant donné abri à un persécuté politique qui ne prétend pas à l'asile, mais souhaite seulement solliciter des forces pour l'affrontement avec ceux qui l'ont destitué.

Le blog Movimento Ordem Vigília Contra a Corrupção [10] pense que l'entrée de Zelaya dans l'ambassade brésilienne fut directement soutenue par le président vénézuélien Hugo Chavez, et relève des incohérences qui semblent indiquer de probables mensonges [11] proférés par les principaux protagonistes :

A diplomacia terceiro-mundista tupiniquim inovou, em matéria de Direito Internacional, criando a figura do perseguido que pretende ENTRAR e não SAIR. Costuma-se conceder asilo para aquele que tenta sair do país, perseguido pelo seu governo, e Zelaya, ao contrário, entrou no país com uma súcia de 60 simpatizantes, o que desfigura a individualidade do asilo. Pior: Zelaya está usando o prédio diplomático como “bunker” da guerrilha para conclamar seus desordeiros e convulsionar as forças de ordem do país.

La diplomatie tiers-mondialiste Tupiniquim [12][en anglais] (équivalent de “gaulois” pour les Brésiliens) a innové en matière de droit international, créant la figure du persécuté qui veut ENTRER et non SORTIR. Il est courant d'accorder l'asile politique à ceux qui tentent de sortir du pays, poursuivi par le gouvernement, mais Zelaya, au contraire, est revenu dans son pays avec une bande de 62 sympathisants, ce qui dénature l'individualité de l'asile politique. Pire encore, Zelaya est en train d'utiliser la mission diplomatique brésilienne comme un “bunker” de la guérilla pour exhorter les fauteurs de troubles et ébranler ainsi les forces de l'ordre du pays.

D'ailleurs, Chávez, qui est un habitué des coup de mains aux velléités de retour de Zelaya dans son pays, a lui-même confessé à la BBC [13] qu'il était au courant de ce retour et confirmé son aide au président déchu pour se jouer des autorité.

Mais tous les blogueurs n'acceptent pas cette thèse de l'influence chaviste dans cette histoire. Pour Leandro Fortes, du blog Brasília, eu vi [14] [Brasília, j'ai vu], cette théorie constitue le buzz de la presse latino-américaine ainsi que le point faible des médias de masse. Il pense que les récentes manifestations de la gauche ont été traités de façon superficielle et standardisé, ignorant toutes nuances régionales [15] :

O jornalismo está abandonando, aos poucos, por motivos inconfessáveis, a valorização das personagens como elemento de narrativa. Emblemático é o caso de Honduras, um catalisador profundo das intenções de setores da imprensa cada vez mais perfilados em bloco sobre um ensaiado viés chavista (a nova panacéia editorial do continente) aplicado ao noticiário toda vez que um movimento de esquerda se insinua sobre velhos latifúndios – físicos e imateriais. Para tal, recorre-se cada vez mais a malabarismos de linguagem para se referir ao golpe militar que derrubou o presidente constitucionalmente eleito Manuel Zelaya.

Por conta disso, o governo golpista passou a ser chamado, aqui e acolá, de “governo de fato”, uma solução patética encontrada por alguns veículos para se referir a uma administração firmada na fraude eleitoral e na usurpação pura e simples de poder. Há, ainda, quem se refira à quadrilha de Roberto Micheleti como “governo interino”, o que só pode ser piada.

Petit à petit, le journalisme est en train de cesser de reconnaître, pour des motifs inavoués, toute spécificité aux personnages de l'histoire. Le cas du Honduras est emblématique, il est un puissant catalyseur des intentions de certains secteurs de la presse, faisant de plus en plus bloc autour des répétées déviations “chavistes” (la nouvelle panacée éditoriale du continent), appliqué aux informations à chaque fois qu'un groupe de gauche tente de faire courir des rumeurs sur d'anciens latifundiaires – physique ou immatériels. Pour ce faire, ils utilisent un langage de plus en plus métaphorique dans leurs références au coup d'état militaire qui a déposé le président constitutionnellement élu Manuel Zelaya.

Dans cette optique, le gouvernement auteur du coup d'état, est présenté, ici et là, comme le “gouvernement de fait” une solution pathétique trouvée par certains médias lorsqu'ils citent cette administration basée sur la fraude électorale et l'usurpation pure et simple du pouvoir. Il en est encore pour faire référence à la bande de roberto Micheleti comme “gouvernement par intérim” ce qui ne peut être qu'une plaisanterie.

A demonstration in front of Brazil Embassy in Honduras. Photo by vredeseilanden on Flickr. [16]

Une manifestation devant l'ambassade du Brésil au Honduras. Photo de vredeseilanden sur Flickr.

L'éventuelle implication du gouvernement brésilien dans le soutien au retour de Zelaya au Honduras, est restée au centre des discussions, mais, tout en n'étant à ce jour [3 octobre], pas encore confirmée, elle a été de manière véhémente, totalement niée par  le Ministre des affaires étrangères, Celso Amorim, dans une interview au journal O Estado de São Paulo [17]. Selon Amorim, le Brésil n'a accueilli Zelaya au sein de ses dépendances, qu'en vertu des règles internationales en matière d'asile politique. Officiellement, le gouvernement brésilien plaide pour le retour de Zelaya à la présidence de la république et la réalisation de nouvelles élections. Le journaliste et blogueur Luis Nassif [18] a noté une certaine appréhension dans les commentaires du ministre pendant son interview par la chaine CNN, dans laquelle il souligne que le changement de paradigmes qui agite la politique mondiale exigeait du Brésil une position plus décisive dans des dossiers tel que celui du Honduras [19] :

Mesmo que seja verdade (como disse Amorim) que o Brasil foi pego e surpresa no episódio (pedido de abrigo de Zelaya) um país que deseja se firmar como global player tem que estar preparado, não só para “surpresas” dsse tipo, como para assumir, sem hesitação ou insegurança, sua condição de protagonista, particularmente nas questões de politica continental. Para o bem ou para o mal.

Bom, espero que pelo menos a insegurança demonstrada por Amorim, (inegável na minha percepção) sirva de aprendizado.

Même si il est vrai (selon Amorim) que le Brésil a été, à cette occasion, pris par surprise ( la demande d'asile de Zelaya), un pays qui prétend consolider sa position de global player se doit d'être préparé, non seulement à des “surprises” de ce genre, mais aussi à assumer, sans hésitation ni embarras, sa condition de protagoniste, particulièrement dans les questions de politique continentale, pour le meilleur et pour le pire.

Bon, j'espère que l'embarras affiché par Amorim (qui était, je pense,  suffisamment clair) servira au moins de leçon.

Gabriel Purcelli, du blog Desabafo Brasil [20] [Vide ton sac Brésil], maintient que la façon dont le Brésil a mené cette affaire lui permet d'affirmer sa position de leader dans la région. La protection offerte au “président constitutionnel”, Zelaya, face aux excès du “président de fait”, Micheleti, est une mesure qui, indirectement, permet de remplir le vide laissé par la chute de l'influence étasunienne en Amérique Latine [21]:

A jogada brasileira, na qual já estão publicamente envolvidos o chanceler Celso Amorim e o próprio presidente Lula, e para a qual estão utilizando a caixa de ressonância da Assembléia Geral da ONU, em Nova York, deve ser vista à luz da inquietação provocada em Brasília pela remobilização da IV Frota dos Estados Unidos no Atlântico Sul e a presença desse país em bases militares colombianas. Convencidos de que esses movimentos se destinam a contrabalançar sua força como potência emergente, os brasileiros não deixarão passar a oportunidade de se projetar, reafirmando-a.

Le coup d'éclat brésilien, dans lequel le ministre Celso Amorim et le président Lula lui-même sont publiquement impliqués et pour lequel ils utilisent la caisse de résonance de l'assemblée générale de l'ONU à New-York, doit être regardée à la lumière de l'inquiétude provoquée, à Brasilia, par la redéploiement de la IVème flotte des États-Unis dans l'Atlantique Sud ainsi qu'à la présence de ce pays sur des bases militaires colombiennes. Convaincus que ces mouvements sont destinés à contrebalancer leur force en tant que puissance émergente, les brésiliens n'ont pas laissé passer cette opportunité de réaffirmer leur position, plutôt que de ne rien faire.

Raphael Garcia Tsavkko [22] suit le même raisonnement et relève des faits intéressants liés à la participation du Brésil dans la résolution de ce conflit. Il argumente [23] :

O Brasil não sai prejudicado, na verdade foi forçado – a contragosto talvez – a mostrar porque é ou quer ser o líder da América Latina. Não mais o papo de que é mas ações concretas. Resolvendo ou ajudando a resolver o conflito no país o Brasil sai fortalecido como nunca, sai com mais força para pleitear a vaga permanente no Conselho de Segurança – que conta já com o apoio entusiasmado de Sarkozy – e sai fortalecido no cenário internacional.

Le Brésil ne sort pas affaibli de cette histoire, en vérité, il a été forcé – probablement à contrecœur – de monter pourquoi il est ou prétend être le leader de l'Amérique Latine. Finies les allégations intempestives, il doit maintenant le prouver avec des actions concrètes. En résolvant ou en aidant à résoudre le conflit au Honduras, le Brésil sort renforcé comme jamais pour négocier à une place permanente au conseil de sécurité – une idée qui compte déjà, avec le soutien enthousiaste de Sarkozy – et il consolide sa position devant la communauté internationale.

Les restrictions imposée à l'ambassade brésilienne ont suscité des discussions à propos de la souveraineté de la nation dans les limites du bâtiment. Malgré le fait que beaucoup pensent que la représentation diplomatique d'un pays se situe en territoire étranger, le professeur de droit Túlio Vianna affirme [24] que, même si elle n'est pas, techniquement, considérée comme telle, l'attaque d'une ambassade devait être désavoué de la même manière:

A teoria atualmente dominante para legitimar as imunidades da Missão Diplomática é a “teoria do interesse da função”. Ainda segundo Celso Mello, estes privilégios e imunidades podem ser classificados em: inviolabilidade, imunidade de jurisidição civil e criminal e isenção fiscal (v2., nº511). Nas suas palavras:

“A inviolabilidade significa que nestes locais o Estado acreditado não pode exercer nenhum ato de coação (ex: ser invadido pela polícia), a não ser que haja o consentimento do chefe da Missão. Do mesmo modo, não pode ser efetuada uma citação dentro da Missão.”

Se os golpistas hondurenhos invadirem a embaixada brasileira em Honduras para capturar Zelaya, não estarão invadindo o território brasileiro, mas violando uma imunidade diplomática.

Pode ser tão grave quanto, mas não é a mesma coisa.

Actuellement, la théorie qui prédomine, dans la justification de l'immunité de la mission diplomatique, est la “théorie de l'intérêt de la fonction”. Toujours selon Celso Mello, ces privilèges et immunités peuvent être classer ainsi : inviolabilité, immunité des juridictions civiles et criminelles ainsi qu'exemption fiscal (v2., n°511). Selon ses propres mots :

“L'inviolabilité signifie qu'à l'intérieur de ces lieux l'état accrédité ne peut exercer aucun acte de coercition (ex. invasion par la police), sauf s'il le chef de la mission y consent. De la même manière, une assignation en justice ne peut avoir lieu dans la mission.”

Si les auteurs honduriens du coup d'état envahissent l'ambassade brésilienne au Honduras afin d'y capturer Zelaya, ils n'envahiront pas le territoire brésilien, mais ils violeront une immunité diplomatique.

Cela peut être aussi grave, mais ce n'est certainement pas la même chose.

Le 25 septembre été confirmée l'attaque de la mission diplomatique au moyen de gaz toxiques, provoquant un début d'affolement chez les personnes présentes à l'intérieur. L'attaque a été durement critiquée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies [25] .

Le gouvernement brésilien affirme rechercher une solution pacifique à l'impasse provoquée par le retour de Zelaya au Honduras. Les gesticulations belliqueuse sont de toutes façons impossibles, puisqu'elles signifieraient l'envoi de troupes militaires en pays étranger. Malgré tout, les blogeurs continuent à débattre du rôle du Brésil dans le déroulement de cette crise.

Vous pouvez lire d'autres revues de blogs sur la crise politique au Honduras en suivant ces liens de Global Voices vers notre dossier spécial [26]:

27 juin: Honduras: Political Crisis Over Controversial Referendum [27]
29 juin: Honduras: Zelaya Arrested and Removed as President [28]
2 juillet: Caribbean: On the Honduran Coup [29]
4 juillet: Honduras: Was it a Coup? [30]
24 septembre: Honduras: Citizen Videos from a Country Under Curfew [31]
29 septembre: Cuba: Eye on Honduras [32]