Il y a une vingtaine de jours, les images de guerre entre trafiquants de drogues et dealers à Rio de Janeiro se sont répandues à travers le monde. Les affrontements du 17 octobre, entre les gangs de la favela de Morro de São João et celle de Morro dos Macacos, ont terrorisé la population. Des centaines de policiers se sont déployés dans le but de maitriser les gangs rivaux sans aucun résultat: l'affrontement entre les dealers et les forces de l'ordre a eu pour seule conséquence le crash d'un hélicoptère de la police et la mort de trois policiers, ainsi que celle d'une trentaine d'autres personnes, parmi elles des membres présumés des gangs et des badauds.
Le blog Censurado [pt] critique l'attitude du gouverneur de l'état face à la crise, après avoir eu accès à des informations qui laissent suggérer que la police ne disposait d'aucune renseignement concernant l'invasion :
Vocês viram as cenas na televisão este fim de semana? Helicóptero caindo, policial morrendo queimado, inocente metralhado nas ruas e traficante invadindo a favela do outro em plena luz do dia, uma verdadeira cena de filme de guerra. Dizem no Rio que até o serviço secreto israelense sabia que um morro atacaria o outro, mas mesmo assim o governador Sérgio Cabral diz que a policia carioca não sabia de nada? Acho que ele anda passando muito tempo com o Lula. Só isso explica essa ‘ignorância’ sobre o tema.
La blogueuse Ana Maria [pt] fait remarquer qu'abattre un hélicoptère n'est pas une tâche si facile tout en soulignant que ce n'est sans doute qu'un début. Elle déclare [pt] :
Mas os senhores do tráfico, donos dos morros cariocas possuem não apenas as armas capazes disso, possuem indivíduos capazes de manuseá-las e causar um desastre como o do sábado.
Isso vai ficar marcado para sempre na memória da PM e do cidadão de bem, morador do estado do Rio de Janeiro.
Se eles podem fazer isso com um helicóptero da polícia tripulado por homens treinados, que dão a vida pela segurança pública, o que podem fazer com o cidadão comum?
Não vou “tapar o sol com peneira”.
As coisas podem piorar.
Cela va rester à jamais dans la mémoire de la police et dans celle des honnêtes citoyens, habitants de l'état de Rio de Janeiro.
Si ils peuvent faire ça avec un hélicoptère de la police piloté par des hommes surentrainés, qui donnent leur vie pour la sécurité publique, que feront-ils avec le citoyen lambda?
Je ne vais pas me “voiler la face”.
Les choses peuvent encore empirer.
Chroniques de la guerre des drogues
Le projet de média citoyen Viva Favela [pt] divulgue les récits d'habitants de la favela témoins oculaires de ce conflit. Leurs journalistes citoyens– vivant tous sur la zone frontalière, sous le feu croisé des deux camps – ont rapporté les commentaires des résidents des favelas (les faveleiros) ainsi que leurs photos du jour où la guerre de la drogue a commencé à Rio de Janeiro.
La première personne entendue par Viva Favela est Hugo Mattos, habitant de la rue qui donne sur la favela (Morro dos Macacos), celle dans laquelle tout est arrivé . Il a relaté que les dealers utilisaient des armes de gros calibre et il a ajouté qu'il régnait une sorte de crainte collective que la police ne reprenne le territoire occupé par les trafiquants, provoquant ainsi une réaction violente de la part de la faction qui contrôle le Morro dos Macacos :
O tiroteio começou por volta das duas da manhã e só terminou às oito horas, quando a policia chegou. Muita gente teve que dormir fora de casa nesse dia.
As pessoas dizem que ninguém deve sair de casa depois das 10 horas, porque algo pode acontecer.
Selon Viva Favela, de telles affirmations affluent sans cesse des habitants du quartier, incapables de réagir. Dans la soirée du mardi 20 Octobre, des résidents du Morro de São João se sont retrouvés dans les rues, inquiets des possibles représailles de la police, inquiétude qualifiée d'infondée par le chef de la police, le Colonel Mário Sérgio Duarte. Toujours est-il que la peur avait déjà largement bouleversé la population. Une autre résidente du Morro dos Macacos, Karen Carolina Nascimento dit qu'en fait, les tirs ont commencé il y a deux mois. Elle craint un nouveau conflit :
Já era praticamente uma rotina, mas no último sábado foi diferente. O confronto aconteceu por causa de uma tentativa de invasão e não foi a primeira vez que os traficantes do Morro São João tentam. O comentário que se escuta no morro é que a facção rival deu uma ordem para tomar o Morro dos Macacos até dezembro e que esses bandidos tiveram ajuda de policiais para tentar invadir.
O policiamento não está reforçado e os moradores estão muito apreensivos com medo de uma outra invasão. Eu trabalho no pé do Morro São João e vou para a minha casa andando. Ontem só havia um único carro com dois policiais dentro parado em uma esquina. Em cima do morro não existe policiamento nenhum. Uma vez ou outra um carro blindado sobe e faz uma ronda. Estamos com muito medo porque com certeza a facção rival vai tentar tomar novamente.
Les patrouilles policières n'ont pas été renforcées et les habitants appréhendent une autre invasion. Je travaille au pied du Morro (le morne où se tient le favela) São João et je rentre chez moi à pied. Hier, il n'y avait qu'une seule voiture avec deux policiers dedans, stationnée au coin d'une rue. Sur les hauteurs du morne, il n’ y a aucun policier. De temps en temps il y a un véhicule blindé qui monte et qui fait une ronde. On a très peur parce qu'une chose est sûre, la faction rivale va à nouveau vouloir reprendre le terrain.
Viva Favela [pt] divulgue aussi l'opinion de Wagner da Silva de Barros, un résident, âgé de 29 ans, de Vila Pinheiro du Complexe de Maré (une autre favela), qui dit que si les échos du conflit à Morro dos Macacos sont arrivés aussi loin, c'est à cause de la chute de l'hélicoptère et il ajoute que cette guerre va s'étendre à de nombreuses autres communautés :
A queda do helicóptero e a morte dos três policiais chocou parte da população, mas na Maré, durante cinco meses, nós vivemos um confronto entre facções que matou muita gente, inclusive moradores que nada tinham a ver com o tráfico, e não teve nem metade da divulgação que esse tiroteio dos Macacos está tendo.
Esses tiroteios reforçam de que na favela só existe bandido e violência, mas o que muitas pessoas ignoram é que trabalhadores morrem durante os conflitos e são logo identificados como traficantes pela polícia.
Ces fusillades renforcent les gens dans l'idée que dans la favela, il n'y a que des bandits et de la violence, mais ce que beaucoup ignorent, c'est que les travailleurs qui meurent durant les affrontements sont tout de suite identifiés par la police comme trafiquants.
Selon Viva Favela [pt], au Morro dos Macacos, trois jeunes victimes innocentes ont été inclues dans la liste des bandits tués. Le secrétaire d'état à la sécurité José Mariano Beltrame a fait marche arrière et présenté des excuses aux familles de Marcelo Costa Gomes, 26 ans, Leonardo Fernandes Paulino, 27 ans, et Francisco Haílton Vieira Silva, 24 ans. Ces trois hommes revenaient d'une fête au moment de l'invasion. Un quatrième homme, le serveur Francisco Alaílton Vieira da Silva, 22 ans, a été sauvé par des résidents mais est encore hospitalisé en soins intensifs. Sa petite amie est enceinte de trois mois.
Walter Mesquista de Viva Favela propose aussi des photos du conflit prises par le photographe Guillermo Planel durant la journée à laquelle les gens se réfèrent comme à celle de “la guerre des drogues”
Il y a à peu près 6.000 homicides par an dans tout l'état de Rio, qui compte 14 millions d'habitants. Une opération de “pacification” de la police, avec des patrouilles permanentes, a été mise en place pendant un an dans cinq favelas. Avec une présence toujours plus grande dans les favelas, la police force les gangs à trouver d'autres champs de batailles.
Viva Favela , projet de média citoyen, travaille avec ses propres blogueurs et photographes qui vivent dans les favelas de Rio. Le projet bénéficie des conseils de l'éditeur Rodrigo Nogueira. Vous trouverez plus d'informations dans leur site officiel sur Twitter [pt] ainsi que dans leur communauté Orkut [pt].