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Maroc : Aïcha Ech Chenna obtient le prix Opus

Catégories: Maroc, Droit, Droits humains, Economie et entreprises, Education, Femmes et genre, Jeunesse, Médias citoyens

 

Image Hisham G., photo Opus

Image Hisham G., photo Opus

Les relations sexuelles hors mariage sont tabou au Maroc, en principe passibles de prison, même si la loi est rarement appliquée. Etre mère célibataire est donc le tabou absolu, et les femmes qui tombent enceintes hors des liens du mariage sont souvent rejetées par leur entourage. C'est là qu'apparaît la mitante et travailleuse sociale Aïcha Ech Chenna : en 1980, après avoir assisté à l'abandon par  une mère célibataire de son enfant, Mme Ech Chenna a mis au point un exercice du travail social ayant pour seul but d'aider les mères célibataires. Aujourd'hui, près de 25 ans après ses débuts, Solidarité Féminine emploie des femmes dans deux restaurants, une boulangerie, quatre boutiques et un  hammam, et elle leur fournit soins médicaux, crèches et formation professionnelle. L'organisation assure aussi aux femmes une assistance juridique, les aidant à déclarer leurs enfants à leur nom (au Maroc, les femmes n'ont pas la capacité de donner leur nom de famille à leurs enfants, et en l'absence de nom de famille il est quasi impossible d'obtenir une carte d'identité).

Et c'est ainsi que, dans la 24e année de Solidarité Féminine, et à 68 ans, Aicha Ech Chenna [1] [en anglais comme tous les liens de ce billet] vient de se voir décerner la plus grande récompense religieuse au monde pour l'esprit d'entreprise, le Prix Opus [2]. Ce prix va doter l'organisation d'1 million de dollars US (plus de 7,5 millions de dirhams). Le comité Maroco-Américain, basé à Washington DC, a donné  une réception [3] en l'honneur de Mme Ech Chenna, immortalisant l'événement sur une vidéo qu'il a partagée sur YouTube  [4]:

Le blogueur Hisham de The Moroccan Mirror a commencé sa carrière médicale au Maroc, et il a observé au plus près le calvaire des mères célibataires dans ce pays. Il écrit [5] sur cette expérience, et loue Mme Ech Chenna pour son travail, en disant :

Nous entendions des histoires terribles de femmes célibataires enceintes, refusées dans les cliniques par les médecins ou les infirmières, et de nouveau-nés abandonnés aux portes des hôpitaux et cliniques, et nous voyions ces mêmes bébés et jeunes enfants délaissés (on les appelait “ben X”,  “fils de X”) ramenés à la maternité, sous-alimentés et déshydratés.

Pour être justes, ces femmes étaient traitées plutôt correctement, mais on pouvait sentir la froideur avec laquelle on s'occupait de leur cas. C'est à ce moment que j'ai appris l'existence d'organisations comme “Solidarité féminine,” “Association enfance espoir Maroc” ou “Bayti,” et de personnes merveilleuses comme Aïcha Ech Chenna qui ont endossé le fardeau de venir en aide à ces jeunes mères et à ces enfants abandonnés, dans une société qui continue à faire porter la responsabilité des relations extra-maritales principalement sur les femmes. Un stigmate terrible que seuls des gens comme Mme Ech Chenna peuvent contribuer à effacer.