Ros Sokhet, un journaliste connu au Cambodge pour ses articles publiés dans les médias cambodgiens anglophones, a été arrêté le 30 octobre et accusé de diffamation. Le 6 novembre, il a été reconnu coupable d'avoir répandu des accusations de corruption sur le présentateur de télévision et patron de presse Soy Sopheap. Il a été condamné à deux ans de prison [les liens sont en anglais].
A-t-il condamné pour ses articles sur la corruption au Cambodge, ou parce qu'il était lui même corrompu ?
Ros Sokhet a reconnu avoir envoyé les quatre textos suivant à Soy Sopheap en octobre dernier, comme l'écrit le Cambodian Auckland Association Inc. (CAAI) News Media le 30 octobre.
“Combien d'argent avez-vous exigé de Khe Dara, sa femme dit que le montant s'élevait à 5 000 dollars US, pourquoi avez-vous commis une si mauvaise action ?”
“Il y avait un petit quelque chose dans le dossier de Khe Dara mais vous l'avez exagéré, j'ai reçu un rapport de Tong Seng qui était menacé par vous ainsi que d'autre membres du parti CPP, tous étaient très mécontents ”
“Ok, tous les membres du CPP n'étaient pas contents, ils veulent vous détruire. De plus, le boss de CTN ne vous a pas bien reçu aussi”
“Tong Seng m'a demandé…?”
La personne citée, Khe Dara, est en prison pour avoir fait feu avec un revolver en public. Sa femme Hang Mong Heng assure que deux journalistes ont tenté de lui extorquer 7000 dollars US pour ne rien écrire sur l'affaire, mais elle s'est depuis retractée. L'autre personne citée, Tong Seng, est un gouverneur du parti CPP (Cambodia People’s Party).
Pourquoi Ros Sokhet a-t-il envoyé ces textos à Soy Sopheap ? Pourquoi Soy Sopheap a-t-il jugé bon de mettre la police au courant ?
Voici son explication :
“J'ai entendu certaines personnes parler de lui [de Soy Sopheap], des journalistes l'ont critiqué à la boutique Atlantic [aussi appelée Arun Reah], alors j'ai décidé de l'informer dès que possible”
Le numéro du mois d'octobre du Southeast Asia Globe a publié un article sur la corruption parmi les journalistes, directeurs de jouraux et présentateurs des journaux télévisés cambodgiens. Dans cet article, rédigé de façon ironique par Ros Sokhet en personne, il écrit que depuis le coffee shop Atlantic
“les journalistes passent un coup de fil pour fixer un rendez-vous et indique le prix exigé pour supprimer l'article ou modifier les faits pour favoriser la version préférée par la victime .”
Les autorités cambodgiennes et les directeurs de journaux cambodgiens reconnaissent que les journalistes sont corrompus mais aucun n'a assumé ses responsabilités. Pen Samithi, le président du Club des journalistes cambodgiens, a déclaré :
“Je reconnais qu'il y a beaucoup de journalistes corrompus et que le seul moyen de résoudre ce problème est que le Ministère de l'information n'accorde plus que sous conditions strictes la permission de publier un journal.”
Samithi est le rédacteur en chef et le directeur du journal pro-CPP Ramsey Kampushea. Le directeur du journal Meatophoum, Om Chandara, souhaite lui aussi des règlements plus stricts, et critique le Ministère de l'information,
“Il accorde des laissez-passer et des licences à des journalistes sans formation qui trainent en extorquant de l'argent partout, de la capitale aux provinces.”
Le Ministre de l'information, Khieu Kanharith, s'est défendu en rejetant la responsabilité sur d'autres : “Elle [la corruption] existe parce que les autorités provinciales sont faibles.” Ros Sokhet avait cité, dans son article, Soy Sopheap, qui affirmait : “Je ne suis pas corrompu et je n'ai jamais reçu d'argent”.
Il existe de nombreux journaux anglophones ou dirigés par des non Cambodgiens au Cambodge. Le Phnom Penh Post a acquis sa notoriété pour sa couverture de la guerre durant les années 90, et le Cambodia Daily, une entreprise sans but lucratif dirigée par Bernie Krishner, s'efforce de ne publier que des informations sérieuses ainsi que de former les jeunes journalistes. Le Southeast Asia Globe, publié par d'anciens employés du magazine allemand Focus, est un mensuel en couleur dont les bureaux sont situés au Cambodge et en Thaïlande. Tous emploient des personnels khmer et étrangers. The Mirror traduit en anglais des articles publiés en khmer et les publie en ligne, tandis que l'auteur anonyme du blog Details are Sketchy publie des billets informatifs sur le Cambodge et les médias cambodgiens.
La liberté de la presse au Cambodge, selon le classement annuel de Reporters Sans Frontières, s'est améliorée en 2009, passant à la 126ème place à la 117ème dans la liste des 175 pays examinés. Cette année, au moins un journaliste a été arrêté [au Cambodge] pour avoir enquêté sur la corruption, sans compter Ros Sokhet, alors que l'an dernier, deux journalistes sympathisants de l'opposition avait été tués durant la campagne pour des élections de 2008.
1 commentaire
Au Cambodge, il vaut mieux suivre la loi de près avant que la loi te suive de près..