Le 9 octobre, le tribunal suprême italien a statué que l'immunité pénale du Premier Ministre Silvio Berlusconi pendant la durée de ses fonctions — garantie par une loi spéciale approuvée par son propre gouvernement de centre-droit en 2008 — était inconstitutionnelle. Cette décision a rouvert deux procès en cours accusant M. Berlusconi de fraude comptable et de corruption.
Depuis cette décision de justice, le premier ministre a lancé une campagne accusant les juges “communistes”, la presse nationale et internationale, et même le président italien Giorgio Napolitano de parti-pris politique contre lui. La semaine dernière, le gouvernement a proposé une loi qu'il vante comme “l'une des réformes les plus radicales depuis la fin de la 2e guerre mondiale du système judiciaire à l'allure d'escargot de l'Italie”, qui, de l'avis catégorique de l'opposition, des magistrats et des associations de défense des consommateurs n'est autre qu'une nouvelle loi “ad personam ”, taillée sur mesure pour aider M.Berlusconi à esquiver les procès pour corruption.
Le jour même du verdict, le 9 octobre, un groupe de blogueurs, de citoyens et d'intellectuels, se disant “apolitiques et n'appartenant à aucun parti”, a lancé l'idée d'une manifestation nationale anti-Berlusconi exigeant sa démission. Ils ont aussitôt ouvert un groupe Facebook sous cet en-tête :
SALVIAMO L'ITALIA, SALVIAMO LA DEMOCRAZIA. BERLUSCONI DIMETTITI.
SAUVONS L'ITALIE, SAUVONS LA DEMOCRATIE. BERLUSCONI DEMISSION.
Samedi 5 décembre a été désigné “No Berlusconi Day (NBD)”. La campagne a rapidement pris de l'ampleur sur Internet avec des vidéos, des blogs, et des tweets, tout comme hors ligne, par le bouche-à-oreille. En à peine plus d'un mois, plus de 280.000 personnes se sont engagées à héberger un événement public sur “No Berlusconi Day”, par le groupe Facebook principal, avec des groupes constitués dans de nombreuses villes d'Italie et du reste du monde, dont San Francisco et Sacramento (Californie), Ottawa et Montréal (Canada), Buenos Aires (Argentine), Londres, Madrid, Vienne et Istanbul – où des rassemblements locaux se tiendront le même jour.
L'initiative a été rapportée sur d'innombrables sites web, ainsi que par les quotidiens les plus en vue d'Italie, la Repubblica et Corriere della Sera. Le 14 novembre, le journal de gauche L'Unità a consacré plusieurs pages à cet événement, y compris un article soulignant le rôle crucial des médias citoyens dans de telles “initiatives de la base”, le comparant au mouvement de contestation en Iran et même à l'élection d'Obama aux USA. Une lettre ouverte est parue dans le Times de Londres.
Alors que le manifeste du mouvement de protestation a déjà été traduit en 11 langues, y compris l'arabe, le turc et le serbo-croate, le blog du No Berlusconi Day explique plus en détail :
Le collectif No Berlusconi Day est un vaste réseau informel et mondial de citoyens ordinaires, de tous les horizons politiques et culturels. Les coordinateurs du collectif sont bénévoles et n'ont aucune affiliation politique collective particulière… Bien que le collectif No Berlusconi Day soit apolitique, tant celui-ci que l'événement qu'il organise ont reçu le soutien et l'appui publics d'un certain nombre de militants de haute volée, comme Salvatore Borsellino, le frère du juge anti-corruption Paolo Borsellino assassiné par la Mafia à l'aide d'une voiture piégée en 1992.
Beppe Grillo, un célèbre comédien italien qui a lancé l'an dernier une campagne contre la corruption et l'illégalité des derniers gouvernements italiens [en italien] très populaire (certains disent ‘populiste’) [en anglais], a également annoncé son soutien au No Berlusconi Day sur son site internet, suscitant plus de 1.300 commentaires, dont l'écrasante majorité approuve ses affirmations :
“Mi sono rotto i coglioni di Berlusconi”. Ditelo in pubblico, al bar, al ristorante. Gridatelo in radio, ai semafori, scrivetelo ai giornali, inviate mail ai siti italiani e internazionali, alle caselle di posta dei deputati, dei senatori. “Mi sono rotto i coglioni di Berlusconi”.
[…]
E’ mai possibile che gli italiani, anche quelli rincoglioniti dalle televisioni, non abbiano un moto di rigetto, un conato di vomito a vedere la Repubblica Italiana trattata come una zoccola? Il Grande Corruttore ha corrotto forse ogni coscienza? Tutto ciò che ha toccato nella sua vita si è corrotto, decomposto. E’ lui l'H1N1 della nostra democrazia.
[…]
Comment est-il possible que les Italiens, même abêtis par la télévision, n'aient pas un mouvement de rejet, une nausée à voir la République italienne traitée comme une putain ? Le Grand Corrupteur a peut-être corrompu toutes les consciences ? Tout ce qu'il a touché dans sa vie est corrompu, décomposé. Il est le H1N1 de notre démocratie.
Le groupe Facebook principal publie un flux continu de nouveaux commentaires:
Giacomo Spataro: GIORNO 5/12.. TUTTI I NEGOZI CHIUSI…bandiere viola fuori…e tutti a roma….
JOURNEE 5/12.. TOUS LES COMMERCES FERMES…les drapeaux violets sortis…et tout le monde à rome….
Diritto Di Parola: La manifestazione si potrà definire APARTITICA e nata ed organizzata dal basso solo se i partiti non esibiranno i propri simboli. Non raccontiamoci frottole :) W il 5 dicembre voluto dai cittadini !!!! Scendiamo tutti in piazza a manifestare per le dimissioni di Berlusconi !!!
La manifestation ne pourrait se définir NON-PARTISANE et née des organisations de base que si les partis politiques n'exhibent pas leurs symboles. Ne nous leurrons pas :) Vive le 5 décembre voulu par les citoyens !!!! Tout le monde dans la rue pour manifester pour la démission de Berlusconi !!!
Daniele Nuzzo: Per fare Carpooling per andare a Roma dividendo le spese.
Les organisateurs du NBD ont choisi le violet pour identifier le mouvement, expliquant que le “violet n'est pas seulement la couleur du deuil, c'est aussi un symbole de l'énergie vitale et de l'auto-détermination”. D'où quelques idées créatives sur Facebook :
Une image à utiliser pour votre profil ou pour un t-shirt:
Tandis que des rencontres informelles se mettent en place à travers le pays, le tam-tam électronique bat aussi sur Twitter.
Le 31 octobre, les premiers bénévoles sont descendus dans la rue dans de nombreuses villes pour commencer à donner des informations sur l'évenement en préparation. Voici une vidéo prise au centre de Rome, dans laquelle une journaliste de la chaîne de télévision PdCI a fait un micro-trottoir des activistes [italien]:
Aucun parti politique ne soutient officiellement la manifestation, à l'exception d'Antonio di Pietro et de Paolo Ferrero (chefs de petits partis d'opposition, respectivement l'Italie des Valeurs et le Parti des Communistes italiens), qui ont confirmé leur participation au défilé de Rome.
Les gens vont-ils vraiment descendre dans la rue en masse? Pour ceux qui hésitent encore, la vidéo ci-dessous de “Joker Silvio” explique les “10 raisons principales de participer au No B-Day, un événement né et grandi presque exclusivement sur le Net” [italien]:
2 commentaires
a new test for the power of the new media
vision d’un français en Italie sur le No B Day : http://www.rome-en-images.com/2009/12/no-berlusconi-day-no-b-day.html
Ciao