Russie : L'hiver en Yakoutie

L'hiver se fait encore attendre dans la plus grande partie de l'Europe occidentale, mais on parle déjà de l'une de ses conséquences géopolitiques : les risques d'arrêt de la livraison du gaz russe [en anglais] semblent s'aggraver, dus au conflit gazier entre la Russie et l'Ukraine [en français] .

En dehors de la politique, l'hiver est en fait arrivé depuis la mi-septembre dans certaines régions de la Russie. En Yakoutie [en français], ou République de Sakha, par exemple : c'est la région la plus étendue de la fédération russe, sa superficie avoisine celle de l'Inde [en français], mais avec une population de moins d'un million d'habitants. C'est là qu'est situé le Pôle du froid [en anglais] (le terme “pôle du froid” désigne le point officiellement le plus froid) de l'hémisphère Nord, sur une terre riche en ressources naturelles, dont le diamant, le pétrole et le gaz [en anglais].

Le 15 septembre, le blogueur et journaliste Bolot Bochkarev, qui vit à Iakoutsk, a publié deux séries de photos sur l'automne en Yakoutie – à Iakoutzk et à Pokrovsk – sur son compte de photos Flickr et sur son blog, AskYakutia.com. Il a écrit ceci [en anglais] :

Sur mon compte Flickr, j'ai reçu une bonne question d'un internaute australien, tanetahi. Dans son commentaire sur l'une de mes premières photos d'automne, il a écrit :

Est-ce que les gens sont déprimés et se plaignent beaucoup du froid quand vous passez de l'été à l'hiver à Iakoutsk, ou est-ce que ce climat sévère est juste accepté comme une partie inévitable de la vie là-bas ?

Ma réponse a été : “Septembre et le début du mois d'octobre sont très déprimants. Non, nous ne nous plaignons pas du froid qui arrive. Nous regrettons juste les jours d'été qui sont passés, et nous avons à nous préparer à un long hiver.” En fait , c'est réellement déprimant. […]

Le lendemain, Bolot a été obligé de mettre à jour son billet sur l'automne :

[…] MISE A JOUR : 16 sept, 2009, la première chute de neige en Yakoutie du sud !!! C'est arrivé à Nerungri, Tommot, Aldan ! Cela ne peut vouloir dire qu'une chose. L'HIVER EST LÀ!!! )))

à Iakoustk, il fait trop froid et il y a trop de boue. J'aimerais avoir de la neige dès maintenant, parce qu'il ferait un peu plus chaud.

Deux mois plus tard environ, le 18 novembre, Bolot a publié ce message (en anglais) sur son compte Twitter, @yakutia :

la semaine prochaine, nous allons avoir les premiers jours à  -40 ° à Iakoustk. trop tôt. difficile à croire.

Au début du mois, Bolot a re-publié des photos de “Iakoutsk en novembre” prises il y a deux ans par le photographe Björn Steinz. Et on trouve également beaucoup d'informations pratiques de voyage sur le blog de Bolot, dont un article sur une auberge de jeunesse de Iakoutsk et une “description de la visite standard de l'endroit officiellement recensé comme le plus froid de Sibérie” – Oymyakon – proposée par “Semen Baichev, voyageur enthousiaste qui vit à Oymyakon,” et qui “organise tout type de visites au Pôle du froid pour les touristes en solo et les groupes des agences de voyage”.

En plus de son blog  AskYakutia.com, Bolot dirige le portail Internet YakutiaToday.com (en anglais) (qui propose, entre bien d'autres choses, un blog du rédacteur en chef). Il contribue aussi au blog ColdUnited.com, “un projet en ligne international […] consacré au froid et à tout ce qui touche au froid.” Sur ce dernier, Bolot a récemment publié sa liste  “A ne pas faire quand il fait froid ” – dont voici quelques extraits :

[…] 1. Je ne fume pas à l'extérieur quand la température descend sous  -20°. Respirer de l'air froid n'est pas bon pour ma gorge. Désolé, mais je fume. J'essaie d'arrêter de fumer.

[…] 4. Je ne reste pas à l'extérieur plus de 20-30 minutes, quand il fait froid, comme -40°. Même en bottes de fourrure de renne et en parka super chaude en duvet d'oies canadiennes, je commencerai à me sentir glacé.

5. Je ne parle pas longtemps sur mon téléphone mobile à l'extérieur non plus. J'aime exprimer mes émotions et être entendu  (au passage, quand un téléphone mobile gèle, le micro et les haut-parleurs marchent horriblement mal , ils deviennent aussi faibles qu'il est possible). Si je fais ça, je peux attraper froid. Là encore, ce n'est pas bon pour ma gorge.

7. Je n'économise pas l'argent d'un taxi, tard le soir. Je paie 100-200 roubles pour une course plutôt que 14 roubles en transports en commun. Le taxi me ramène droit chez moi en un temps bref. Avec les bus, il faut toujours attendre longtemps à l'arrêt, et ce n'est pas sûr…les mauvais garçons, vous le savez, ont tendance à surgir la nuit. […]

Sur la blogosphère russe, la Yakoutie a été récemment mise à l'honneur sur la plateforme LiveJournal, sur le blog de sergeydolya (classé n°21 au classement du portail de blogs Yandex). Le blogueur a publié deux reportages [en russe] le  20 et le 29 octobre : l'un sur une ville de mines de diamants , Oudachny (le nom peut se traduire, en russe, par “chanceux”) et l'autre sur une chasse au cerf (qui s'est résumée à beaucoup d'attente et d'affût, pas mal d'alcool bu, mais pas vraiment de chasse car le cerf ne s'est jamais montré).

Pour finir, voici ce que le photographe russe Oleg Klimov écrit sur la manière de transformer la glace en eau potable en Yakoutie, dans son billet du 18 novembre [en russe], qui comprend trois photos :

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Traditionnellement, les Yakoutes utilisent des mots précis pour décrire n'importe quel phénomène naturel important. […] [La rivière Lena] est connue sous le nom de “Grand-mère Lena” et a le statut d'une grand-mère respectée, tandis que les Russes, quand ils font référence à  [la rivière Volga] parlent simplement de “Mère Volga.”

Depuis que les Yakoutes vivent dans un environnement de permafrost, ils extraient de l'eau des zones gelées, aussi, et  le font aujourd'hui comme ils le faisaient voici deux siècles. L'eau courante au robinet est toujours un luxe ici. Le problème est que creuser des puits pour l'eau dans la terre gelée nécessite beaucoup de main d'oeuvre et ce n'est plus rentable dans l'ère du “capitalisme noir”, donc, l'eau est obtenue avec de la glace débitée sur la rivière Lena avec une Drouzhba, une scie mécanique à pétrole de l'ère soviétique, ou avec des scies spéciales. Une tonne de glace débitée coute 500 roubles [moins de 10 euros]. Un camion peut transporter quelque trois tonnes [de glace], ce qui ne suffit pas pour tenir tout l'hiver. L'eau obtenue à partir de glace fondue est aussi appréciée que l'eau de source, car on dit que la cristallisation gèle toutes les bactéries et agents infectieux.

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Dans les villages autour de Iakoutsk, les gens commencent à stocker cette eau “minérale” en automne, quand la glace n'est pas encore trop épaisse. Et les blocs sont entassés comme des piles de bois de chauffe le long des berges des lacs et des affluents de la Léna. Vous marchez  le long de la rivière et vous voyez : voilà la glace qui appartient aux Ivanov, et voilà la glace des Petrov, etc. La meilleure glace est faite avec de l'eau courante gelée. Personne ne vole la glace des autres. […] Si vous avez besoin d'eau (à boire ou pour laver), le chef de famille prend une barre de fer […], casse la glace la plus fine, la ramène à l'intérieur de la maison et la place dans un tonneau spécial, où la glace fondra lentement. Si vous avez à passer une semaine dans une de ces maisons, il vous sera possible d'oublier que le 21ème siècle est là, dehors, mais vous commencerez aussi à vous sentir comme si vous faisiez partie de la nature, et bien sûr, naturellement, nous en faisons toujours partie. Même si nous n'en sommes pas la meilleure partie…

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