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Indonésie : Une nouvelle loi controversée pour l'industrie cinématographique

Catégories: Indonésie, Arts et Culture, Droit, Droits humains, Film, Gouvernance

Ce texte est paru sur l'édition anglaise de Global Voices le 14 septembre 2009

Les professionnels de l'industrie cinématographique d’Indonésie critiquent la loi sur les films, récemment amendé [1]e [en bahasa indonesia, comme les liens suivants]. Le nouveau texte semble laisser peu de place à la créativité et les soumettre à un strict contrôle du gouvernement.

Si cette loi est appliquée à la lettre, le paysage florissant du cinéma indonésien prendra sans aucun doute une nouvelle direction.
Le critique de films Totot Indrarto a donné son opinion dans le journal local Kompas :

Sejak RUU disosialisasikan, sejumlah komponen komunitas perfilman Indonesia, dengan berbagai cara yang konstitusional dan saluran yang ada, telah menyatakan ketidaksetujuan atas sejumlah pasal. Antara lain, larangan membuat film dengan isi tertentu; pembatasan produser untuk menggunakan SDM dan teknologi tertentu yang dibutuhkan; pembuatan film harus dimulai dengan pendaftaran judul, cerita, dan rencana produksi; kewenangan Lembaga Sensor Film (LSF) yang masih besar; pekerja film wajib memiliki sertifikat kompetensi dari organisasi profesi, lembaga sertifikasi profesi, atau perguruan tinggi; kegiatan peredaran, pemutaran, apresiasi, pengarsipan, dan ekspor-impor film diatur dengan peraturan menteri; serta sejumlah sanksi administratif dan ancaman pidana yang mengerikan.
Substansi UU Perfilman itu jelas amat birokratis, eksesif, cenderung represif. Sementara semangatnya menafikan arus besar dalam komunitas perfilman Indonesia yang menghendaki agar urusan film dikembalikan sepenuhnya ke tangan orang film.

Depuis que le projet de loi a été présenté, de nombreuses personnes du monde du cinéma en Indonésie, par différents moyens et canaux qui respectent la constitution, ont exprimé leur désaccord sur un grand nombre de points, tels que : interdiction de tourner des films avec certains contenus ; obligation pour les producteurs d'utiliser certaines technologies et techniciens ; la société de production devra commencer par déposer le titre, le scénario et et le plan de tournage ; le comité de censure bénéficie toujours d’un grand pouvoir ; les personnes travaillant pour l’industrie cinématographique doivent être agréées par des organisations, des agences ou des établissements professionnels ; la distribution des films, la projection, la critique, la documentation et l’exportation-importation sont contrôlés, sur la base du décret du ministre ; de nombreuses et sévères sanctions administratives ainsi que des délits [sont prévus].
Il est clair que la loi sur les films est très bureaucratique, excessive, et assez oppressante.  Son esprit est de calmer la colère des professionnels du cinéma indonésien, qui ont exigé que les questions touchant au cinéma soient gérés par ceux qui travaillent dans ce domaine.

Quelques professionnels craignent que cette loi ne provoque une très importante vague de chômage, puisqu’un article de la loi impose à ceux qui désirent exercer dans ce secteur d'avoir une certification.

Iman Fatah va jusqu’à se demander si cette loi ne va pas le contraindre à refuser des contrats :

Pada poin #9 (pasal 68), Itu dampaknya sangat besar mengingat di Indonesia para insan perfilman mayoritas berangkat dari otodidak dan pengalaman karena minimnya pendidikan formal di bidang film. Lalu bagaimana nasib para pekerja music scorer dan music producer otodidak seperti saya ini? apakah ini artinya saya DILARANG MEMBUAT SCORING FILM LAGI?

Le point 9 (du chapitre 68) pourrait avoir un grand impact puisqu’en Indonésie, la majorité de ceux qui travaillent dans le cinéma ont acquis leur savoir sur le tas et surtout par expérience, parce qu’il y a très peu d’apprentissage formel. Ainsi, que vais-je devenir en tant que compositeur de musique et producteur entièrement autodidacte ? Est-ce que cela signifie que je ne peux plus composer de musiques de films ?

Selon Herman Saksono [2], la Chambre des députés n’est pas sur la bonne voie, même si elle a la noble intention d'assurer par la loi la survie de l’industrie cinématographique indonésienne. Il souligne [3] qu’imposer un quota de 60% de films locaux est une mesure de protectionnisme excessif.

Pertama-tama kita harus sepakat bahwa melindungi potensi nasional kita adalah sesuatu yang mulia dan penting.
[…]
proteksi yang berlebihan justru akan melahirkan jago-jago kandang kelas teri. Adanya kuota 60% justru mendorong produser-produser film sembarangan membuat film, hanya demi memenuhi kuota hadiah dari DPR.
Akibatnya, kualitas film kita jadi buruk. Kuantitas di atas kualitas. Padahal sekitar 90% film Indonesia itu buruk. Jadi, dipastikan yang buruk akan bertambah banyak. Ini bukan sebuah hipotesis, ini sudah terbukti ketika pemerintah mewajibkan stasiun televisi menayangkan minimal 70% tayangan produksi dalam negeri di awal 90-an.

En premier lieu, nous sommes tous d’accord pour dire que légiférer pour protéger notre potentiel national est une initiative à la fois importante et noble.

Le protectionnisme excessif donnera naissance à des “champions de cours d’écoles”.  Avec un quota assuré de 60% [de films indonésiens],  les producteurs produiront des films de mauvaise qualité pour atteindre le quota imposé par la Chambre des députés.

Par conséquent, la qualité de nos films va se détériorer puisque c’est la quantité qui prévaudra sur la qualité.  En fait,  90% des films indonésiens sont de mauvaise qualité.  Et ce seront certainement ces films-là qui continueront à être visionnés.  Ceci n’est pas une hypothèse mais plutôt une réalité, tout comme lorsque le gouvernement a imposé aux chaînes locales de télévision de diffuser 70% au moins de productions locales au début des années 90.

Herman Saksono ajoute que l’industrie du film a besoin de plus d'espace pour offrir une atmosphère propice à la créativité :

Mungkin DPR lupa kalau untuk bersaing di kancah industri kreatif global, yang dibutuhkan adalah ruang untuk berekspresi dan kemudahan birokrasi, bukan shortcut dan cheatsheet.

La Chambre des députés a sans doute oublié que, pour rivaliser avec les créations du monde entier, les gens ont besoin de souplesse administrative, ainsi que de pouvoir s’exprimer au lieu d’avoir recours à des raccourcis et des fraudes.

La journaliste et critique de films Wina Armada Sukardi détaille les points faibles dans la nouvelle loi qui bloquent systématiquement l’amélioration de l’industrie cinématographique indonésienne, actuellement en pleine croissance :

Keempat, sistem sensor yang dipakai masih memakai sistem pemotongan dan bukan klasifikasi murni. Memang sudah ada penggolongan atau pembagian umur, tetapi produser tetap harus mengikuti ”selera” lembaga sensor film. Hal ini melahirkan sistem sensor klarifikasi setengah hati.

Keenam, peranan pemerintah terlalu dominan memasuki hampir seluruh aspek perfilman. Campur tangan pemerintah tidak hanya sebatas pada pemberian bantuan keuangan dan hal-hal yang strategis saja, tetapi juga sudah masuk ke dalam masalah-masalah tetek bengek. Makanya tak banyak lagi ruang yang tersisa bagi insan perfilman untuk mengatur dan mengekspresikan dirinya sendiri.

Quatrièmement, le système de censure actuel utilise encore les « coupures », au lieu de la classification systématique des films.  Certes, il y a [déjà] une classification et une classication par âge pour le public,  mais le producteur doit quand même se plier au goût du comité de censure, et ceci a entrainé une censure sans conviction, par système de classification.
[…]
Sixièmement, le rôle du gouvernement  est trop important, il intervient dans presque tous les aspects de la création cinématographique.  Le rôle du gouvernement ne se limite pas seulement à l’aide financière et à la stratégie, mais également aux petits trucs sans importance. Donc, il ne reste pas grand chose à contrôler et à exprimer pour les cinéastes.
Cependant, ajoute-t-elle, ce qui est fait est fait, et l’industrie du cinéma devrait prendre ceci comme une leçon.  A l’avenir,  les personnes qui exercent ce métier devront se battre ensemble pour défendre leur liberté commune d’expression…

Kelahiran UU Perfilman baru ini memberikan pelajaran lain kepada kalangan film nasional: jangan tidak peduli terhadap urusan pihak lain dalam dunia perfilman yang sama. Selama ini terdapat kecenderungan kalangan film hanya sibuk mengurus diri sendiri dan tidak begitu peduli terhadap urusan pihak lainnya. Hanya apabila terdapat kepentingan langsung mereka yang terganggu barulah mereka beraksi.

Dalam memperjuangkan substansi UU Perfilman yang baru pun agar lebih banyak unsur kemerdekaan berekspresi dan kondisi yang kondusif bagi perfilman nasional, lebih banyak dilakukan oleh kalangan nonfilm. Dari mulai kalangan aktivis prodemokrasi sampai wartawan budaya ikut memerhatikan perkembangan soal ini. Tapi kalangan perfilman baru datang belakangan, itu pun jumlahnya cuma secuil.

Tidaklah mengherankan apabila di tengah ketidakpedulian itu ada pihak lain yang mengambil inisiatif untuk menata dunia perfilman nasional berdasarkan versinya. Jadi, sebenarnya, UU Perfilman memang harga yang harus diterima oleh kalangan perfilman sendiri atas sikap mereka yang kurang proaktif. Inilah kado buat kalangan perfilman sesuai dengan sikap tindak mereka sendiri.

La création de la nouvelle loi sur les films a donné encore une nouvelle leçon à tous ceux qui travaillent dans l’industrie nationale du film : celle de ne pas ignorer les droits des professionnels qui sont leurs confrères dans la production de films.  Les gens du cinéma ont toujours tendance à s’occuper de leurs propres affaires et à ignorer les autres (qui travaille dans la même industrie), ne réagissant que lorsque leur seul intérêt est en jeu.

Ce sont les personnes qui ne font pas partie du métier qui ont essayé de les défendre le plus sérieusement pour l’essentiel contre cette nouvelle loi sur les films, en vue d’avoir une plus grande liberté d’expression et de préserver des conditions plus propices pour l’industrie nationale du film.  Des militants démocrates , ainsi que des journalistes des services culture, ont suivi de près la progression de ce projet.  Les producteurs de films ne sont venus que plus tard et en petit nombre.

Il n’est pas surprenant qu’au centre de cette passivité, une autre entité ait pris l’initiative de réorganiser l’industrie nationale cinématrographique selon ses goûts.  En fait, la loi sur les films représente en effet le prix que ceux qui sont dans l’industrie cinématographique doivent payer pour leur manque d’initiative.

Des centaines d'opposants à la nouvelle loi ont signé une pétition en ligne [4] et un groupe a été créé sur Facebook [5]pour défendre cette cause.