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Équateur : Les femmes kichwas tiennent tête aux compagnies pétrolières

Catégories: Amérique latine, Equateur, Environnement, Femmes et genre, Médias citoyens, Peuples indigènes, Conversations pour un monde meilleur (ONU)

Il est un dicton bien connu en Amérique latine, selon lequel les femmes obtiennent toujours ce qu'elles veulent. A Sarayaku, en Équateur, des femmes appartenant à la tribu Kichwa (ou Quechua) ont prouvé qu'il disait vrai. Lorsqu'une compagnie pétrolière est arrivée pour explorer leurs forêts en vue de forages futurs, les habitantes des lieux ont décidé de les en empêcher, grâce à un plan aussi simple que parfait.

Photo de Ayahuasca utilisée sous licence Creative Commons.

Photo de Ayahuasca utilisée sous licence Creative Commons.

Esperanza Martinez explique sur le blog Ecoportal [en espagnol comme l'ensemble des liens cités ici] que les femmes ont dit à leurs maris que s'ils laissaient les compagnies s'affairer sur leurs terres, il leur faudrait trouver d'autres femmes… sur d'autres terres [1]. Les Kichwas ont ainsi présenté un front uni face à l'entreprise pétrolière, et ce jusqu ‘à ce qu'elle doive finalement renoncer à ses forages.

Cette communauté Kichwa vit dans la province de Pastaza, sur un territoire amazonien de 140 000 hectares, une région répertoriée par le  Ministère équatorien des Mines et du Pétrole sous l'appellation de Block 23. Plusieurs entreprises ont tenté d'y entreprendre des travaux au fil des ans, mais elles ont échoué à chaque fois face à l'opposition des Kichwas aux forages.

Bien que la décision de tenir tête ait été prise par la tribu toute entière, le rôle joué par les femmes est devenu un élément clé. Ces femmes courageuses sont capables de tout pour préserver leurs forêts et leurs terres.

Le soutien des femmes

Le blog Observatorio Petrolero Sur a mis en ligne les paroles du chef kichwa, Franklin Toala,  sur le rôle joué par les femmes dans cette affaire [2] :

Uno de los procesos que tuvo Sarayaku, que hay que recalcar, es el magnífico apoyo de las mujeres. La relación que existe entre las mujeres y las comunidades es mucho más fuerte.

Ce sur quoi il faut insister, au sujet de ce qui s'est passé à Sarayacu, est le formidable soutien qu'ont apporté les femmes. Les liens entre elles et les différentes communautés est bien plus fort à présent.

Le journal équatorien Diario Universal a rapporté une scène effrayante ayant impliqué des femmes kichwas en 2003 [3] : quinze femmes et enfants avaient, quatre heures durant, couru à travers la jungle en hurlant ” anchuri (allez-vous en), anchuri, oil compagnies “, pour aller à la rencontre des ouvriers et des gardes armés de la compagnie pétrolière. Des affrontements avaient eu lieu et, à la fin, l'armée équatorienne est  intervenue. Mais les Kichwas sont restés sur leurs terres et leur ont évité de subir des forages pétroliers.

Pétrole, changements climatiques et femmes aborigènes

En Équateur, plusieurs régions ont déjà souffert des conséquences épouvantables qu'ont les forages pétroliers sur l'environnement et la santé. Dans la province de Sucumbios, à Pichincha, des forages ont lieu depuis vingt ans, [4] l'air est pollué et l'eau contaminée par les résidus pétroliers. La population a perdu bétails et animaux domestiques, intoxiqués par de l'eau infectée, et des récoltes quand la terre polluée est devenue infertile. Les habitants sont également frappés de plusieurs types de maladies respiratoires et de la peau, de malformations à la naissance et de fausses couches.

Les femmes sont une nouvelle fois les premières victimes de ces effets négatifs. Dans les régions pétrolières équatoriennes, le taux de cancer est trois fois supérieur à la moyenne nationale et affecte plus particulièrement la population féminine [1]. Les femmes sont constamment en contact avec l'eau contaminée car elle font la lessive et baignent leurs enfants dans la rivière [1].

Il n'est donc pas étonnant que les femmes kichwas s'opposent aux forages pétroliers. Elles savent qu'ils transformeront leurs terres, leurs vies et leur environnement pour toujours.

Réactions à l'exemple kichwa sur la Toile

Le blogueur Efren Calapucha fait part de ses sentiments relatifs à la position des Kichwas sur le blog Redamazon [5] :

¡Amigos de la Tierra! En este espacio de la selva amazónica con grandes recursos biodiversos se quiere cercenar LA VIDA lo que NO PERMITEREMOS se establezca tan execrable hecho que afectará al Calentamiento Global extinguiéndose los pueblos, la flora y la fauna hasta hoy fortalecidas y guardadas celosamente

Amis de la Terre ! En ce lieu riche en biodiversité qu'est la forêt tropicale amazonienne, la VIE est menacée d'extinction. Mais NOUS NE LAISSERONS PAS une chose aussi terrible se produire ici. Une chose qui affectera le changement climatique, entraînant la disparition de communautés indigènes, de la faune et de la flore, qui ont jusqu'ici été protégées et sauvegardées.

Le blog Observatorio Petrolero Sur publie un billet saluant la détermination des Kichwas dans de telles circonstances [2] :

Han pasado dos décadas y hasta el momento la exploración no se concretó, pero la amenaza es permanente. En 20 años pasaron muchas cosas, demandas a nivel nacional e internacional, campañas en un lado y en el otro, y en el territorio la presión fue mucha. Los kichwas sufrieron todo tipo de atropellos, persecuciones e incluso la militarización de Sarayaku; pero siguieron diciendo no.

L'exploration pétrolière n'a jusqu'ici pas pu être lancée, mais la menace est permanente. Il s'est passé de nombreuses choses ces vingt dernières années, y compris des procès nationaux, internationaux, et des campagnes d'information. Il y a eu beaucoup de pressions. Les Kichwas ont été maltraités de multiples façons, ont été persécutés ; ils ont vu l'armée déployée à Sarayaku. Mais ils ont continué à dire ” non “.

La communauté kichwa a réussi à protéger sa forêt jusqu'à présent, mais le combat n'est pas fini. Évidemment, s'ils comptent parmi eux les femmes kichwas, ils n'ont pas grand chose à craindre.

Une vidéo sur le sujet

Un enfant kichwa exhibe, comme un défi, les mots  ” Je suis un protecteur de la forêt ” peints sur sa poitrine. Il apparaît dans un film vidéo [6], tourné et mis en ligne par l'association Oilwatch, et qui traite de la façon dont la population de Sarayaku a réagi face à la tentative d'une compagnie pétrolière de mener des campagnes d'exploration sur leurs terres. Cliquez ici pour visionner la vidéo en espagnol [6].