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Porto Rico : Des voix s'élèvent contre la violence

Catégories: Amérique latine, Porto Rico (U.S.A), Cyber-activisme, Droits humains, Peuples indigènes

Elles sont plus que des chiffres. Elles sont des visages, des vies, elles ont des rêves et de l’espoir. Elles sont des femmes, des filles, des sœurs, des grand-mères, des tantes, des nièces, des amies, des collègues, des politiciennes, des avocates, des académiciennes, des militantes, des étudiantes, des hétérosexuelles et des homosexuelles. La violence est présente dans toutes les classes sociales, apparaît sans se soucier des origines, des frontières nationales, du sexe ou de l’orientation sexuelle. A Porto Rico, selon les statistiques officielles de l’ Office des défenseurs des femmes [1][en espagnol comme la plupart des liens de ce billet], 178 femmes ont été tuées par leur partenaire entre 2001 et 2008. Cette année (2009), 16 femmes [2] ont déjà subi le même sort sur l’île qui compte une population d’à peine 4 millions d’habitants. La police fait état d’environ 20 000 incidents de violence conjugale. Cependant, beaucoup de cas n’entrent pas dans les statistiques car ils ne font pas l’objet d’une plainte ou main courante. Dans son dernier rapport (2007), le Centre pour les victimes de viol [3] mis en place par le gouvernement a calculé que 18 000 femmes et des filles sont victimes de violences sexuelles chaque année. Cependant, la violence peut prendre beaucoup d’autres formes : inégalités de salaires, manque d’accès au système de santé et d’éducation, homophobie ou racisme.

Affiche d’une marche contre la violence organisée par l’Université de Porto Rico, publiée avec l’autorisation des organisateurs.

Affiche d’une marche contre la violence organisée par l’Université de Porto Rico, publiée avec l’autorisation des organisateurs.

Beaucoup de femmes, et d’hommes, trouvent des moyens créatifs et innovants de lutter contre ce fléau. Le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes [4] [en français] qui marque le premier jour de la campagne mondiale 16 Days of Activism Against Gender Violence [5] (16 jours contre les violences faites aux femmes), des blogueuses portoricaines ont publié des billets dans lesquels elles expliquent comment la violence affecte leur vie, celles de leur famille et de leur communauté. Sous forme de poèmes, d’analyses ou de réflexions personnelles, elles racontent la violence structurelle, verbale, domestique et sexuelle. Elles parlent des inégalités de pouvoir dans les relations humaines, des politiques publiques, des lois, de la pauvreté, de la démocratie, de l’économie et même de la violence à l’égard des femmes dans les films. Ce billet souhaite leur donner un visage et présenter ce qu’elles ont écrit afin que leur voix soient entendues.

Sur son blog Mujeres en Puerto Rico [6], Verónica, avocate féministe, raconte que la violence que subissent les femmes l’a touchée alors qu’elle était encore enfant :

J’étais une jeune adolescente, j’avais convaincu ma mère de me laisser aller me faire faire ma première manucure. Une fois obtenue l’autorisation tant attendue, j’ai couru au salon de beauté. J’y ai fait la connaissance d’Ada, la propriétaire du salon. Elle était sympathique, agréable, souriante, toujours en train de travailler, Ada. Son collègue était également son mari, je me souviens bien de lui, entrant et sortant du salon pendant qu’elle s’occupait de mes mains. Et un jour, le salon est resté fermé. Ada avait été tuée par son mari. La boîte de Pandore s’est ouverte. Pour la première fois de ma vie, je découvrais qu’une relation amoureuse pouvait se terminer par la mort. J’ai perdu mon innocence.

La militante féministe Amárilis Pagán a dénoncé sur le blog Brujas y Rebeldes [7] les différents aspects de la violence dont l’État est responsable :

Nous voulons dénoncer un système gouvernemental qui est devenu le premier agresseur des femmes à Porto Rico. Nous résistons pour nous défendre et défendre d’autres populations vulnérables. Tout comme pour la violence domestique, la violence de l’État envers les femmes est une question de pouvoir et de contrôle, dans ce cas, marqué par la vision fondamentaliste judéo-chrétienne qui caractérise le gouvernement. Ce 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, il est nécessaire de parler de la violence subie par les nôtres dans ses expressions les plus diverses. Cette violence ne se limite pas aux relations de couple (violence domestique), elle existe dans beaucoup d’autres facettes de la vie des femmes. Penser que la violence domestique est la seule dont les Portoricaines sont victimes revient à réduire sensiblement un problème qui est beaucoup plus complexe.


Performance pour dénoncer la violence à l’égard des femmes à Porto Rico. Vidéo de Insula TV.

La militante féministe Nahomi Galindo-Malavé analyse les diverses manifestations de violence sexiste sur le blog Poder, Cuerpo y Género [8]:

Durant le mois de la campagne No More Violence Against Women, il est important de se souvenir que tout acte de violence représente un réseau de relations de pouvoir : dans ce cas, les relations entre les sexes. C’est pourquoi l’objet ou la victime de violence sexiste n’est pas nécessairement toujours une femme. Un récent exemple est celui du meurtre de Jorge Steven López [9] [en anglais], un jeune gay de 19 ans. Pour interpréter ce meurtre comme un crime haineux, une manifestation de violence contre un sexe ou l'autre, il est important de comprendre comment fonctionnent les relations de pouvoir et la construction de la masculinité. La violence à l’égard des femmes est le produit des relations de pouvoir de nos sociétés. De même, les actes de violence sexiste traduisent une incompréhension face à ce qui rompt avec les normes établies de la masculinité et de la féminité. Les meurtres de femmes, les crimes haineux, la violence domestique et économique dont elle sont victimes sont différentes formes de violence sexiste.

Sur le blog El rincón de la cinefilia, RDLC, qui se décrit comme “un homme féministe”, fait la critique de deux films, What's Love Got to Do with It? [10] et North Country [11]. Il conclut :

La violence envers les femmes est un mal, que ce soit dans l’intimité du foyer ou sur le lieu de travail. Nous pourrions imaginer qu’après des années et des années de sensibilisation notre société aurait pu éliminer cette maladie. Et pourtant, nous voici en 2009 et les statistiques sur les violences à l’égard des femmes restent toujours plus élevées que nous le souhaiterions. A ce sujet, je vous recommande ces deux films, basés sur des histoires vraies, qui présentent des femmes (connues et inconnues) qui ont été victimes de violence et ont pu dépasser le statut de « victime » pour devenir des héroïnes et transmettre un message clair : les violences contre les femmes doivent cesser.

Mariana Iriarte, étudiante en droit et féministe, parle de la violence verbale et symbolique sur le blog Con otro y otras en el mundo [12] :

Il est important d’être attentif et d’attirer l’attention d’autres femmes sur le fait que la violence physique et toujours précédée d’une violence symbolique. Avant que pleuvent les coups ou qu’un viol soit commis, la violence verbale est utilisée pour préparer le terrain, pour que la femme se sente piégée, sans possibilité de s’échapper. Avant d’administrer un coup, son auteur vous fera sentir non humaine, vous fera penser que vous ne valez rien, que vous n’existez que grâce à lui et que vous lui appartenez. Les femmes doivent comprendre que le rôle qui leur a été assigné est l’œuvre des hommes qui souhaitent conserver leur emprise sur les femmes et que rien de tout ça n’est normal. Voilà pourquoi, aujourd’hui, comme chaque jour, vous devez dire non à la violence à l’égard des femmes et vous sentir libres de vous construire l’identité que vous souhaitez.

Movimiento Amplio de Mujeres [Grand mouvement de femmes] à Porto Rico.

Sur le blog Poder, espacio y ambiente, Erika Fontanéz, professeur de droit, écologiste et féministe, analyse différentes formes de violences institutionnelles dont les femmes sont victimes :

Nous exigeons que le problème de la violence soit traité, pour toutes les violences à l’égard des femmes, directes et indirectes, les flagrantes et les structurelles. Nous exigeons la suppression des politiques qui excluent et perpétuent la violence, toutes les formes de violence. Les promesses des hommes ne suffisent pas, nous n’en voulons pas, nous voulons l’égalité dans les relations de pouvoir et dans les conditions de vie. Nous exigeons des nouvelles relations de pouvoir au quotidien pour rompre le cycle de la violence. Plus de violence constitutionnelle, ni d’autres types de violence contre les femmes.

Sur le blog El diario de El Curio [13], Yolanda Velázquez publie des poémes ; sur Movimiento Amplio de Mujeres [14], vous pouvez obtenir  plus d’informations sur le mouvement féministe à Porto Rico.