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Porto Rico : Le meurtre d'un jeune homosexuel suscite l’indignation

Catégories: Amérique latine, Porto Rico (U.S.A), Droit, Droits humains, Jeunesse, LGBTQI+

[Sauf exceptions, les liens suivants sont en espagnol] Jorge Steven Mercado, 19 ans, rêvait [1] de travailler dans la mode. Il était aussi bénévole [2] [en anglais] dans des associations agissant pour la prévention du VIH et les droits des homosexuels. Mais son corps a été retrouvé la semaine dernière, démembré, décapité et partiellement brulé, dans une zone rurale de Guavate, à Cayey, sur l'île de Porto Rico. Des activistes de la communauté gay portoricaine ont immédiatement décrit ce crime brutal et inhumain comme un crime homophobe. Depuis la promulgation en 2002 de la loi portoricaine contre les crimes de haine, pas un seul crime [2] [en anglais] n’a été poursuivi sur ce fondement. L’application de la loi contre les crimes de haine augmente le plafond des condamnations.

Photo de Sylvar, reproduite sous licence CC.

Quelques jours après le meurtre, Juan Martínez Matos est passé aux aveux. Selon les informations de la presse locale, Martínez Matos a  dit qu'il était parti à la recherche d’une prostituée dans les rues de Caguas à Porto Rico quand Steven l’a abordé. Martínez Matos a prétendu qu’il « ignorait » que Steven Mercado était un homme jusqu’à ce qu’ils arrivent à son appartement, situé dans une autre ville (selon ses dires, la victime était habillée en femme). Les activistes homosexuels Ada Conde et Pedro Julio Serrano ont affirmé publiquement [3] que le secteur dans lequel Steven Mercado a été embarqué en voiture est majoritairement fréquenté par des transsexuels et travestis. Martínez Matos a déclaré qu’il avait tué Steven en « état de légitime défense » alors qu’ils étaient en train de se battre. Il a ensuite mutilé le corps et l’a déposé dans une région isolée, à des kilomètres de son domicile. Martínez Matos a également indiqué qu’il haïssait les homosexuels parce qu’il avait été violé en prison, où il se trouvait pour des faits de violence conjugale. Les militants homosexuels ont été scandalisés par les propos de l’officier de police en charge de l’enquête, selon lequel : « Ces gens là, qui font ce genre de choses et qui se montrent en public, savent très bien ce qui peut leur arriver ». Ils ont exigé que cette enquête lui soit immédiatement retirée [4]. Martínez Matos a été mis en examen pour meurtre et sa caution a été fixée à 4 millions de dollars.

En tant qu’Etat associé aux États-Unis, les lois fédérales américaines s’appliquent à Porto Rico. Deux Portoricains de New-York, membres du Congrès des États-Unis, ont demandé que ce crime soit poursuivi sur le fondement des nouvelles lois fédérales contre les crimes de haine. Le Bureau fédéral des investigations (FBI) surveille [2] [en anglais] le déroulement de l’enquête. Dans les années 80, le tueur en série Ángel Colón Maldonado, surnommé « l’ange des célibataires », a tué 27 homosexuels sur l’île. Récemment, les militants gays  ont également sonné l’alerte à propos d’un autre meurtre perpétré contre un homosexuel dans la capitale, San Juan.

Les blogueurs ont réagi à cet horrible crime. Pedro Julio Serrano [5], militant pour les droits humains et porte-parole de l’organisation gay  Puerto Rico para Tod@s (Porto Rico pour tous) a condamné le silence des leaders religieux et politiques :

Ante uno de los asesinatos más horrendos en la historia del País, el silencio ensordecedor de los líderes políticos y religiosos es una vergüenza de marca mayor. Les tiene que dar vergüenza de no hacer expresiones de solidaridad hacia la familia y allegados de Jorge Steven. Les tiene que dar vergüenza de no solidarizarse con las comunidades lésbica, gay, bisexual y transgénero (LGBT) ante el odio que produjo este crimen. Les tiene que dar vergüenza de no condenar la homofobia en este caso y las acciones prejuiciadas del agente investigador. Les tiene que dar vergüenza que han olvidado su obligación constitucional de instrumentar la igualdad para todos los seres humanos.

Le silence éloquent des leaders religieux et politiques est d’autant plus honteux que nous nous trouvons face à l’un des meurtres les plus ignobles qui aient été commis dans l’histoire de ce pays. Ils devraient avoir honte de ne pas avoir exprimé leur sollicitude à la famille et aux amis de Jorge Steven. Ils devraient avoir honte de ne pas s’être montré solidaires des communautés gays (LGBT) face à la haine qui a généré ce crime. Ils devraient avoir honte de ne pas condamner l’homophobie et les préjugés du policier en charge de l’enquête. Ils devraient avoir honte d’avoir oublié leur obligation constitutionnelle de défendre l’égalité entre tous les êtres humains.

Sur Saadaya [6], Hiram, un blogueur portoricain de Chicago, a déploré le long passif de Porto Rico en matière d’homophobie :

Pero el crimen no es lo único chocante. Nada sucede en un vacío: todo tiene raíces, todo tiene causas y efectos, y Puerto Rico como sociedad ha nutrido por generaciones el odio hacia los gays, lo han nutrido los líderes cristianos desde los púlpitos, los padres al criar a sus hijos, las autoridades policíacas y jurídicas […] y los políticos que tienen un convenio ilícito con las iglesias que no es muy bien disimulado. En una isla así, que quepa en el pecho de un muchacho matar a otro por ser gay del modo tan mórbido en que lo hizo no debería ser chocante: es algo que Puerto Rico llevaba tiempo cocinando.

Mais ce qui choque, ce n’est pas uniquement le crime. Rien n’arrive par hasard : tout a un fondement, une cause, un effet. A Porto Rico, la société a nourri la haine des homosexuels depuis des générations, les prélats chrétiens l’ont nourrie du haut de leur chaire, les parents l’ont nourrie par l’éducation de leurs enfants, et les autorités policières et judiciaires […], ainsi que les politiciens, par l’arrangement illicite mal dissimulé qu’ils ont passé avec l’église [catholique]. Le fait qu’un homme puisse en tuer un autre, d’une manière aussi ignoble, parce qu’il est homosexuel ne choquera personne dans une île comme celle-ci. Cette haine est en germe depuis longtemps.

Une veillée [7] [en anglais] a eu lieu dimanche 22 novembre à New-York en mémoire de Jorge Steven Mercado.

* Photo de Sylvar reproduite sous licence CC. Vous pouvez visiter l’album photo de Sylvar [8] sur Flickr.