Chine : Les démolitions imposées

Deux fait divers récents liés à la démolition forcée de maisons ont attiré l’attention sur la protection des droits des citoyens chinois et sur la résolution autoritaire des conflits en Chine.

Le 13 novembre, la démolition forcée [en anglais] d’un bâtiment privé par le gouvernement local de Chengdu a conduit au suicide de l’une des co-propriétaires, Tang Fuzhen, qui s’est aspergée d’essence et immolée par le feu. La maison était située sur le terrain prévu pour un projet du gouvernement du district, pour relier deux routes. Quelques jours plus tard, une femme [en anglais] du district Minhang de Shanghai a lancé des bombes artisanales à base de pétrole sur une équipe qui se préparait à détruire sa maison, dont l’emplacement était convoité afin d'y construire un centre de transports prévu pour l’exposition internationale de Shanghai en 2010.

Site of former home of Tang Fuzhen

Emplacement de la maison de Tang Fuzhen

Des cas tels que ceux-ci sont appelés en Chine « ménages cloués », en référence aux propriétaires qui refusent de quitter des quartiers promis à la démolition, car ils ne sont pas d’accord avec les indemnités proposées la plupart du temps. Le cas le plus célèbre est celui du « ménage cloué de Chongqing »[en anglais], en 2007, quand un couple chinois a réussi à trouver un arrangement avec le promoteur après trois ans d'impasse.

Dans un billet récent, le blogueur bien connu Wuyuesanren (五岳散人) comparait la résolution pacifique du cas de Chongqing avec les violents incidents du mois dernier [en chinois, comme les liens suivants]:

不知道是否还有人记得那位“最牛钉子户”,在那个事件当中,拆迁者与被拆迁者虽然在进行着某种程度上的博弈,但双方都还是在规则之内,有笑容而无真正的伤害。

Je ne sais pas si quelqu’un se rappelle du « ménage cloué tenace». Dans cette histoire, même si le démolisseur et celui dont il devait démolir la maison disputaient un jeu d’un certain niveau, les deux parties jouaient dans les règles, il y avait des sourires et pas vraiment de mal.

但从最近的事例看来,双方的耐心都似乎被消磨了,对抗的手段与结果都越发的激烈。前段时间,某直辖市的一份内部讲话资料曝光,其中明确提到强拆是一种合适的手段,并且要“形成巨大的压力,造成兵临城下的态势”。

Mais à en juger par les derniers incidents, il semble que, d’un côté comme de l’autre, la patience ne soit plus à l’ordre du jour. Les modalités de l’affrontement et ses conséquences sont de plus en plus violents. Il y a quelque temps, dans un discours interne, un responsable municipal expliquait de manière précise que la démolition forcée était une méthode tout à fait appropriée, et qu’il fallait de plus « constituer une forte pression, pour créer une posture d’état de siège ».

这些事例证明,在很多社会领域当中,某些利益相关方的对抗已经到了必须展示暴力的程度。作为强势的一方,由于各种条件都具备,越发的没有了协商解决的耐心与诚意,而另外一方在财产损害更大、权益被侵害更多的状态下,也出以更激烈的方式进行对抗,这种对抗从哀求式的上访,开始转变成伤害自身以求传播效力的最大化。

Ces exemples montrent que les conflits entre les parties intéressées ont atteint un niveau où l’usage de la violence devient nécessaire. La partie la plus forte, qui profite de conditions favorables, n’a ni la patience ni la cordialité d'engager des négociations. L’autre partie, qui a beaucoup plus à perdre, peut seulement répondre par des méthodes encore plus violentes. Au début, ils avaient recours à la justice, mais maintenant, ils commencent  à se faire du mal pour attirer l’attention des médias.

Dans une interview avec International Herald Leader, un journal officiel chinois, il explique [en chinois] que les cas de démolition forcée en Chine passent par trois étapes :

最初,对抗是单向压制,因为那时传播媒介是有限的;第二阶段是上访以寻求司法救济;第三阶段,伤害自身同时也伤害对方,有时集体对抗,更极端的是自焚造成社会伤害。

Au début, la confrontation n’est oppressante que d’un côté, puisque le rôle des médias est restreint. Ensuite, les victimes vont avoir recours aux pétitions et à la justice. Enfin, ils vont retourner la violence contre eux même et contre leurs oppresseurs, par des confrontations collectives, ou, dans les cas les plus extrêmes, l’immolation par le feu.

Un blogueur, Yao Hongen (姚鸿恩), évoque dans son blog une situation similaire aux États Unis, pour contraster avec la situation en Chine. En 2006, Edith Macefield [en anglais] avait refusé une offre d’un million de dollars US pour vendre sa maison et céder la place au développement d'un centre commercial à Ballard, Seattle. Après sa mort, on découvrit qu'elle avait légué la maison au chef du projet, Barry Martin, pour l’amitié et l'attention qu’il avait portées à la vieille dame durant la construction.

Home of Edith Macefield

Maison d’Edith Macefield

Yao Hongen écrit [en chinois]:

老太没有请律师,没有写信到有关部门,没有上首都华盛顿讨个说法,更没有自己制造燃烧弹或以自焚抗议,只是对开发商说一个很简单的词“No”。

Cette vieille dame n’a pas pris d’avocat, elle n’a pas écrit à l'administration concernée, elle n’est pas allée jusqu’à Washington pour protester, et elle a encore moins eu recours à l’usage de bombes ou à l’auto-immolation, elle a simplement dit « Non ».

Voici quelques commentaires suscités par ce billet :

新浪网友 (2009-12-06 13:59:47): 中国的小老百姓都是弱势群体,政府想拆就拆,才不管你以后有没有房子住!我们这儿政府就打着灾后重建的旗号,要修建商业街。要强行收回土地,要我们搬走。我们的房子可都是有土地证和房产证的!

Le peuple chinois est impuissant, si le gouvernement veut démolir, il démolit, sans se soucier de savoir où vous irez quand ils auront démoli votre maison. Notre gouvernement met des pancartes “Travaux de reconstruction après un désastre” pour construire une rue commerçante. Il veut récupérer les terrains de force, il veut que nous déménagions. Mais nous avons les titres de propriété !

新浪网友 (2009-12-06 16:31:24): 开玩笑,在中国政府就是最大,执政者就是最狠,逆我者杀!

Je plaisante. En Chine, l’Etat est le plus puissant et le plus impitoyable. Ceux qui se mettent en travers de sa route seront éliminés.

新浪网友 (2009-12-06 13:21:37): 估计我的有生之年在中国史看不到这样的事情的

Je présume que je ne verrai jamais ce genre de choses en Chine!

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