Gaza : Les blogueurs de Gaza se souviennent de la guerre

Un an s'est écoulé depuis qu'Israël a lancé son offensive de 22 jours sur la bande de Gaza[en anglais]. Dans cette revue de blogs, les blogueurs de Gaza se souviennent de la guerre [NdT : voir les blogs de Gaza traduits en français, PDF] .

Lina Al Sharif, sur le blog 360 km2 of Chaos, écrit [en anglais] :

Nous ne nous y attendions pas. Le samedi 27 décembre, Israël a bombardé plusieurs commissariats de police, tuant 225 personnes et en blessant des milliers. Le timing était très significatif, puisque les raids se sont produits entre 11h25 et 11h35 le matin. Les Gazaouis, à cette heure, allaient se trouver au travail, dans les écoles et les universités. Quand les premières attaques ont eu lieu, nous pensions qu'il s'agissait des habituels bangs supersoniques qui nous irriteraient et nous étourdiraient pendant quelques minutes, puis que la vie reprendrait son cours comme si rien ne s'était passé. Je me souviens que ce jour là, nous n'avions pas d'électricité à la maison [en novembre, Israël avait durci le siège, si bien que les produits de première nécessité étaient rares, et en plus de ça, l'électricité]. J'ai couru à la fenêtre de ma chambre pour voir, et alors, j'ai su que ce n'était pas un bang supersonique, c'étaient des bombes avec de la fumée. La Deuxième hypothèse qui m'est venue à l'esprit, quand j'ai vu la fumée, c'était  “les attaques habituelles”, les [avions de chasse israéliens]  F16 et les hélicoptères font leur sale travail et s'en vont. Cependant, je me trompais une fois de plus ; les infos à la radio étaient choquantes. Plusieurs commissariats de police étaient attaqués simultanément, ils n'étaient pas vides.

Quelques secondes après la fin des raids, la panique s'est emparée des rues, les gens courraient, choqués à l'extrême. Le réseau de téléphonie mobile a presque lâché car tout le monde appelait les proches et ses amis qui pouvaient s'être trouvés près des sites [frappés]. Ma mère s'est ruée pour appeler mon père car il était au travail, et mon autre frère. Je commençais à digérer ce qui venait de se passer quand j'ai vu des images à la télé de ce commissariat ; comment les hommes étaient éparpillés, morts et blessés. Les gens pleuraient, hurlaient et priaient. Je me souviens que mon ami m'a appelé plus tard durant cette journée et a dit : ”la semaine prochaine, nous avons les examens de fin d'année, mais je ne me sens pas capable de réviser aujourd'hui ”.  J'ai répondu :”moi non plus !”

Voici une vidéo enregistrée par Lina avec son téléphone portable à 11h33 ce jour là :

Abu el Sharif écrit sur le blog Shajar El ba6a6a [en arabe] :

الحرب على غزة…الرصاص المسكوب…(…) فش منتصرين بأي حرب…بس يمكن حد خسر أقل من التاني… (…)الذكريات لسة موجودة كأنها كانت اليوم (شايفين الصدفة اليوم 27) بحاول ألاقي أشياء أضحك عليها مع كل اللي صار…
La guerre à Gaza…Plomb durci [en français] … […] Il n'y a pas de vainqueurs, dans aucune guerre…mais peut-être un côté souffre-t-il de moins de pertes que l'autre … […] Les souvenirs sont toujours présents comme si c'était aujourd'hui (voyez la coïncidence ? aujourd'hui est le 27 déc).  J'essaie de trouver des choses qui me font rire malgré tout ce qui s'est passé …

Abu el Sharif en donne ensuite un exemple :
أول يوم لما صارت أول خبطة…كنت نازل على الشغل…أكم من صاروخ نزل هنا و هناك و أنا كنت بنص الشارع…يميني كان فيه المجل

س التشريعي…و شمالي مركز أمني إسمو السرايا (التنين إنقصفوا في الحرب بس مش يومها)…مش هون الحبكة…يومها الكل كان متوتر و الكل ما كان عارف يفكر…بس مش لدرجة إنو واحد يجري بالشارع رافع إيديه زي الرسوم…و بصرخ بكامل قدرتوا الصوتية…حنموووت قصف عشوائي…
Le premier jour, quand le premier bombardement a eu lieu, j'étais sur le chemin du travail…Un certain nombre de roquettes sont tombées ici et là, et j'étais au milieu de la route… A ma droite, il y a avait le Conseil législatif, et à ma gauche le quartier de haute sécurité connu comme le Saraya [Sérail] (tous deux ont été bombardés durant la guerre mais pas ce jour là)… Ce n'est pas ça, l'histoire…Ce jour là, tout le monde était tendu, et personne ne savait quoi penser…Mais pas autant qu'un homme qui s'est mis à courir dans la rue avec ses mains en l'air, comme dans les dessins animés, en criant aussi fort qu'il pouvait :  “Nous allons mourir…Frappes aléatoires !”

La blogueuse Samaher Al Khazandar écrit sur Tales:

في ذكرى سبت أسود محاصر بالأيام السوداء من قبل وبعد،
في ذكرى أيام ما زال سوادها يحاصر ذاكرتنا، لكنه لم يغطي أبداً الحق في قلوبنا..
Le jour anniversaire du Samedi Noir, encerclé de jours noirs, avant comme après
Le jour de l'anniversaire de ces jours, dont la noirceur enveloppe toujours nos mémoires, mais qui ne recouvrira jamais la vérité dans nos cœurs.

Hayat El Alam se souvient du moment où elle est rentrée chez elle, durant ce premier jour de la guerre:
أذكر جيدا أنني عدت إلى الجنة لأجد أن

شباك غرفتي فيها قد كُسر وانهالت قطع الزجاج المتناثرة على شرشف مكتبي الذي كان يقبع تحته وقد كانت شجرة الياسمين (المتشعبطة) على حديد النافذة قد وجدت فرصتها أخيرا لتغزو غرفتي ,
Je me souviens bien que je suis rentrée au port [la maison de sa famille], que j'ai vu que la fenêtre de ma chambre s'était cassée et que des morceaux de verre étaient éparpillés partout sur le tissu de mon bureau, qui était dessous. Et le jasmin agrippé aux barreaux de fer de la fenêtre avait enfin trouvé sa chance d'envahir ma chambre …

Cette maison a en fait été détruite durant la guerre :

بعد أشهر ,,
في شهر مايو تحديدا عدت إلى هناك (…) كانت تلك الوردة الجورية البيضاء وجدت أخرى قد نبتت من بين الحجارة معلنة أنها لازالت باقية لأن فتاة بعمر الزهور مرة سقتها بدموع ساخنة ,, شجرة الياسمين أيضا التي كان حديد نافذتي يمنعها من الولوج إلى عالمي الصغير داخل مملكتي الصغيرة في غرفتي , كانت قد نهضت من جديد لتعلن عن وجودها معلنة الولاء لأميرتها التي كانت قد هجرتها وهجرت تلك الحجارة الصامتة منذ شهور ,,
Quelques mois plus tard, au mois de mai pour être précise, je suis retournée là bas . […] Ce rosier de Damas blanc pouvait à nouveau être vu, poussant entre les pierres, annonçant qu'il était toujours là, parce qu'une jeune fille en fleurs avait un jour versé de chaudes larmes sur lui…Le jasmin, que les barreaux de fer de la fenêtre empêchait de pénétrer dans mon petit monde, à l'intérieur du petit empire de ma chambre, il avait encore poussé pour annoncer sa présence, sa loyauté envers sa princesse qui l'avait abandonné et abandonné ces pierres silencieuses pendant des mois…

Sur son blog Notes of the Night, dans un billet intitulé “Lorca, qui m'a accompagné durant la guerre”, Kawther Abu Hani écrit [en arabe] :

الآن أنا على رصيف من أرصفة غزة, من هنا بالضبط جاءت سيارة الهلال الأحمر و أنقذتنا, كانت الطائرات الحربية تقصف المنطقة, لم نصدق المناشير التي حذفتها علينا من الجو, كنا نبحث عن أي منقذ بسيط و تافه, كذّبنا المناشير التي أمرتنا باخلاء المنطقة, لكنهم رمونا بالنيران, صارت السماء تمطر رصاصا, و تحوّل البحر المقابل لبيتنا إلى نار جحيم القيامة.. التم أهل المنطقة عند دوار الأبراج و بدأت سيارات الاسعافات تهرّبنا, كنتُ خائفة و مرعوبة, ليس من الانفجار الذي دوى قربي, بل من كتابي الذي رأيته يقرأ شعرا.. لوركا لوركا لوركا, من الجندي الذي قتلتني نظرته آنذاكْ؟ كانت قبلة أو وردة أو نظرة تعمل عمل البندقية..
Je suis maintenant sur un des trottoirs de Gaza : à cet endroit exactement, l'ambulance de la Croix Rouge est arrivée pour nous secourir. Les avions de guerre bombardaient la zone.  Nous n'avions pas cru les tracts qu'ils avaient largué sur nous depuis le ciel. Nous cherchions n'importe quel sauveur, un simple et banal sauveur. Nous ne croyions pas les tracts qui nous ordonnaient d'évacuer la zone, mais ils [les avions de guerre israéliens] nous ont tiré dessus. Il pleuvait des balles du ciel, et la mer en face de notre maison s'était transformée en enfer de feu du jugement dernier…Les gens du quartier se sont rassemblés au carrefour Abraaj, et les voitures et les ambulances ont commencé à nous secourir. J'avais peur, j'étais terrifié, pas à cause du bruit de l'explosion qui réverbérait près de moi, mais à cause de mon livre, dont j'avais vu réciter une poésie … Lorca [en français], Lorca, Lorca…Qui est le soldat dont le regard m'a tué alors ? Était-ce un baiser, une rose, ou un regard qui a accompli le travail du revolver ?

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