Caucase : Lutter contre les clichés négatifs

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Arménienne de Tsopi, en Géorgie © Onnik Krikorian

Faisant suite à un récent partenariat entre la blogueuse de Flying Carpets and Broken Pipelines Arzou Geyboullayeva et l'éditeur de Global Voices Online pour le Caucase, un projet en ligne faisant appel aux nouveaux médias et aux sites sociaux pour surmonter les stéréotypes négatifs dans le Sud du Caucase est entré dans la phase suivante la semaine dernière [les liens sont en anglais sauf exception], lorsque deux étudiants en journalisme et blogueurs,Vusala Alibayli et Khanim Javadova, ont rejoint le blogueur géorgien et contributeur de Global Voices Online Dodi Kharkheli alias Dodka dans cette initiative [en géorgien] .

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Le projet vise à promouvoir des exemples positifs de groupes ethniques coexistant pacifiquement dans une région instable déchirée par des conflits figés, en essayant d'apporter une alternative à ce qui est d'ordinaire un média local partial, qui non seulement s'auto-censure, mais encore propage la désinformation et la propagande négative. Comme dans la première phase du projet, l'attention se portait sur les Arméniens et Azéris d'origine vivant en Géorgie.

A la différence de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan proprement dits, toujours de fait en état de guerre pour le territoire disputé du Nagorno Karabakh, les deux groupes vivent côte à côte. Conduite en coopération avec Transitions Online, l'étude Steady State décrit le contexte [azéri/anglais/russe/espagnol].

Situé à l'intérieur de l'Azerbaïdjan voisin, mais peuplé essentiellement d'Arméniens d'origine, le Karabakh a été le premier de multiples conflits latents qui ont accompagné et peut-être même amené l'effondrement de l'ancienne Union Soviétique. Il y a eu plus de 25.000 morts, un million de personnes de part et d'autre ont été contraintes de fuir leurs maisons, et l'Azerbaïdjan a perdu 16 pour cent de son territoire lors de la signature en 1994 d'un accord de cessez-le-feu. Les spécialistes de la région et la communauté internationale redoutent toutefois que la guerre puisse reprendre un jour.

Diverses tentatives de médiation pour négocier un accord de paix définitif ont échoué depuis, les nationalistes et les forces politiques des deux bords soutenant que les deux groupes ethniques ne pourront plus jamais coexister. Les perceptions subjectives et les interprétations de l'histoire n'ont fait que renforcer l'impasse aboutissant à la triste réalité qu'aucune des parties n'est disposée au compromis. Ironiquement, pourtant, des positions aussi tranchées paraissent souvent absurdes au vu de la coexistence pacifique des Arméniens et des Azéris en Géorgie.

[…]

Certes, comme d'autres l'ont souligné, Arméniens et Azéris sont tout à fait capables de coexister hors de la zone de conflit et ont en réalité plus en commun les uns avec les autres en matière de culture, de tradition et de langue que bien d'autres nations vivant dans la même région. […]

De fait, comme le note un deuxième billet relatant la visite d'une maison de thé où se retrouvent tous les groupes ethniques du Sud Caucase, les liens culturels entre Arméniens et Azéris à Tbilissi, la capitale géorgienne, existent depuis longtemps même s'ils ont souvent été négligés par les médias ou les nationalistes opposés à tout accord de paix reposant sur des concessions.

Cela tombait peut-être très bien que le chemin pour une nouvelle visite à une maison de thé azérie tenue par des Arméniens d'origine dans la vieille ville de Tbilissi nous ait fait passer à côté d'une statue du célèbre cinéaste d'ethnie arménienne Sergueï Paradjanov. A l'instar d'autres icônes culturelles arméniennes comme Sayat Nova, un troubadour du XVIIIe siècle qui a écrit des chansons en arménien, en géorgien, en persan et surtout en azerbaïdjanais, Paradjanov appartenait davantage au Caucase qu'à une nation en particulier, et c'est peut-être pour cette raison qu'il a demeuré dans son Tbilissi natal la plus grande partie de sa vie. Ce n'est que deux ans avant sa mort, en 1990, qu'il s'est installé à Erevan.

Dodka a aussi communiqué ses impressions sur Twitter :

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Dans une maison de thé azérie, tenue par des Arméniens. Azéris, Arméniens et Géorgiens y boivent le thé ensemble. #caucasusproject

Le propriétaire de la maison de thé raconte l'histoire de l'endroit. Des gens d'Erevan, de Bakou se rencontrent ici. @caucasusproject

‘Arméniens, Azéris et Géorgiens avons été élevés ensemble, dans la même cour. Comment aurions-nous des problèmes ici, nous sommes comme frères et soeurs.’

‘Tous mes enfants parlent arménien, géorgien, russe et azéri. On communique surtout en russe.’ le propriétaire de la maison de thé. @caucasusproject

voilà qu'n Iranien entre dans la maison de thé et nous parle en azéri. @caucasusproject Excitant, cette maison de thé est la maison de la diversité.

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#dodka.ge appelle cette maison de thé maison de la diversité@xauxasusproject

KHANIM Khanim Javadova

Après s'être rendu à Marneuli et Tsopi, deux localités où Arméniens et Azéris d'origine coexistent également, Dodka a de nouveau tweeté les mêmes observations [azéri/anglais/russe/espagnol].

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maison de thé à Marneuli tenue par Géorgien et Azéri, où dînent les commerçants d'Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan. Le thé rassemble :) @caucasusproject

Rencontré un Azéri, qui a deux femmes – une Arménienne, une Azérie. Accepte finalement d'être interviewé.@caucasusproject

Négociant arménien en poisson, parle azéri, arménien, russe et géorgien, travaille côte à côte avec commerçants azéris @caucasusproject

Tsofi. Azéris et Arméniens n'ont pas de problèmes entre eux. Ils ont des problèmes communs – les emplois, ou leur inexistance @caucasusproject

L'hôtesse d'une maison raconte que son fils s'est marié il y a quelques mois, une moitié des invités était Arméniens, l'autre Azéris. @caucasusproject

Une arménienne dit qu'elle n'aura jamais de problème si ses enfants épousent un/e Azéri/e ou Géorgien/ne. @caucasusproject

A l'école, à Tsofi. Etat épouvantable, pas de fenêtres, pas de chauffage, rien MAIS un joli drapeau géorgien neuf, flottant fièrement. Triste. @caucasusproject

kissie Dodka

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Ecole à Tsopi en Géorgie © Onnik Krikorian

Au village même de Tsopi, Khanim Javadova a donné plus de détails sur les problèmes auxquels est confrontée l'école locale où sont scolarisés ensemble les enfants arméniens et azéris.

Il n'y a pas d'eau courante et les portes de toutes les salles de classe ont de nombreux trous, mais peu sont utilisées du fait de leur état. La directrice de l'école, Latifa Ibadova, indique que le Ministère géorgien de l'Education promet de réhabiliter l'ensemble de l'école en 2011. Il y a l'électricité au village, mais pas le gaz et on se chauffe au bois. Cet hiver, l'école a reçu des fonds du gouvernement pour acheter deux camions de bois et de l'essence.

Un autre problème pour les élèves est celui des manuels. Depuis cette année, les élèves doivent acheter des livres en géorgien. Auparavant, les manuels étaient fournis gratuitement, mais ils coûtent à présent de 6 à 15 Lari alors mêmes que beaucoup d'habitants de Tsopi ne parlent pas géorgien. Ce qui les empêche de trouver du travail par la suite. Pourtant, malgré ces difficultés, les élèves de l'école sont en bons termes les uns avec les autres. Les Arméniens savent l'azerbaïdjanais et les Azéris l'arménien.

Pendant ce temps, Vusala Alibayli aborde une fois de plus le thème des deux groupes vivant dans la même localité malgré les hostilités entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et la perception négative qu'on a de l'autre dans chacun de ces pays.

Mustafa dit que 60 à 70 % du village est d'ethnie azérie, le reste d'ethnie arménienne. Il y a des endroits où les deux vivent ensemble côte à côte.

“Jusqu'à présent nous n'avons eu aucun problème entre Azéris, Arméniens et Géorgiens. Nous assistons aux mariages et aux fêtes les uns des autres. Même lorsque je parlais avec un Arménien dans sa propre langue, il répondait en Azerbaïdjanais. Il n'y a pas de problèmes, nous sommes unis et le resterons. Les autres questions sont politiques et ne concernent pas les gens ordinaires. Je me plais bien avec les Arméniens à Tsopi et les autres villages.”

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Azérie dans une mosquée à Tbilissi, en Géorgie © Onnik Krikorian

De quoi faire réfléchir beaucoup, et, non des moindres, Dodka qui vit aussi dans ce même pays.

Je suis citoyen de Géorgie.

J'y suis né et y ai grandi, et n'en avais jamais franchi les frontières jusqu'à il y a deux ans. Je suis au courant du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, mais je ne l'ai jamais ressenti.

Pourquoi ?

Eh bien, chaque jour je vois les gamins jouer dans la cour. Les uns sont d'ethnie géorgienne,d'autres sont Azéris, et d'autre encore, Arméniens.

[…]

J'espère voir la paix dans le Sud Caucase.

Si des gens de Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie peuvent coexister ici, alors ils peuvent sûrement coexister partout ailleurs.

Dans les prochains jours et semaines, il y aura davantage d'exemples de ce genre, mettant à profit les outils des nouveaux médias et des réseaux sociaux, avec articles, photos et vidéos pour continuer le rapide exercice trans-frontières entrepris en septembre dernier. A suivre sur Twitter: @caucasusproject.

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