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Haïti : Témoignages sur le tremblement de terre

Catégories: Amérique latine, Caraïbe, Haïti, République Dominicaine, Action humanitaire, Catastrophe naturelle/attentat, Dernière Heure, Environnement, Média et journalisme, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Religion, Voyages

Pour le moment les bilans des victimes du tremblement de terre de Haïti se sont concentrés sur les statistiques effroyables, mais très peu de noms apparaissent sous les chiffres.

Hélas, le populaire blogueur dominicain Guillermo Peña [1] a confirmé aujourd'hui qu'il a perdu son père, Guillermo Peña Sr., dans la catastrophe. M. Peña père travaillait à Port au Prince [2] comme ingénieur pour l'entreprise de construction de Saint Domingue Mera, Muñoz & Fondeur. Un collègue de M. Peña a aussi perdu la vie. Un troisième a été blessé mais a pu être évacué à l'hôpital Plaza de la Salud à Santo Domingo [3] et reçoit des soins. De nombreux blogueurs dominicains et hispanophones ont déjà exprimé leurs condoléances à Guillermo Peña, Jr., qui met en ligne ses réflexions [4] sur Twitter.

La République Dominicaine ressent encore d'autres façons les conséquences du séisme. Le blogueur dominicain  Jose Sille affirme [5], aussi sur Twitter, que le CESFRONT [6], la police des frontières dominicaine, commence à rencontrer des Haïtiens cherchant désespérément à fuir le pays [ces liens sont en espagnol].

se jodio la vaina, confimado eso de que se perdio el control en la frontera por mi hermana que esta por esos lados

Tout est foutu, il est confirmé qu'il n'y a plus de contrôle à la frontière, selon ma soeur qui est par là-bas.

La rumeur de survivants en chemin pour traverser la frontière n'est pas confirmée, mais le gouvernement dominicain a annoncé que les postes-frontières étaient ouverts comme d'habitude. Les hôpitaux dominicains de la province de Barahona [7] et ceux gérés par l'armée sont ouverts prêts à recevoir tous les Haïtiens nécessitant une assistance médicale, et des centres de secours s'ouvrent à Verón, Bávaro, une destination touristique populaire. Dans la même région, selon des comptes-rendus de médias de Santo Domingo, un résident italien a monté un centre de collecte pour les dons dans un hôtel, le Luna del Caribe, et il va le transporter à un poste-frontière dans la ville de Jimaní [8]. L'ambassade haïtienne à Santo Domingo organiserait le rapatriement des Haïtiens souhaitant rentrer dans  leur pays.

Les lignes terrestres sont, selon les rapports, encore en panne : le service de téléphonie cellulaire de Haïti a mieux résisté. L'important opérateur Voila’ a subi des dommages mais fonctionne toujours, selon la société-soeur de Voila’, Trilogy International Partners [9] de Seattle, Washington, USA.

Eddyson Volcimé, qui habite Nantes, en France, a pu se servir d'un téléphone portable pour appeler sa mère à Port au Prince [10] peu après le séisme. Il a donné un entretien à une chaîne d'information locale :

Haiti : après le séisme, témoignage d'un Nantais [10]
mis en ligne par presseocéan [11]. – vidéos d'actualité du monde entier. [12]

Sur le terrain à Port au Prince, d'autres personnes sont encore en train de reprendre leurs esprits. Un survivant, Jean Francois Labadie, [13]a publié aux petites heures de la matinée ses souvenirs du cataclysme :

Premier tremblement de terre, xième secousses
Minuit 30 : Il faut absolument souhaiter que ce soit le dernier… Très sérieusement, ne jamais vivre deux fois… Vers 16h45, avec le chauffeur, on entre dans le stationnement du Karibean, le gros market de Pétion-Ville. Comme à l’habitude, l’entrée est ralentie par l’habituel trafic de Delmas. En montant la pente de l’entrée, la Patrol s’est mise à danser. J’imaginais trois ou quatre boys debout sur le bumper en train de zigner la machine. En avant de nous, le sol du stationnement bougeait comme les vagues de Wahoo Bay. L’édifice du Karibean s’est mis à danser et en 3 secondes s’est complètement effondré. Un nuage blanc a envahi le stationnement et on voyait apparaître des zombies blancs de poussière complètement affolés. Une fois la poussière retombée – l’expression a quelque chose de prématuré – l’amas de béton du building haut de quatre étages me semble ne laisser aucun survivant. La folie s’est emparée des passants qui cherchent à se réfugier dans la Patrol pendant que les gardes de sécurité – dont un gravement blessé – ferment la barrière derrière nous. Le chauffeur qui avait compris plus rapidement que moi ce qui se passait s’est investi totalement dans ses prières. Il hurle ses incantations, les bras dans les airs. Au lieu de me percer les tympans, il me calme. Il donne un sens à cette folie qui se déroule sous nos yeux. Après cinq minutes de torpeur, les quelques automobilistes en mesure de reprendre le chemin de la maison forcent les gardiens à ouvrir la barrière haute de 15 pieds. Le spectacle de Delmas est désolant, ahurissant. On roulera pendant près d’une heure entre des buildings effondrés, des gens qui courent, pleurent et hurlent leur foi en Jésus en l’appelant des bras, des têtes blanchies par la poussière aux yeux ébahis, des blessés, des cadavres ou leurs bouts, … Jean-Claude continue de chanter énergiquement sa foi pendant le trajet. Mon athéisme est bercé par l’enthousiasme religieux de mon collègue. Les scènes déroulent comme dans un film mille fois vus. Je réussis même à diminuer mon anxiété d’être incapable de rejoindre Johanne en constatant que les buildings d’un seul étage ont tenu les secousses. Je la prendrai dans mes bras avant qu’elle ne comprenne l’ampleur du désastre, les choses s’étant mieux déroulées dans son secteur de la ville. On se prépare à notre première nuit à craindre les secousses qui ont meublé notre soirée. Notre propriétaire-architecte a toute notre confiance. À plus tard.

Rocio Diaz a collaboré à cet article, à propos de Saint Domingue.