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Survie du thon rouge : la parole est aux experts japonais

Catégories: Japon, Alimentation, Environnement, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Relations internationales, Sciences

A une majorité de 68 pays, CITES, la Convention sur le commerce international des espèces menacées [1] qui réglemente le commerce international des animaux et plantes sauvages, a rejeté une interdiction pour le thon rouge de l'Atlantique [2] [en anglais], dont l'ajout était proposé sur l'Annexe 1, autrement dit l'interdiction totale.

Le Japon consomme près de 80% des prises mondiales de thon rouge [3], car c'est un ingrédient important de la cuisine traditionnelle [en anglais]. Aussi le pays était-il dans l'oeil du cyclone lors du coup d'envoi des négociations à la CITES , puisque la responsabilité du Japon était mise à l'épreuve et que la résolution finale allait affecter l'activité des pêcheries locales de plusieurs pays en développement.

Pour couronner le tout, le différend ne suivait que de quelques jours l'arrestation de l'activiste de Sea Shepherd et le coup de projecteur donné par le documentaire oscarisé “The Cove” auprès de l'opinion mondiale sur la question de la chasse à la baleine [4].

Tuna auction. By Flickr id: merec0 [5]Criée de thon, par merec0 sur Flickr

Après le rejet de la proposition d'interdiction, alors que l'attitude japonaise était sévèrement critiquée à l'étranger, les média nationaux se sont centrés sur les résultats positifs, sans prendre en considération des aspects plus complexes tels la préservation des espèces menacées.

Un exemple évident de traitement biaisé de l'information par les médias japonais est l'émission de FUJI TV intitulée “クロマグロ禁輸否決!「日本大逆転勝ち」の攻防” (”L'interdiction du thon rouge rejetée ! Ou comment le Japon a remporté une grande victoire par renversement” (voir ce clip [6]), au cours de laquelle le commentateur Ogura Tomoaki a dit que “si les pays influents continuent à exercer leur pouvoir, nous n'aurons plus rien à manger. En quelques décennies, la population va atteindre 9 milliards d'individus et il nous faudra utiliser toutes les ressources autant que nous le pourrons”.

Nakanishi Junko, un professeur d'ingénierie environnementale à l’AIST [7] critique la façon dont les média ont rendu compte de la décision de la CITES, en disant qu'elle détourne l'attention du véritable problème   [8]:

今回の取材の焦点は、資源量ではなく、畜養に移ったらしい。そう言えば、いくつかのところで、畜養の話しを耳にしたし、TVで映像も見た。なるほど。この変化は何を意味しているのだろうか? まず、これは世論誘導があったのか、それとも皆の関心が自然とそちらに移ったか、どちらだろう。考えてみても分かる筈もないのだが、一定の世論誘導があったとしても、それが、この報道の変化の主要な動機ではなく、日本人が、環境問題に向き合うことを避けたいという気持ち、それを反映していると思う。 環境保護を第一に考える人は、禁輸があってもいいぐらいのことは考えるだろう。しかし、一般には、マスコミは、マグロを食べることを否定できない、否定されたくない。とすれば、資源を見ながら調整しなければならない。 しかし、環境問題となると、予防原則とか、ゼロリスクとかで考えてきた、したがって、そういう調整、マネージメントの問題として考えることは不得手。そこで、一挙に、人工的に可能というところに行くのではなかろうか。 畜養の方が、資源量を減らしているという指摘をする人もいるので、所詮、環境問題から逃れることができないのだが、これを環境問題として考えたくないという思想の現れだと、私には見えた。

Cette fois, les média ont concentré leur attention sur l'aquaculture au lieu d'informer sur le volume des stocks disponibles. Si je me souviens bien, il me semble avoir entendu parler de l'élevage des thons et d'en avoir vu des images à la télévision. Que signifie ce changement de point de vue ? D'abord, ce pourrait être soit une manipulation de l'opinion publique, soit un simplement un glissement naturel d'intérêt. Il est très difficile de savoir quelle en est la véritable raison mais si la deuxième supposition est la bonne, elle représente bien à mon avis la mentalité des Japonais, qui ont tendance à se désintéresser des questions écologiques    

Si on a pour priorité la conservation de l'environnement, une interdiction du commerce du thon rouge devrait être la bienvenue.

Cependant, si les médias japonais veulent présenter la question à l'homme de la rue avec des arguments comme ‘on ne peut pas nous priver de thon’, ou ‘nous ne voulons pas être privés de thon’, ils devraient alors prendre aussi en considération la gestion des ressources disponibles.

Quant aux problèmes écologiques, le principe de précaution et de risque zéro sont la manière appropriée de penser la gestion. Mais comme les médias ont de médiocres capacités à penser dans ce cadre, les solutions artificielles sont tout ce à quoi ils arrivent.

Il a été souligné que l'élevage des thons réduit de fait la quantité des stocks, ce qui amène inévitablement les média à affronter la question. De façon générale, leur façon de traiter l'ensemble du problème faisait figure pour moi de stratagème pour esquiver les questions environnementales.

Old man and tuna. By Flickr id: Focx Photography [9]    

Le vieil homme et le thon, par Focxsur Flickr

Matsuda Hiroyuki, professeur de sciences de l'environnement et de l'information à l'université de Yokohama, voit les choses de plus haut et estime qu'une décision finale d'interdiction par la CITES ne signifierait pas la disparition du thon des tables japonaises [10]:

大西洋クロマグロが禁輸されても、トロが食えなくなるわけではない。マグロ消費量を抑えろと言うのは以前からの私の持論だ。何を騒いでいるのだろうか。今回の教訓は、国際漁業管理にとって、今までは日本が乱獲の主役だったが、今回は欧州漁業機関が乱獲を続けていたと言うこと、その欧州はワシントン条約とマグロ管理で正反対の主張をしていること(日本はそんなことはない)。結局、今後の水産資源管理は、ワシントン条約とその背後の環境団体の意向を無視できなくなったことがわかったと言うことだ。 前向きの話をすべきだ。それは、ワシントン条約では俎上に上らないかもしれない、他の先進国が直接獲らない、太平洋クロマグロの資源管理である。これを語る報道機関を、まだ知らない。最も大事な問題から目をそらすのは、残念である。

S'il devait y avoir un interdit commercial sur le thon rouge de l'Atlantique, cela ne voudrait pas dire que nous ne pourrions plus manger de toro. J'ai toujours soutenu la nécessité de diminuer la consommation de thon. Je me demande pourquoi les gens s'insurgent contre cela. La leçon à en tirer, c'est que le Japon a toujours joué le rôle moteur dans la surpêche. Mais cette fois, ce sont les Européens qui surpêchent, et la position de l'Europe à la CITES est en contradiction avec leur gestion du thon (alors que le Japon est cohérent).    

En conclusion, nous avons compris que, en ce qui concerne la gestion de la ressource halieutique, nous ne pouvons désormais ignorer ni la Convention de Washington ni les mouvements écologistes qui s'y réfèrent.

Les média devraient être plus optimistes. Nous pouvons encore gérer un volume de stocks de thons rouges du Pacifique qui n'apparaîtront probablement dans la convention de Washington, ou que d'autres pays développés ne captureront pas. Je n'ai connaissance jusqu'à présent d'aucun organe des médias qui ait mis l'accent là-dessus et c'est regrettable qu'ils détournent les yeux d'une question aussi importante.

Bluefin tuna. By Flickr id: bzibble [11]Thons rouges, par bzibble sur Flickr

Enfin, Katsukawa Toshio, un professeur d'halieutique à l'université Mie, écrit que les média flattent le côté émotionnel de l'opinion, et esquivent les problèmes réels, [12] c'est-à-dire la vaste responsabilité du Japon dans l'inéluctable extinction du thon rouge atlantique — que ce soit par la sur-pêche, la pêche illégale, la promotion du thon d'élevage, le refus de leadership, ou la prise de thons rouges immatures.

日本政府はICCATの有効性を声高に主張したのに対して、欧米はICCATの規制には懐疑的であった。ICCATのレポートを見れば、どちらが正しいかは明らかだ。漁獲を15000t以下にすべきという科学者の勧告を無視して、2007年に29500tのTACを設定。報告された漁獲枠は34514tだが、実際には61000tの漁獲があったとICCAT自身が認めているのである。

これらの黒いマグロの温床となっているのは畜養である。産卵群をまとめて漁獲して、いけすにいれて、太らせてから日本に出荷する畜養が、地中海で広まっている(実は日本のクロマグロの養殖もほとんどが畜養なのだが、メディアはそのこともふれない)。漁獲枠が3万トンに対して、地中海の畜養イケスのキャパシティーは、6万トンといわれている。そもそも、漁獲枠など守る気がないのである。不正漁獲はマフィアのビジネスになっている。[…]

「ワシントン条約を妨害したから、日本の食文化が守られた」という、日本メディアの報道は事実に反している。タイセイヨウクロマグロは、持続性を考えれば、ほぼ禁漁に近い措置が必要になる水準まで減っている。ICCATがまともに規制をすれば、ほぼ禁漁になるし、今のままとり続ければ数年で魚は消えるだろう […]

日本のメディアは、判断材料を国民に隠した上で、情緒的な表現で煽って、予め決められた結論へと誘導したのである。

Par opposition au gouvernement japonais, qui promouvait l'efficience de l'ICCAT, les pays occidentaux étaient sceptiques sur ses capacités de gestion. Si vous regardez le bilan de l'ICCAT, on voit bien qui avait raison. En 2007, ils ont fixé un TAC de 29500 t (Total des prises autorisées). La récolte rapportée fut de 34514 t, mais en réalité, le quota de pêche a atteint 61000 t, comme l'a admis elle-même l'ICCAT. Le foyer du thon “au noir” vient des élevages. L'aquaculture de thon récolte collectivement les stocks de frai, le déverse dans des cages, et l'engraisse pour les exportations vers le Japon ; cette pratique s'étend dans toute la Méditerranée (la plupart du poisson d'élevage au Japon est du thon d'aquaculture mais évidemment les média l'ignorent).    

Le TAC est de 30000 t, mais la capacité d'élevage de thons en Méditerranée atteindrait les 60000 t. Autrement dit, il n'y a pas d'effort pour respecter le quota de TAC. Cette activité illégale de pêche est au fond une activité mafieuse. […]

Le message général des médias japonais, c'est “l'interdiction par la CITES a été évitée, nous avons réussi à protéger la culture alimentaire du Japon !” et il est contraire à la réalité. Si vous réfléchissez à la durabilité du thon rouge atlantique, il devrait fondamentalement y avoir une interdiction de pêche, étant donné la taille actuelle des stocks. Si l’ ICCAT mettait en oeuvre les mesures appropriées (selon les scientifiques), il y aurait une interdiction de pêche ; si nous continuons à récolter le stock, ils auront disparu dans quelques années. […]

Les médias japonais ont dissimulé des informations importantes et ont attisé les émotions du public, conduisant les gens à une conclusion préconçue.

Voici la trajectoire des populations de thons rouges de l'Est Atlantique et de Méditerranée, d'après une publication largement citée du WWF (pdf) [13]. Même avec l'actuel programme de redressement, nous allons assister à une poursuite de la décroissance  [14]qui conduira à des niveaux de stocks alarmants [ces liens sont en anglais].

Comparés à la récolte de thons rouges pacifiques [15] et à celle du thon rouge austral [16], les niveaux de prises japonaises de thon rouge atlantique (Atlantique occidental, Atlantique oriental, Méditerranéen) sont passablement bas surtout par rapport aux pays de l'Union Européenne [en japonais].