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Chili : Polémique autour des valeurs boursières détenues par le nouveau président

Catégories: Amérique latine, Chili, Economie et entreprises, Politique

Lors de la campagne présidentielle, le futur président chilien Sebastián Piñera avait promis de vendre avant son entrée en fonction le 11 mars 2010 toutes les actions de la compagnie aérienne LAN Airlines [1] [tous les liens sont en espagnol sauf mention contraire] en sa possession. Deux semaines après son intronisation (voir la vidéo [2] du débat au cours duquel il avait fait cette promesse), M. Piñera détient toujours 11,3% [3] des actions de LAN. Les journalistes chiliens, les blogueurs et les utilisateurs de médias sociaux ont largement commenté le sujet sur la toile, gardant un œil attentif sur un éventuel signe qui annoncerait la vente finale des actions de la compagnie que possède le président.

Selon Radio Tierra [4], une radio citoyenne diffusée sur Internet et sur les ondes courtes, il s'agit d'un conflit d'intérêt. Elle rappelle la déclaration du porte-parole du gouvernement pour expliquer le manquement du président à sa promesse. Cependant, les journalistes de Radio Terra se demande s'il y a une autre explication – liée aux affaires – à ce retard.

El conflicto de intereses entre el dinero y la política no quedó resuelto antes del 11 de marzo como lo prometió el Presidente Sebastián Piñera durante su campaña. De acuerdo a la vocera del nuevo Ejecutivo, Ena von Baer, el terremoto “ha variado” el rumbo fijado y el mandatario venderá sus acciones en LAN “lo antes posible”. […]

Tras el terremoto las acciones que le restaban por vender bajaron debido a la caída de la bolsas chilenas, por lo que ya instalado como máxima autoridad del país resulta inevitable preguntar ¿si acaso está esperando un mejor precio?

Le conflit d'intérêts entre argent et politique n'a pas été résolu avant le 11 mars, contrairement à la promesse du président Sebastián Piñera faite durant la campagne. Selon la nouvelle porte-parole de l'exécutif, Ena von Bær, le récent séisme [5] [en français] “a compromis” la feuille de route préalablement établie, et le président vendra ses action de LAN “dès que possible” […]

Après le séisme, la valeur des actions a baissé suite à la chute des cours de la bourse chilienne, ce qui oblige à se demander, maintenant qu'il est au pouvoir, s'il attend un meilleur prix ?

Le journal en ligne El Mostrador [6] a été remarqué [7] pour son enquête sur le sujet. Il a créé une application Facebook [8] et un widget à mettre sur un blog ou un site [9]qui égrène le nombre de jours passés par M. Piñera au pouvoir sans avoir vendu les actions. Il porte le nom de “Piñerómetro” qu'on peut traduire par “Piñeramètre”. L'application a sa propre page Facebook sur laquelle les internautes peuvent laisser des commentaires.

L'utilisateur de Facebook Pepe Saavedra a écrit [10]:

Los compromisos son para cumplirlos. Cuando no se cumplen se tiene que asumir las consecuencias, que en este caso son en contra de todos los ciudadanos de un país, que se traduce en una sola palabra: MENTIR

Les promesses sont faites pour être tenues. Lorsqu'elles ne le sont pas, on doit en assumer les conséquences, qui vont dans ce cas à l'encontre de tous les citoyens du pays, qui se traduisent par un mot : MENSONGE.

Carlos Armando Vera Salazar a lui aussi laissé un commentaire [11] sur la page de l'application Facebook :

Pero que esperaban?? Que de un día para otro se olvidara que es un empresario y que lo mueve el fin del lucro.Hay mucha gente ingenua en Chile,principalmente los que votaron por él.

Mais qu'espériez-vous ? Qu'en un jour il oublierait qu'il est un homme d'affaires motivé par l'argent ? Il y a plein de naïfs au Chili, principalement ceux qui ont voté pour lui.
Piñera waves to the crowd on March 11, the day he took office. Image uploaded by Flickr user Globovisión and used under a Creative Commons license [12]

Sebastian Piñera salue la foule le 11 mars, jour de sa prise de fonction. Image sous licence Creative Commons mise en ligne par l'utilisateur de Flickr Globovisión

El Mostrador rapporte [13] les propos d'un responsable de la société de courtage Celfin. Selon lui, l'une des raisons qui ont empêché la conclusion de la vente est, comme beaucoup l'avaient supposé, la chute des prix après le séisme de magnitude 8,8.

Daniel Hojman [14], reconnaît que la fluctuation du cours des prix des actions peut être une raison du retard mais ajoute que les actions de M. Piñera ne devraient surprendre personne ; les hommes politiques flirtent souvent avec la ligne jaune pour réussir. Daniel Hojman conclut que cet événement doit rappeler aux médias et au public qu'il leur appartient de surveiller leurs dirigeants.

No se trata de un hecho aislado. Es uno más en la trayectoria del propio presidente y un adenda a una larga lista de ejemplos similares que involucran a altos líderes políticos de todo el espectro. […] A pesar que los políticos son los únicos que se ponen las reglas a sí mismos, en definitiva, los medios y los ciudadanos comunes y corrientes son los únicos con la capacidad de monitorear y validar los liderazgos apropiados.

Ce n'est pas un événement isolé. C'est une affaire de plus dans le parcours du président et elle s'ajoute à la longue liste d'exemples similaires qui touchent jusqu'aux responsables politiques de haut-rang de tout bord. […] Même si les hommes politiques sont les seuls à édicter les règles qui les concernent, les médias et les citoyens ordinaires sont au final les seuls capables de vérifier et de valider si un comportement est conforme à l'exercice du pouvoir.
LAN Airlines. Photo uploaded by Flickr user jmiguel.rodriguez and used under a Creative Commons license.

LAN Airlines. Photo sous licence Creative Commons mise en ligne par l'utilisateur Flickr jmiguel.rodriguez.

Sur son blog, Mauricio Rojas Gómez [15] affirme que ce problème est important, et qu'il pourrait nuire à la crédibilité du président :

Aunque parezca menor, no es un tema sin importancia cuando se trata de la probidad y transparencia de un jefe de Estado. […] Estamos frente a uno de esos escenarios donde algo no necesariamente es ilegal, pero sí afecta la legitimidad del discurso del gobernante.

Bien qu'il paraisse accessoire, ce problème est très grave car il s'agit de la probité et de la transparence d'un chef d'état […] Nous sommes face à l'un de ces cas de figure, où quelque chose n'est pas forcément illégal, mais touche cependant à la légitimité du discours présidentiel.

José Zalaquett [16] considère lui aussi la transparence comme le principal souci :

La crítica tiene base porque él mismo tomó ese compromiso y no se divisan motivos razonables para que dilate su cumplimiento.

Sin embargo, más importante aún, es que se entregue información pública que demuestre que él no mantendrá algún tipo de interés en LAN, pese a la venta. […] Se trata solamente de transparentar los detalles de las operaciones de venta.

La critique a du poids car il a lui-même fait la promesse et le retard n'a aucune explication valable.

Toutefois, et c'est même encore plus important, le public devrait savoir que le président ne gardera aucune participation dans la compagnie aérienne après la vente […] Il suffit pour cela de communiquer les détails des transactions.

Face aux critiques presque unanimes, certains supporteurs de Piñera l'ont défendu en y voyant de la jalousie. Dans la partie des commentaires sous un article publié en ligne par El Vacanudo [17], un journal citoyen, l'internaute Juan a ouvertement affiché son soutien au nouveau président :

Por favor, dejen al Presidente tranquilo. Más parece envidia y claro resentimiento cuando opinan de los bienes de Piñera. […] Entonces en la lógica de los bienes, deberíamos pedirles a todos quienes trabajan en el servicio público que se desprendan de todos sus recursos materiales ( constructoras, oficinas contables, corretaje de propiedades, empresas de asesorías, centros médicos). Me parece absurdo

El Presidente de Chile es Sebastián Piñera y me importan un comino sus bienes, solo quiero que tenga éxito y que chilito se recupere lo antes posible. Así, mis hijos cosecharán los frutos. Al final del periodo lo evaluaremos en las urnas.

S'il vous plaît, laissez le président tranquille. Je pense que les critiques sur les possessions de M. Piñera sont empreintes de jalousie et d'un ressentiment évident […] En étant logiques, nous devrions demander à tous ceux qui travaillent dans le domaine public de se débarrasser de toutes leurs biens (entreprises de construction, firmes comptables, sociétés de conseils, centres médicaux). Je pense que c'est absurde.

Sebastián Piñera est le président du Chili et je me contrefiche de ses biens, je lui souhaite juste de réussir pour que le Chili puisse se remettre rapidement. Ainsi mes enfants en récolteront les fruits. A la fin de son mandat, nous le jugerons dans les isoloirs.

Quelque soit le problème le plus important – la transparence ou le respect des promesses tenues, beaucoup de Chiliens s'accordent sur une chose : ils veulent que le président vendent ses dernières actions pour éviter la survenue d'un possible conflit d'intérêt durant son mandat. Ce message sur Twitter de l'expert en sciences politiques et blogueur Patricio Navia [18] qui a été largement repris par les Chiliens, et démontre leur souhait d'avoir un président, pas un homme d'affaires, à la tête du pays :

Piñera tiene tremendo flanco abierto. Si no vende ya, se pasará 4 años a la defensiva. Una tontería. Hay que ser o
presidente o accionista

M. Piñera a une énorme faille. S'il ne vend pas maintenant, il va passer 4 années sur la défensive. C'est idiot. On est soit président, soit actionnaire.