Ce billet de Tal Pavel a été publié en premier lieu en Hébreu sur notre site Global Voices Advocacy
Internet est arrivé au Moyen-Orient au début des années 1990, mais sa vitesse de prolifération a véritablement bondi au tournant du millénaire. Au cours de ces années, l'usage de l'Internet au Moyen-Orient (y compris en Israël) s'est accru de 1648 %, alors que sa croissance mondiale était de 380 %. Le taux de pénétration a atteint 28 % (il est plus élevé que le taux global moyen qui n'est que de 26%). Cela en dépit du fait que les utilisateurs d'Internet de la région constituent à peine 3,3% de l'effectif mondial. Il est curieux de noter que l'Iran et la Syrie ont enregistré les plus forts taux de croissance (12,780% et 11,783% respectivement).
Le Moyen-Orient, cependant, est très contrasté dans ce domaine aussi : à côté des pays du Golfe ayant un taux de pénétration de 50% ou plus, on trouve des pays comme l'Irak et le Yémen avec un taux d'à peine d'1%. Internet et ses réseaux sociaux en ligne ont été sans doute l'un des facteurs de changement qui ont le plus influencé le Moyen-Orient pendant cette dernière décennie, mais pas nécessairement en termes d'opportunités économiques et commerciales reconnues par les gouvernements de la région. L'influence d'Internet au Moyen-Orient provient principalement de sa nature, précisément : un média immédiat, répandu et accessible à tout le monde à travers tous les appareils mobiles, un moyen parfaitement adapté aux échanges d'information entre des citoyens vivant dans un contexte très restrictif.
Le phénomène a connu son apogée lors de l'élection présidentielle en Iran au mois de juin 2009. Les Iraniens sont connus pour leur faim d'information et de communication depuis des années – du temps même de l'imam Khomeini, qui diffusait ses sermons dans tout le pays avec des cassettes audio, jusqu'à aujourd'hui où des antennes satellites ornent chaque toit de Téhéran. Tous les quatre candidats se sont vigoureusement servi d'Internet, en s'appuyant particulièrement sur divers réseaux sociaux.
Mais la grande puissance d'Internet en Iran et la méfiance catégorique envers la gouvernance qu'il peut nourrir ont été pleinement révélés quand les résultats ont été rendus publics. Des foules immenses se sont déversées dans les rues de Téhéran et d'autres villes iraniennes lors de manifestations de protestations, couvertes en ligne par les blogueurs et internautes iraniens qui ont relayé l'information dans le monde entier. Des reportages en direct sur les manifestations ont été publiés sur Twitter, et des vidéos mises en ligne sur YouTube presque en temps réel, et de nombreuses photos sur Flickr. Ce flux d'informations a démontré la force qu'Internet peut avoir dans les pays aux régimes autoritaires et a fait connaitre les aspirations de l'opinion iranienne.
C'est pourquoi, aux yeux de l'auteur de cet article, le vrai héros de la décennie est notre utilisateur iranien ordinaire d'Internet – un utilisateur qui doit affronter des restrictions strictes imposées par le gouvernement, des lois limitatives, un contrôle sévère, la police d'Internet (en Iran et en Syrie), des infrastructures technologiques et de télécommunications inadéquates dans certains pays, et souvent des coûts de connexion délibérément élevés. Les héros sont tous ces utilisateurs anonymes et blogueurs actifs qui sont prêts à subir les pires conséquences, y compris l'emprisonnement et même l'exécution.
Plus profondément Internet pénètrera dans notre région, plus la diffusion de l'information et de la critique sera grande et l'appel au changement entendu – et plus importants seront les problèmes que les régimes locaux vont devoir affronter. La relation entre les gouvernements et leurs citoyens va changer. Le rôle d'Internet comme tribune improvisée pour des secteurs réprimés et des voix étouffées dans cette partie du monde sera renforcé et servira de fer de lance ouvrant la voie à des processus de démocratisation.
Ce billet par Tal Pavel a été publié en premier lieu en Hébreu.
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