La Thaïlande empêche des stations de télévision d'émettre, décrète la loi martiale, arrête des webmasters et bloque 10,000 sites internet de plus

Le draconien Acte de Sécurité Intérieure (Internal Security Act ISA) thaïlandais fut adopté à la 11ème heure en 2007 par une assemblée nationale issue d'un coup militaire. Sa cible semblait être les incessantes rébellions des cinq provinces musulmanes du sud profond de la Thaïlande, collectivement appelées Patani.

Cependant, l'ISA est resté en vigueur et est utilisé pour manipuler l'opinion publique en créant un climat de peur chez les Thaïlandais ordinaires puisqu'il est invoqué contre les manifestations publiques. L'ISA a été utilisé sept fois depuis juillet 2009 contre des rassemblement majoritairement non violents.

Le plus grand d'entre eeux avec plus d'un demi million de manifestants, dont beaucoup originaires des provinces rurales du nord appelées Isaan, a débuté en mars. Les chemises rouges (à ne pas confondre avec d’ autres rouges) débutèrent leur mouvement après que le premier ministre thaïlandais, l'homme d'affaire milliardaire Thaksin Shinawatra a été déposé et exilé par un coup d'état militaire le 19 septembre 2006.  Ses initiatives populistes comme le système de santé universel gratuit et l'éducation jusqu'au lycée, dissimulaient une énorme corruption mais avaient fait de lui une icône des populations rurales.

A l'origine, le but du mouvement “rouge” était de le faire revenir. Il est hautement improbable que cela arrive. Plus tôt cette année, la cour suprême thaïlandaise a confisqué les milliards mal-acquis qu'il avait accumulés pendant qu'il était premier ministre.

Depuis son exil, que Thaksin a ignominieusement choisi pour éviter de répondre à des charges criminelles, le milliardaire fugitif a obtenu plusieurs passeports étrangers et alimente une guerre de l'information contre le gouvernement Thaï tout en finançant au moins une partie des frais d'opérations des Rouges. Les messages qu'il adresse à ses partisans ont toujours été bloqués par le gouvernement sur la télévision par satellite, les vidéos, les sites internet et les réseaux sociaux, ses discours étant considérés comme anti-monarchistes et républicains et ses objectifs suspects.

La machine de propagande du gouvernement va très loin pour instiller la peur à tous les niveaux des média publics mais quoi que le gouvernement en dise, la vie courante à Bangkok et l'économie thaïe sont peu affectées et loin d'être paralysées.

Bien que les rangs des Rouges grossissent, les milieux urbains ne se sentent pas très concernés par Thaksin. Aujourd'hui, le but du mouvement est de renverser le gouvernement de coalition composé de la vieille élite, ammart, et d'organiser immédiatement des élections libres. Bien entendu, le milliardaire Thaksin faisait lui-même partie de cette élite mais il avait été élu triomphalement par le vote populaire.  our le meilleur ou pour le pire, il est probable que quand des élections seront organisées, les proches de Thaksin afflueront dans les rangs du pouvoir.

Afin d'organiser des élections libres, l'autre objectif des Rouges est de dissoudre le parlement ammart en place. Pour se protéger des poursuites légales, le gouvernement issu du coup militaire a abrogé la très respectée constitution de 1997, antérieure à Thaksin et appelée “Charte du Peuple” qui protège les droits humains et les libertés civiles.

Les militaires ont réuni un comité de rédaction pour élaborer l'actuelle constitution de 2007 qui fut approuvée de justesse par référendum, la majorité des “Oui” exprimant simplement une lassitude des interminables discussions. Le troisième objectif des Rouges est donc de révoquer la constitution militaire en vigueur et de revenir aux Droits de 1997 mais avec des amendements sujets à référendum.  Certains craignent que ces amendements ne soient mis en place que pour faciliter le retour au pouvoir de Thaksin.

Avec en toile de fond les rassemblements mouvants des Rouges, il y a eu plus de 11 attaques à la bombe à Bangkok, la plupart utilisant des grenades militaires M79.

Des attentats ont eu lieu à la cour suprême, à la commission des élections, au domicile du conseiller privé du roi, Prem Tinsulanonda et du premier ministre Abhisit Vejjajiva, au ministère de la santé, devant le service des douanes, un dépôt du département des autoroutes, le siège de la banque de Bangkok ainsi que certaines de ses agences et la banque Thanachart — et nous en avons certainement oublié.  Il y a aussi eu quelques attaques au cocktail Molotov mais il n'est pas clair qu'elles aient été commanditées par les Rouges plutôt que par une “quatrième” main avec un agenda pro-gouvernemental.

Juste avant que le Décret d'Urgence ne soit pris, deux télévisions de Bangkok, l'une militaire et l'autre gouvernementale, furent attaquées à la bombe, laissant 11 blessés.  Il n'y a pas de preuve définitive de la responsabilité des Rouges et une autre organisation visant à justifier la répression par le gouvernement pourrait être mise en cause.

La Thaïlande emploie 700 des détecteurs de bombe GT200 britanniques récemment discrédités comme inutiles, mais qui, bien sûr peuvent aussi détecter la drogue.

Le 23 mars, le gouvernement thaïlandais a de nouveau invoqué l'Acte de Sécurité Intérieure, qui donne de larges pouvoirs répressifs au gouvernement, pour contrer les massives démonstrations de rue des Rouges. Le 7 avril, après des semaines de protestation, le gouvernement a utilisé le Décret d'Urgence pour déclarer la loi martiale.

Les Rouges ne trouvant pas le gouvernement Thaï réactif à leurs demandes ont pacifiquement envahi le parlement forçant de nombreux législateurs humiliés à se servir d'échelles pour être évacués par hélicoptère.  Bien que les Rouges aient saisi au passage les armes de la police du parlement et de la sécurité militaire, ils les ont publiquement rendues à la police.

Les Rouges ont finalement sévi au coeur de Bangkok, pas au parlement mais dans le quartier commercial central, forçant des grands magasins et des galeries marchandes à fermer ce qui a donné un nouveau sens à l'expression “exclusif”.

Cependant, après que les Rouges eurent quitté la station, les autorités ont à nouveau fait cesser l'émission de programmes samedi matin.  Elles n'essaient certainement pas de gagner la confiance des Rouges en trichant et ne tenant pas leurs engagements.

Comme au parlement, les armes et équipements pris à la police et aux troupes furent plus tard tous rendus.

Le 9 avril, troisième jour de la loi martiale, les autorités dirigées par le vice-premier ministre autorisèrent le ministère des TIC à fermer d'autres sites internet et Twitter s'ils continuaient à être “provocateurs” et à inciter à la désunion. (Nous avons observé que le gouvernement est facile à provoquer !)  Elles on déclaré que 9-10.000 sites internet (les rapports varient) ont été bloqués depuis le début des manifestations Rouges en mars et que 700 autres allaient suivre. Il est évident que cette liste avait été préparée longtemps à l'avance pour profiter du fait que des décisions de justice ne seraient pas nécessaires.

Jusqu'à présent, Freedom Against Censorship Thailand (FACT) Liberté Contre la Censure en Thaïlande, n'a pas été bloqué comme nous l'avions été pendant les manifestations de 2009. Cependant ces nouveaux chiffres du gouvernement amènent le total de sites bloqués à près de 65.000.

Les journalistes citoyens rapportent au fur et à mesure les seules nouvelles disponibles. Mais les blogueurs ont du mal à suivre le rythme rapide des événements en Thaïlande. La situation a souvent été comparée au Népal où les royalistes furent massacrés et la monarchie déposée par les maoïstes. Pour le moment, nous ne sommes pas le Kirghizistan et il n'y a pas de victimes. Espérons que cela restera le cas jusqu'à ce que le gouvernement se retire pacifiquement.

Mise à jour de samedi minuit — Les troupes ont avancé à la tombée de la nuit pour ramener l'ordre dans le quartier des boutiques et près du parlement, principalement en utilisant des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes.  Cependant il y a actuellement 11 décès de Rouges confirmés — incluant un photographe japonais en mission — il y a donc eu des tirs à balles réelles. Beaucoup de blessés, peut-être des centaines.

1 commentaire

  • Leopold

    Le gouvernement a nullement l’intention de se retirer pacifiquement étant donne que c’est une dictature.
    Et a nullement l’intention de laisser voter le peuple car il sait très bien qu’il perdrait ces élections.

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