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Inde : Un ministre adepte de Twitter contraint de démissionner

Catégories: Inde, Gouvernance, Médias citoyens, Politique, Sport, Technologie

Shashi Tharoor. Image By Wikimedia Commons & MEDEF [1]

Shashi Tharoor. Image de Wikimedia Commons & MEDEF


Shashi Tharoor [2][en anglais comme tous les liens de ce billet] est un écrivain, chroniqueur, journaliste et défenseur des droits de l'Homme indien prolifique. Il a travaillé pour les Nations unies en tant que sous-secrétaire chargé de la communication et des informations publiques. Lors des élections parlementaires de l'Inde l'an dernier, il a été élu député dans la circonscription de Thiruvananthapuram à Kerala et a ensuite été nommé ministre des Affaires étrangères. Lorsqu'il était ministre, il a vu sa popularité augmenter mais il s'est également trouvé au cœur de différentes polémiques à cause  de son opinion sur les affaires d'État qu'il exprimait ouvertement sur son compte Twitter [3](qui est suivi par plus de 738 000 personnes). Sa franchise a irrité les hommes politiques traditionnels et le leader du parti Bharatiya Janata (Bharatiya Janata party ou BJP), M Venkaiah Naidu, l'avait mis en garde avec les mots suivants “Que signifie “twitter” ? A force de twitter, il va être obligé de nous quitter”.

Paradoxalement, ce ne sont pas ses propres messages sur Twitter qui ont contraint Shashi Tharoor à démissionner, mais les accusations déclenchées [4]par une série de messages sur Twitter [5]du commissaire de l'IPL (Indian Premier League [6], la coupe de cricket), Lalit Modi. Le 18 avril dernier, Shashi Tharoor a été obligé de démissionner de son poste [7] suite à des allégations de corruption et de détournement de fonds pour l'obtention de parts dans la franchise de la ville de Kochi [8] (anciennement Kochin) durant l'organisation de la coupe de l'Indian Premier League.

Linus Fernandes [9]a intitulé ce scandale le Twittergate d'IPL. Tharoor  était un “conseiller” pour l'offre lancée par la petite ville de Kochi sur une des deux franchises de la coupe IPL créées pour le tournoi de l'an prochain, une opération organisée par le consortium Rendezvous. Contre toute attente, le consortium a gagné l'enchère [10]avec la plus forte offre (333 millions de dollars). Il a vite été révélé que la petite amie de Tharoor, Sunanda Pushkar, faisait partie du consortium et qu'elle a obtenu une grosse partie des actions de ce consortium. Il a été accusé de ne pas avoir fait part de son intérêt personnel dans la procédure et d'enrichissement personnel.

Offstumped- (Parti politique de centre droite affirme : [11]

Le Premier ministre Manmohan Singh a conseillé à la présidente d'accepter la démission de Sashi Tharoor du cabinet de l'Union. Il s'agit du premier scandale qui touche le gouvernement de l'UPA dirigé par Manmohan Singh Sonia Gandhi.

Depuis des mois, les membres du parti n'étaient pas satisfaits de Tharoor et il est clair qu'il y avait une campagne en cours pour avoir sa tête.

Prem Panicker a fait le commentaire suivant : [12]

Le parti a abandonné le ministre, et n'a pas eu le choix, par respect des règles morales.

Jaya Jha du blog Miles To Go demande “Qu'est-ce-que Tharoor a fait exactement pour être forcé à démissionner ? “ [13]

Maintenant, pour l'amour du ciel, quelqu'un peut-il m'expliquer ce que Tharoor a fait de mal ? Rendezvous Sports aurait payé Tharoor,  mettant ainsi en avant Sunanda Pushkar, mais qu'a-t-il fait en retour ? Qu'a-t-il influencé ? Que pouvait-il influencer ? Ce débat n'a aucun sens !

Purba de Desicritics écrit : [14]

La situation ressemble étrangement à une classe d'école archaïque où le professeur sévère punit un élève pour avoir osé défier le système et soulever des questions. Les partis politiques de la plus grande démocratie du monde sont, malheureusement, dirigés comme des autocraties.

En revanche, Retributions estime [15]que même si l'affaire Sashi Tharoor n'a pas beaucoup de poids légalement, il se devait de partir pour des raisons morales :

D'un point de vue légal, l'affaire Shashi Tharoor n'a pas beaucoup de poids. Même s'il est vrai que son associée Sunanda Pushkar a  bien négocié un contrat avantageux avec le consortium Kochi, les contrats d'actionnariat avantageux ne sont pas en soi illégaux. Monsieur Tharoor n'a été impliqué que de façon indirecte. Malgré tout, pour un homme politique qui cherche toujours ses marques dans le monde houleux de la politique indienne, avoir une équipe de son état durant l'IPL n'était pas un mauvais coup. Et si une certaine associée a tiré profit de cette affaire- et bien, il s'agit dans d'une de ces affaires qui se trouvent à la frontière entre l'éthique et le droit.

Les membres du gouvernement de la nouvelle Inde ne peuvent pas se comporter comme les hommes politiques d'autrefois. S'ils le font, ils doivent être renvoyés.

Après la démission de Shashi Tharoors, sa famille proche et ses amis ont entamé une campagne en ligne intitulée SupportTharoor.org [16] (Soutenez Tharoor). Elle a eu beaucoup de succès auprès des internautes et lors de la création, 19000 signatures avaient été enregistrées au jour de cet article.

Shashi Tharoor a remercié ses supporteurs par l'intermédiaire de ce “tweet [17] (message sur Twitter) :

tharoor tweet [17]

Merci pour vos gentils messages sur www.supportTharoor.org [18]. Cela me touche beaucoup que tant de personnes m'aient contacté pendant cette période décisive.

Ci-dessous une vidéo [19], téléchargée sur YouTube par pramodlife, du discours de Tharoor au Parlement réfutant les accusations portées contre lui : ” J'ai la conscience tranquille, je n'ai rien fait de mal” :

Offstumped explique [20] pourquoi supportthaoor.org joue un rôle important :

Alors que Shashi Tharoor tente de se défendre au Parlement pour la seconde fois, Il est intéressant de suivre l'évolution de l'activisme numérique sur supportTharoor.org.

Shiv Singh du blog Going social Now aborde [21]les implications de la démission de Tharoor pour les politiciens utilisateurs de Twitter dans le monde :

Il était une fois un homme politique indien qui utilisait les nouveaux médias pour communiquer avec l'ensemble de la population et qui était très populaire pour cela. Cela semblait être le futur de la démocratie. Mais tout cela s'est arrêté soudainement.[…]

Donc, qu'est-ce-que cela signifie ? Les hommes politiques dans le monde entier se sont rendus compte que Twitter pouvait être un outil de communication très puissant. Ils ont également découvert que les discours officieux et officiels avaient maintenant des significations différentes. Beaucoup ont également appris qu'en travaillant à l'intérieur du gouvernement ils étaient tiraillés entre dire au peuple ce qu'ils pensent vraiment (ce que Twitter permet de faire) et se limiter à ce qu'ils sont censés dire. Les hommes politiques ont réalisé que leurs électeurs adoraient lire leurs “tweets” (message sur twitter) et avoir leurs opinions sur le champs, ce qui rend la politique plus personnelle, réelle et attrayante (peut-être ce phénomène permettra de faire progresser l'engagement civique). Mais l'exemple de Sashi Tharoor montre que ces hommes politiques vont également apprendre que les plateformes de médias sociaux comme Twitter peuvent être très dangereuses quand elles sont utilisées comme un moyen d'exposer les scandales ou de remettre en question leurs promesses.