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Malawi : un mariage fastueux, un nouveau drapeau et des médias contrôlés

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Malawi, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Technologie

Cet article est paru le 21 avril 2010 sur Global Voices en anglais. Tous les liens sont en anglais.

Le président du Malawi, le Docteur Bingu wa Mutharika a épousé le 17 avril 2010 une ancienne ministre de son gouvernement [1], Callista Chapola Chimombo, au cours d’une cérémonie que certains ont baptisé « le mariage du siècle ». La célébration s’est déroulée en plein air, au stade Civo, à l’encontre de la tradition catholique. Parmi les 4500 invités à la cérémonie on comptait plus de 20 chefs d’état et de gouvernement.

Parmi beaucoup d’autres, Sa Majesté la reine Élisabeth, accompagnée du duc d’Edimbourg, a présenté ses meilleurs vœux au couple.

Le blogueur Malawi Digest donne des détails [2] sur ce jour faste :

Le président Ngwazi Dr Bingu wa Mutharika est devenu veuf à l’âge de 76 ans, à la mort de sa femme bien aimée, Madame Ethel Mutharika, le 28 mai 2007.
A la suite de ce décès, une période de deuil d’un mois a été déclarée dans le pays et le corps de la Première Dame a été enseveli le 9 juin 2007 dans la propriété privée des Mutharikas, Ndata Farm, située dans le sud du Malawi dans le district de Thyolo où se trouve la résidence principale du chef de l’Etat.
Callista Chapola Chimombo est elle-même veuve et a été entre 2004 et 2009 députée au parlement pour le parti de la majorité, le Democratic Progressive Party. Elle a également été Ministre du Tourisme et de l’environnement. Elle est originaire de Zomba.
Le mariage du président Ngwazi  Bingu wa Mutharika et de Madame Chimombo intervient quelques mois seulement après un autre mariage de haute volée dans le cercle présidentiel. En décembre 2009, la fille cadette du Dr Mutharika, Mademoiselle Duwa, a convolé en joyeuses noces avec le Zimbabwéen Tonderai Mubaira.

On ne connaît pas encore le budget alloué à ce mariage public mais on pense qu’il atteindra des centaines de millions de Kwacha [devise du Malawi ] puisque plusieurs sociétés, des particuliers et le couple présidentiel indiquent avoir déjà donné une certaine somme d’argent [3].

Restrictions àla liberté de la presse

Alors que le président du Malawi a reçu plusieurs distinctions et a récemment été nommé président de l’Union africaine, tout n’est pas si rose que ça au pays : on annonce que le gouvernement va interdire le groupe de presse The Nation Publications Limited [4] (NPL). Le NPL publie quatre titres : le quotidien The Nation, le Weekend Nation, le Nation on Sunday et le nouveau journal local Fuko. Cette interdiction a été condamnée à la fois au niveau national et international [5] comme une atteinte à la liberté de la presse.

Le journaliste Kondwani Munthali analyse les conséquences d’une telle interdiction. [6]

Le gouvernement ou quelqu’un au gouvernement a décidé, dans sa grande sagesse et en suivant le principe du clientélisme politique, que le Nation Publications Limited avait poussé trop loin l’exercice de sa liberté d’expression, et a pensé que les habitants du Malawi – y compris les employés du NPL, qui paient eux aussi leurs impôts – ne devaient pas recevoir de messages publicitaires par le biais des journaux.
La tactique utilisée n’est pas nouvelle. Vers la fin de l’année 1997, le gouvernement issu du Parti du front démocratique unifié (United Democratic Front – UDF) avait été encensé par le journal Malawi News. Puis ce même gouvernement avait été la cible d’investigations de la part de journalistes et avait par la suite interdit la publicité dans toutes les publications du groupe Blantyre Newspapers (Blantyre Newspaper Limited est l’éditeur du journal Malawi News NdT). Les premières victimes de décisions aussi irrationnelles, qui reviennent à bâillonner la presse, sont les lecteurs. Le prix d’une telle décision est trop élevé pour être quantifiable. De la même manière, le NPL risque de ne plus pouvoir compter sur des ressources quand cette mesure aura été appliquée.

Il souligne la valeur sociale de journaux rédigés dans des langues minoritaires, tels que Fuko :

Prenez l’exemple d’avis publiés dans des quotidiens ou des hebdomadaires locaux mettant en garde la population contre une épidémie de rougeole : un journal tel que Fuko, le dernier en date des journaux gratuits édités par le NPL ne serait-il pas la plate-forme idéale pour une telle publication ? Parce qu’il vise les zones rurales, les régions touchées telles que Mangochi, Mzimba, Blantyre et Lilongwe aurait ainsi accès à l’information pour peu que tous les supports médiatiques soient utilisées.

Le NPL a été créé par un vétéran de la politique, Aleke Banda [7], aujourd’hui disparu. Il est mort le 9 avril 2010 après une bataille de quatre ans contre le cancer. Ironie du sort, alors que le gouvernement tentait d’interdire la publicité dans les publications du NPL, l’état lui a accordé des funérailles nationales. Voir ici [8] l’éloge funèbre de Aleke Banda par M. Munthali.

L'affaire du nouveau drapeau


Le débat fait rage depuis que le gouvernement a proposé des changements au drapeau national du Malawi, mettant en avant le fait que le drapeau devait être modifié pour refléter le développement économique que le Malawi a connu depuis 1964. Cependant, la proposition ne semble pas rencontrer d’écho et certains habitants du Malawi pensent que ce projet n’a pas lieu d’être. Le blogueur Joe Mlenga [9] de Blantyre affirme que les partisans du changement ne cherchent qu’à s’attirer les faveurs des leaders traditionnels. [10]


Il est clair que la majorité de la population ne veut pas du modèle de drapeau que le gouvernement essaye de lui refiler. Mais il semble que les autorités aient réussi leur coup et aient court-circuité cette opposition en utilisant les chefs traditionnels. Les partisans du nouveau drapeau prétendent que les chefs représentent l’opinion de la population du Malawi. Tu parles ! Personnellement je n’ai pas rencontré le chef Somba, dans le territoire duquel je me trouve (Blantyre). Je ne l’ai pas non plus vu, ni lui ni ses acolytes, tenir des réunions avec les villageois à propos du nouveau drapeau. Alors les chefs traditionnels ne font que représenter leur opinion. De toute façon, quel chef peut affirmer son opposition et dire non au nouveau drapeau ?

Le blogueur Ndagha [11] est d’accord avec Joe Mlenga et dénonce la stratégie du gouvernement pour remporter un appui lui permettant de changer de drapeau.

Beaucoup de ces chefs sont entraînés à approuver les propositions du gouvernement sur des questions comme celle-ci, mais sans doute n’expriment-ils pas leur vrai désir ni celui de leur peuple.
Il suffit de regarder ou d’écouter les présentateurs des médias publics (les médias de l’état, en fait) pour se rendre compte que les avis que les chefs traditionnels adoptent sur ces questions ne sont pas sincères. J’imagine que les présentateurs des médias qui appartiennent à l’état vont jusqu’à couper les déclarations des chefs de manière à tout présenter en faveur de la position du gouvernement.

Le gouvernement a chargé le ministre de l’information et de l’éducation civique de consulter des Malawis à divers niveaux sur les propositions de modification du drapeau. Les Malawis sont d'avis, selon les articles qui ont été publiés, que le changement ne se justifiait pas parce que le pays n’a pas encore atteint un niveau qui justifie de telles modifications.

Le développement des médias sur Internet

Nouveau venu dans la blogosphère, le blogueur Vincent Kumwenda nous informe de l'actualité des médias au Malawi. Dans son billet intitulé  « Les médias au Malawi et le développement d’internet », il cite trois médias qui se sont ouvertes à Internet [12] pour en faire une plate-forme de publication et enrichir leur offre.

Zodiac Broadcasting Radio a amélioré son site web [13] et cette année les Malawis ont eu une occasion rare de trouver les résultats des examens sur internet. Le service public en charge des examens du pays, l’office national malawi pour les examens (Malawi National Examinations Board – Maneb) n’a pas de site web en propre (pas que je sache en tous cas), alors la radio Zodiac a publié les résultats sur son site. Ils ont fait de même avec les résultats 2010 de l’examen d’entrée à l’université du Malawi.

La maison d’éditions Blantyre Newspaper Limited (BNL), auréolée de distinctions, a lancé à présent un nouveau site web [14] qui prend en charge toutes ses publications : The Daily Times, Sunday Times et Malawi News. Même s’il arrive parfois que les mises à jour soient un peu tardives, le site du Times du BNL rencontre beaucoup de succès parmi ceux qui cherchent à savoir ce qui se passe au Malawi. Le site est bien conçu, interactif et permet une navigation facile.
Un autre site d’information malawi en ligne a été lancé récemment. Le Maravi Post [15] est un issu du blog Malawi Politics. Il se penche à présent sur les informations du Malawi au sens large et ne se concentre plus seulement sur la politique.

Malgré des avancées récentes en matière de nouvelles technologie de l’information, la présence en ligne et la pénétration de l’internet demeure faible au Malawi si on la compare à celle de pays voisins tels que la Zambie, la Tanzanie et le Mozambique.