Vue d’ensemble de la blogosphère russe en 2009-2010

Ce billet est composé des informations rassemblées pour une présentation donnée lors du Sommet des médias citoyens 2010 de Global Voices.

Présentation donnée par Alexey Sidorenko lors du Global Voices Summit à Santiago. Photo de Gregory Asmolov

Introduction

Avec près de 40 millions d’internautes [en russe] en 2009, la Russie a atteint une pénétration d’Internet de 38 % . Si la plate-forme de blog la plus populaire du pays reste Livejournal.com, celles de blogs.mail.ru et liveinternet.ru sont également importantes [en russe] et influentes. En Russie, le prix de l’accès à Internet varie d’une ville à l’autre,  de 10 à 50 USD pour le même service [en anglais]. Le blogging est une activité fortement centralisée : en effet, 50 % des internautes se trouvent à Moscou ou à Saint-Pétersbourg et 67 % des principaux blogueurs viennent de la capitale [en russe]. Les données relatives aux utilisateurs sont comparables aux chiffres internationaux : la majorité des blogueurs ont entre 15 et 30 ans et les jeunes filles sont plus présentes que les jeunes hommes.

Principales tendances 2009-2010

  • Régionalisation : augmentation rapide des blogs et des forums dans les régions [en anglais]
  • “Twitterisation” : rôle de Twitter toujours plus prépondérant (un grand nombre de blogueurs ont commencé à twitter au cours des 6 derniers mois ; le service est particulièrement populaire parmi les opposants)
  • Participation croissante du gouvernement à la blogosphère : mesures négatives (filtrage du contenu, censure) et positives (lancement de blogs et réseaux sociaux, invitation de blogueurs à des événements importants)
  • Confiance : les blogs sont toujours plus considérés comme des sources d’informations fiables (pour les jeunes Russes Internet est une source d’information plus crédible que la radio [en anglais])
  • Campagnes virtuelles de plus en plus populaires

Les succès de la blogosphère russe

Dans les affaires délicates, les blogueurs sont les premiers à collecter l’information, à la transmettre et à en faire un suivi actif. Les blogs et les nouveaux médias ont joué un rôle essentiel dans la couverture des attentats de Moscou [français], du Nevsky Express [anglais, comme les liens suivants], du drame de Perm et d’autres catastrophes. Parfois, les campagnes menées sur des blogs ont donné lieu à des résultats sur le terrain, comme ce fût le cas pour la « barrière humaine », le touriste russe dont la vie était en danger en Indonésie, le passeport refusé à Oleg Kozlovsky et bien d'autres. Toutefois, la situation est loin d'être rose et la majorité des campagnes de mobilisation menées sur les blogs ne débouchent pas sur de tels succès.

Blogosphère et société russe

  • Le plus souvent, les campagnes virtuelles ne donnent pas lieu à des changements dans la vie réelle (notamment dans les plus grandes affaires). Un des exemples les plus frappants est celui de l'affaire Dymovski [en français]. La popularité acquise par son message vidéo n'a pas empêché son arrestation et aucune mesure n’a été prise dans son département de police. Aucun résultat non plus dans l'affaire Alexander Barkov. Ce haut dirigeant de la société Lukoil se trouvait apparemment dans un véhicule responsable d’un accident dans lequel deux Moscovites ont été blessées [anglais]. Aucune charge n’a été retenue contre lui, alors que les preuves l’accablant étaient convaincantes.
  • Les blogs sont utilisés par le gouvernement comme un canal pour évacuer des opinions critiques et mêmes radicales tout en gardant le système politique autoritaire intact. Bien qu’ils essaient parfois, les blogueurs ne parviennent pas à fournir des enquêtes indépendantes. Il arrive que les blogueurs qui le font soient punis par la police. Tel est le cas de Mikhail Afanasiev [russe], le blogueur Hakassian, qui a voulu proposer une version des faits différente dans l'affaire de l’inondation du barrage de Saïano-Chouchenskaïa.
  • La hiérarchie, reflet de la structure sociale russe : Livejournal et ses relations d'amitié en ligne s'est transformé en un système hautement hiérarchisé avec un classement des blogueurs. Pour qu'une voix soit entendue, il faut qu'elle soit mise en avant par un des blogueurs les plus populaires.
  • Les blogueurs commerciaux : qu'il s'agisse d'humains, de robots (programme créant automatiquement des comptes de blogs), de splogs (de spam blog)…Toutes ces tendances communes sur le web se propagent rapidement sur RuNet, entraînant parfois un manque d'objectivité parmi les réseaux de blogueurs populaires.
  • Les trolls (dans certains cas, les autorités sont soupçonnées de les commanditer).

Influence du gouvernement dans la blogosphère

Le gouvernement est toujours plus présent sur le web en langue russe. Voici quelques unes des formes que prennent son intervention.

Intervention négative :

  • Filtrage du contenu et “évaluations par le procureur” [anglais] sur la base de la liste de contenus jugés extrémistes [russe]. Les fournisseurs d’accès sont poursuivis [anglais] s’ils refusent de bloquer certains sites web. Cependant, la procédure permettant de définir si un contenu est extrémiste est loin d’être transparente. Comme le démontre l’affaire Dmitri Soloviev, les résultats d’une vérification socio-linguistique varient grandement selon l’endroit où la vérification est faite.
  • Blocage immédiat d’un site suite aux menaces directes des autorités. Un certain nombre de cas sont exposés ici et ici [anglais]. La situation concernant les sites de partage de fichiers comme torrents.ru et ifolder.ru est similaire, bien que les interdictions résultent de motifs commerciaux et non politiques.
  • Attaques DDOS visant des sites web de journaux (Vedomosti [en anglais], Kommersant et Novaya Gazeta [anglais] ont subi de telles attaques l’année dernière).
  • Plaintes au pénal déposées contre des blogueurs et autres formes de harcèlement (Irek Murtazin [anglais], Sergey Peregorodiev [russe] et autres).
  • Publication anonyme d'informations compromettantes pour les dirigeants de l’opposition (appelé le « Mumugate » [anglais]).

Intervention positive :

  • De nombreux politiciens ont ouvert un blog. Le classement des blogs des hauts dirigeants est disponible ici [anglais].
  • Plusieurs partis ont créé des réseaux sociaux (Soratniki [anglais], Berloga [russe] et autres).
  • Une région a innové en invitant des blogueurs à participer à des sessions avec le gouvernements régional [russe],  créant une nouvelle forme d’engagement et de collaboration qui pourrait s'élargir à d’autres régions.

En conclusion, le web russe devient plus politisé et plus régulé. Étant considéré comme des sources d’informations de confiance et bénéficiant d'un nombre croissant de lecteurs, les blogueurs ont attiré sur eux l’attention des autorités. Quant à sa structure, la blogosphère tend à reproduire celle de la vie réelle, avec ses partis pris et sa hiérarchie.

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