Maroc : l’héritage d'un libre penseur, Mohammed Abed Al-Jabri

La mort du philosophe et théoricien marocain, Mohammed Abed Al-Jabri [en anglais] a été peu signalée dans les médias. Pourtant, la contribution de Mohammed Al-Jabri au pénible combat entre rationalité et pensée religieuse au cours des dernières décennies n'a jamais probablement été autant d'actualité. Il y a eu un déluge d'hommages pour l'homme et son travail au cours des semaines passées.  Si la mort d'un des penseurs arabes les plus progressistes a, au début du mois, provoqué un immense mouvement de sympathie, elle a aussi mis à jour les luttes intestines de l'intelligentsia arabe, profondément divisée entre libre penseurs  et conservateurs acharnés. Sur la blogosphère et les sites de réseaux sociaux, les réactions sont partagées, entre ceux pour qui la pensée de Jabri a aidé à réconcilier la modernité et la tradition et ceux qui voient dans le travail du philosophe une énième attaque contre l'autorité religieuse. Voici certaines de ces réactions.

Abdeslam Ben Abdelali était un des disciples d'Al-Jabri.  Sur Al-Awan, une plate-forme de blogs traitant de philosophie et de l'actualité, il partage ses pensées du dernier philosophe :

كان الجابري يعلم ] أنّ الوقت هو وقت زرع البذور. الا أنّ زرع البذور لا يمكن البتّة أن يتمّ من غير جذور ووعي تاريخيّ. لذا وجب علينا أن ننفتح على التراث، على تراثين: التراث العربي الاسلامي وكذا على التراث الانساني، الا أنّ كلّ تملّك لما يسمّى تراثا انسانيا لا بدّ أن يتمّ عبر خصوصية هي خصوصيتـ”نا”.

Al-Jabri savait qu'il fallait semer les graines maintenant. Cependant, on ne peut pas planter sans connaitre les racines et avoir un peu de connaissances historiques. Donc, nous devons nous ouvrir à la tradition. A deux traditions : la tradition arabo-islamique aussi bien que la tradition humaniste. Cependant, nous devrions être conscients que n'importe quel emprunt de l'héritage humaniste doit être fait à travers notre propre vision.

Mustafa Lemoueden blogue sur SidiSlimane.com. Il écrit :

لم يحدث أن تنازل الجابري يوما عن توجهه، وعن أفكاره، رغم كل الصعاب والعراقيل التي صافته، ومن ذلك طبعا عدم رضى بعضهم على كتباته التي تفتت الموروث الثقافي برمته، وقد انبرى بعض أشباه الكتاب للرد عنه ومحاولة دحض خلاصاته المخلخلة لعدد من المفاهيم، ومن المفجعات/المضحكات أن هناك جهات بالمشرق أفتت ب”هدر دمه”

Al-Jabri n'a jamais cédé sur ses orientations ou ses idées, malgré toutes les difficultés et les obstacles, y compris le malaise que ses écrits ont pu causer à beaucoup de monde, car il disséquait l'héritage culturel tout entier. Cela a incité beaucoup de pseudos auteurs à essayer de lui répondre et de réfuter ses conclusions et des concepts déconcertants. La chose triste est que quelques groupes ont fini par lancer des édits appelant à verser son sang.

Les réactions ont été nombreuses à travers tout le monde arabe. Mohammad Omar est un blogueur jordanien. Il écrit :

كنت أعيش في] حلقة مفرغة إذن، حلقة تدور حول نفسها تبحث عن إجابة السؤال “البسيط”، الذي طرح قبل 150 عاما، مع “بداية عصر النهضة العربية”، ويعاد طرحه يوميا منذ “خمسين عاما على هزيمة الثقافة العربية”،، لماذا تخلفنا وتقدم غيرنا؟…
بهذا السؤال بدأ الجابري مشروعه في نقد “العقل العربي”،،، وأسس لمفهوم “العقل المستقيل”،،،
عندما تعرفت على مؤلفات الجابري حينها، اختلفت كل نظرتي، لا بل وطريقة حياتي، فلم اعد ذاك الشاب الذي تكفيه النصوص وحفظها، ولا يكفيه الإعجاب بالجمل الثورية، وبالشخوص،،،
الجابري هو بداية رحلتي من اليقين إلى الشك، هو “لحظة وعي”، اشراقة،،،

J’ai vécu dans un cercle vicieux, dans une boucle qui se mordait la queue en cherchant une réponse à cette “simple” question posée il y a 150 ans “au début de la Renaissance arabe,” et que nous continuons à nous poser quotidiennement depuis “la défaite de culture arabe” il y a 50 ans : pourquoi d'autres avancent-ils, tandis que nous sommes laissés sur place ?

Cette question était le point de départ du projet d'Al-Jabri pour une critique “de l'esprit arabe” et est la base de son concept : la résignation de l'esprit.

Quand j'ai découvert le travail d'Al-Jabri, j'ai complètement changé d'opinions et même de mode de vie. Je n'étais plus que le jeune homme qui lisait simplement, retenait quelques textes, ou qui se satisfaisait de la simple admiration pour des expressions révolutionnaires ou des personnalités.

Al-Jabri est le début de mon voyage de la certitude au doute. Il est mon moment de prise de conscience ; une illumination.

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