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Balkans : Pourquoi les animaux sont brutalisés

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Cyber-activisme, Droit, Gouvernance, Manifestations, Médias citoyens

La guerre civile qui a fait rage dans l'ex-Yougoslavie communiste des années 1990 a fait plusieurs centaines de morts et près d'un million de réfugiés. Dans l'après-guerre, criminalité et diverses formes de violence sont devenues monnaie courante dans les pays de la région. Les victimes en ont été principalement différents groupes nationaux et religieux, les homosexuels et les tziganes. Dernièrement, ce sont aussi les animaux qui sont devenus la cible des brutes. Il ne se passe pas de jour sans que des chiens ou chats ne soient torturés par des individus cruels qui enregistrent leurs sévices et en publient la vidéo sur internet [Les liens sont en serbe, bosniaque et croate].

Mi-avril, énormément de gens en Serbie ont été sous le choc d'une terrible vidéo [1] de violence contre une chienne, montrée par des chaînes de télévision. Un monstre anonyme a découpé les pattes de la chienne, la laissant au milieu d'une mare de sang dans une rue de Belgrade.

A cette occasion Goran Paskaljevic, un cinéaste renommé et président de l'association pour la protection des animaux SOS Animals, a déclaré ceci [2] au quotidien Blic :

Je suis choqué qu'une chose pareille puisse arriver. Je compte que la police retrouve le coupable, même si la victime n'est pas un humain, mais un animal.

Et d'ajouter :

Ceux qui sont capables de mettre à exécution un acte aussi monstrueux contre un chien infirme qui ne pouvait rien faire de mal sont dangereux pour les êtres humains également.

Le blogueur Dragan Jakovljevic a écrit [3]un billet très affligé, dans lequel il demande à la chienne, qui s'appelait Mila, de pardonner les péchés de l'humanité :

[…] ”Chaque péché, même le plus petit, affecte le destin du monde,” a dit le vieux Siluan. Et chaque vertu, également : parce qu'une victime – ici, la chienne Mila – n'est plus seule. Des dizaines de milliers de personnes proposent leur aide et sont à la recherche du monstre. Leurs voix sont en train de sauver cette planète. Grâce à elles, j'ose regarder Mila dans les yeux, au moins sur la seule [photo] [4] infiniment triste parue ces jours-ci sur internet, et lui dire : “Pardonne, si tu peux.”

Depuis qu'une femme a trouvé Mila sous sa voiture et l'a emmenée dans une clinique vétérinaire, la chienne a reçu les soins d'urgence. A présent Mila se remet de ses blessures et est dans l'attente d'une opération en Allemagne où on devrait lui poser des prothèses sur les pattes pour qu'elle puisse marcher à nouveau.

Quelques semaines après cette affaire, une nouvelle vidéo perturbante de sévices contre un chaton est parue sur la page de profil de Srdan Stankovic (la vidéo a été retirée entre-temps).

Il y a deux jours, le service juridique de la station de radio et télévision B92 a porté plainte contre lui. De même, un groupe “Sprecimo nasilje nad zivotinjama” [5] (Stop aux mauvais traitements contre les Animaux) a été créé sur Facebook. Ce groupe a déjà plus de 44.000 membres. Leur message :

ARRETEZ LA VIOLENCE CONTRE LES ANIMAUX!!!
Si vous aimez les animaux, aidez à les sauver de la cruauté !
Si vous aimez les animaux, rejoignez l'équipe de sauvetage des animaux de votre commune !

Les animaux sont sensibles, comme vous et moi. Traitez les animaux comme vous voudriez qu'on vous traite si vous étiez à leur place.

La question est : où sont les racines de la violence de plus en plus brutale en Serbie ?

Dragan Popadic, un psychologue social, a expliqué [6] sur le site internet de Radio Free Europe que la guerre civile n'est pas la seule raison. Et il ajoute :

C'est une partie du problème. Mais je pense que nous devons chercher les racines de la violence dans des éléments de la situation actuelle. A mon avis, il n'y a aucune réaction à la violence […]. La tolérance à la violence, une tendance à voir dans certaines formes de violence une violence bénéfique, pollue énormément notre vie quotidienne et conduit à ces formes excessives et brutales de violence.

Sur la même page web, une ballerine serbe, l'écrivaine et blogueuse Jelena Tinska affirmait [6] :

Le syndrome vietnamien s'est emparé de la Serbie, des somnambules se promènent dans les rues, de jeunes garçons tuent des filles. L'homme qui a coupé les pattes de ce chien, demain coupera les seins de sa petite amie si elle le trompe, parce que c'est un psychopathe. Ainsi, les fous [les brutes] courent les rues chez nous, mais n'ont pas encore été châtiés.

La Bosnie-Herzégovine, voisine de la Serbie, est aussi confrontée à la violence contre les animaux. Selon le quotidien de Sarajevo “Oslobodjenje” [7], il y a eu en mars dernier une série de manifestations organisée à Sarajevo par une association du nom de “Amis des animaux.” Le motif immédiat en a été une affreuse vidéo tournée par trois jeunes et publiée sur Facebook. La vidéo montre comment ces garçons jettent un pit-bull bien connu sur un chien errant infirme, et comment la bête sanguinaire met en pièces sa victime.

De très nombreux blogueurs du pays ont réagi avec virulence à cette vidéo.

La blogueuse zuti__karton a publié [8] un billet intitulé “Jusqu'à quel point pouvons-nous être des monstres?”. Propriétaire d'un chien et bénévole dans un refuge pour animaux à Tuzla, elle a réagi avec une vive émotion à la vidéo. C'est pourquoi sa réaction impulsive doit être comprise comme un appel public à tout un chacun de ne plus brutaliser les animaux, et non comme une invitation à la vengeance contre les coupables de ce crime haineux. Elle écrit :

[…] La seule loi juste est celle de “oeil pour oeil, dent pour dent” et chacun devrait être traité d'après cette loi […] ensuite j'aimerais voir qui recommencerait un tel crime. […]

[…] Ces ne sont que quelques-uns des cas de violence contre les animaux… Dieu seul sait combien il y en a d'autres… Y a-t-il quelqu'un pour se demander à quel point nous pouvons être des monstres, des primitifs. Pouvons-nous être encore pires ? Je crois que oui, parce que nous sommes des humains, et non des animaux. […]

[…] Nous tuons souvent pour le plaisir, par jalousie, pour l'argent ou d'autres rasions analogues insensées. Nous menons des guerres parce que des messieurs de la télé nous disent de le faire, parce qu'Untel s'appelle comme ceci ou comme cela, parce que l'un est noir et l'autre blanc, à cause des maudites couleurs. […]

Medo_Lee écrit [9] :

[…] Protéger les droits des animaux et prendre soin d'eux est une caractéristique des sociétés occidentales, démocratiques, civilisées et prospères et nous sommes tellement loin de ce stade.

L'être humain est le pire des animaux, et ce qui nous arrive en est la preuve. […]

Le blogueur Mafa est de l'avis opposé. Il a publié [10] un bref billet intitulé “La violence contre les animaux est justifiée”:

Regardez ce que ces petits monstres [les chiens] ont fait à un jeune homme… L'un d'eux lui a arraché la jambe. Ce jeune homme ne pourra plus jamais marcher, et encore moins jouer au foot [11] :( Il n'a pas assez d'argent pour se payer une PlayStation, alors sa vie est pour le moins détruite. Pourquoi ce chien a-t-il fait de lui un infirme ? Pourquoi ? Comment ce chien a-t-il pu être aussi cruel :( si l'homme avait eu un pit-bull, comme Kemal, sûr qu'il n'aurait pas eu cette malchance. :(

La Croatie a presque le même problème que la Serbie et la Bosnie-Herzégovine.

Le 4 mars de cette année, le quotidien Jutarnji List a publié [12] une enquête sur la violence brutale contre des chiens et des chats dans les villes de Vinkovci et Vukovar :

Les journaux regorgent souvent d'articles sur les mauvais traitement aux animaux. A chaque fois les gens sont choqués par la brutalité de la violence. Aussi les habitants de Vinkovci ont-ils été outrés lorsque un chien a été trouvé mercredi au centre de la ville, grièvement brûlé au museau, à la tête et au dos. Il avait un épais anneau de fil de fer noué autour du cou. […]

[…] Quelques jours auparavant, l'association “dr Ivan Rostas” attirait l'attention sur un cas de mauvais traitement animal, cette fois, contre des chats à Vukovar. Ils avaient reçu une information dérangeante de Vukovar sur des chats brutalement torturés par un groupe d'enfants et de plusieurs adultes des immeubles voisins. Ils ont aussi publié des photos d'un chat à l'oeil arraché et d'un autre chat à la queue coupée. Les malheureux animaux avaient aussi été victimes de jets de pierre et de frondes.

Les amis des animaux et les cyber-activistes de Croatie ont créé, eux aussi, des groupes Facebook, auxquels ils invitent à se joindre pour protéger les animaux.

Ce qui est navrant, c'est qu'il existe dans tous ces pays des lois pour la protection des animaux, mais, malheureusement, dans la pratique, elles ne sont pas appliquées.