L’année 2010 est une année particulière pour l’Afrique, et pas seulement parce qu’un pays africain accueille une Coupe du Monde de football pour la première fois. Cette année, six pays francophones devraient organiser des élections présidentielles [en français] et pas moins de 17 pays célèbrent l’anniversaire des 50 ans d’indépendance : 14 d’entre eux sont d’anciennes colonies françaises, deux étaient sous domination britannique et un sous domination belge, la République Démocratique du Congo (RDC). Mais dans ce pays, les célébrations du 30 juin prennent une tournure incertaine puisque le meurtre du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya suscite bien des inquiétudes.
Le directeur de l’association de défense des droits humains La Voie des Sans Voix, Floribert Chebeya, a été retrouvé mort le 2 juin, de circonstances non élucidées. Selon Amnesty International, le 1er juin, Chebeya devait rendre visite au Général John Numbi, l’inspecteur général de la police. Il a envoyé un SMS à sa femme pour la prévenir qu’il était au poste de police et qu’il attendait de rencontrer le général. Quelques heures plus tard, il a envoyé un autre message pour dire qu’il s’arrêterait rapidement à l’Université avant de rentrer chez lui ; ce fut son dernier message. Le jour suivant, des passants ont découvert son corps sur le siège arrière de sa voiture dans la banlieue de Kinshasa. Son chauffeur avait disparu et son corps ne présentait pas de blessures visibles ou d'impacts de balles, même si des traces de sang ont été trouvées dans ses orifices.
Durant ces trois dernières semaines, la mort de Chebeya a servi de catalyseur pour révéler la situation interne de la RDC. L’enquête sur son meurtre met en lumière les dénonciations continuelles des meurtres, viols [en anglais] et autres atteintes aux droits humains, la plupart de ces crimes étant motivés par le conflit autour des richesses minérales du pays, qui touche également d’autres pays africains francophones.
La famille de Floribert Chebeya voulait organiser ses funérailles le 30 juin 2010 exactement, en signe de protestation, mais suite aux pressions exercées par le gouvernement et les diplomates, sa famille a par la suite accepté d’avancer la date au 26 juin.
Militant pour la défense des droits humains depuis le début des années 90, Floribert Chebaya a été honoré par des organisations internationales et par des protestations publiques dans le monde entier. Le 8 juin, une lettre ouverte [en anglais] signée par plus de 50 organisations internationales a été adressée au Président Joseph Kabila, le pressant ainsi que son administration de mettre en place une enquête indépendante pour faire la lumière sur la mort de Floribert Chebaya. La diaspora congolaise de Bruxelles a organisé une manifestation devant l’ambassade de la RDC :
Vidéo de la manifestation pour Floribert Chebaya à Bruxelles
Les auteurs du blog Friends of Congo (amis du Congo) ont publié le 24 juin un article qui recense les dernières nouvelles sur cette affaire et déclarent :
Nous sommes outrés par la disparition de Floribert Chebeya, un ardent défenseur des droits humains et de la justice au Congo. Des pistes montrent que le régime répressif de Kabila cherche de plus en plus à museler le peuple afin de se maintenir au pouvoir par tous les moyens.
L’année dernière, l’ONG Human Rights Watch avait mis en ligne sur Youtube une vidéo très critique sur la situation sur le terrain en RDC :
La démocratie au Congo, par Human Rights Watch
En février 2010, Amnesty International avait publié un article sur la persécution, les menaces et l'arrestation illégale des militants des droits humains en RDC. L'article citait Floribert Chebeya, alors victime de menaces, d’arrestation et d'incarcération arbitraire.
Pour la diaspora congolaise de Bruxelles, le 30 juin 2010 est synonyme de jour de protestation. Depuis mars 2010, différents groupes tentent d’organiser un rassemblement qui devrait se dérouler dans les rues de la capitale belge pour finir devant l’ambassade de la RDC, pour en faire une manifestation de grande envergure. Ils appelleront cette manifestation la « No Kabila Day » (« La journée sans Kabila »), ce qui semble être un message clair pour le Président Kabila et son administration. Les organisateurs comptent maintenant sur la diaspora congolaise de Lausanne (Suisse) et de Londres (Royaume-Uni) pour organiser des événements similaires le même jour.
Une des leaders de la mobilisation de Bruxelles définit l’objectif des manifestations sur son blog :
Nous voulons protester contre le régime dictatorial, génocidaire, terroriste de Joseph Kabila et organiseront jusqu'à son départ, chaque 30 juin, jour anniversaire de l'Indépendance du Congo, un NO KABILA DAY pour rappeler à l'opinion publique mondiale la dangerosité que représente ce dictateur pour la Population Congolaise mais également pour les populations d'Afrique Centrale et du monde. Nous espérons rassembler plus d'un million de personnes à travers le monde.
Le blogueur Jason Stearns de Congo Siasa, a publié ce texte le 9 juin :
Alors qu’est-ce qui a changé depuis le meurtre de Chebaya ? Il est trop tôt pour le dire, mais cela arrive à un moment délicat, seulement quelques semaines avant les célébrations de la fête nationale et la décision du FMI sur la dette congolaise. De plus, cela peut ouvrir une brèche dans le cercle des intimes de Kabila si John Numbi, inspecteur général de la police, est poursuivi pour meurtre.
Face à cet engrenage d'événements liés entre eux, et à seulement quelques jours du 30 juin, l’utilisateur de Twitter Kambale espère que Floribert Chebeya ne sera pas rapidement oublié par les Congolais et nous rappelle :
Il est incroyable que les Congolais aient oublié Floribert Chebeya si rapidement et qu’ils soient retournés regarder la Coupe du Monde. La liberté ne se donne pas, elle se gagne !