Venezuela : utilisateurs de Twitter, blogueurs et membres de forums, tous dans l’œil de la justice

Ce texte a été publié sur notre site Advocacy en anglais par Marianne Diaz

La déjà longue histoire d’interventionnisme de l'état vénézuélien dans la gestion des banques [en anglais], a engendré, sans surprise, beaucoup de spéculations sur les éventuelles futures institutions bancaires appelées à subir « l’intervention » de l’Etat. La Banque Fédérale, saisie la semaine dernière, est la douzième banque dont l’Etat a pris le contrôle depuis novembre 2009.

Voici une semaine, le vice-président vénézuélien, Elias Jaua, déclarait que le président Hugo Chavez avait ordonné au Ministère de l’Intérieur et de la Justice de mener une enquête minutieuse et systématique visant à identifier les sources de ces rumeurs sur l’instabilité des banques privées. Elias Jaua a affirmé que cette génération de rumeurs est « un crime passible de 9 à 11 années de prison » et a prévenu que toute personne participant à des « forums en ligne devenus des centres de conspirations politiques » sera punie. Le Ministre de l’Intérieur et de la Justice, Tarek El Aissami, affirmait de son côté : « Nous sommes sur la piste de ces personnes responsables de manipulations et de terrorisme ».

Le président de l’Association des Banques du Venezuela, Juan Carlos Escotet, a soutenu cette mesure et a prévenu que les réseaux sociaux en ligne « ne pouvaient en aucune manière, répandre des rumeurs, expressément considérées comme des crimes, contre la législation bancaire ». Il a par ailleurs ajouté que ceux qui sont à l’origine de pareilles informations « quel que soit le support, Twitter, SMS, ou n’importe quel autre média », serait considéré comme un criminel. La loi sur la législation bancaire, mentionnée ci-dessus, stipule que :

Artículo 448.Las personas naturales o jurídicas que difundan noticias falsas o empleen otros medios fraudulentos capaces de causar distorsiones al sistema bancario nacional que afecten las condiciones económicas del país, serán penados con prisión de nueve (9) a once (11) años.

Art. 448. Toute personne physique ou juridique qui répand de fausses informations ou use de toute autre méthode frauduleuse susceptible de porter atteinte au système bancaire national et par ricochet, d’affecter la situation économique du pays, sera passible de 9 à 11 ans de prison.

Même s'il est évident que tout droit comporte en pendant des devoirs,  plusieurs internautes ont manifesté leur désaccord suite à cette annonce, surtout à cause des conséquences sur les comportements en ligne que génèrera la peur. Nous devons rappeler que les précédentes menaces de Chavez [en espagnol] contre les blogueurs qui publiaient des informations sur le marché noir du dollar au Venezuela, avaient conduit à « l’auto fermeture » des blogs les plus populaires du pays traitant de ce sujet.

Toutefois, la Twittosphère vénézuélienne est très remontée contre cette mesure.


Maintenant, il sera interdit de répandre des rumeurs sur les banques sur #Twitter. Mais où sont donc les enquêtes sur les rumeurs que #Chavez a lui-même répandu ? #Venezuela.

Au Venezuela, quiconque lance une rumeur sur les banques peut être plus vite emprisonné qu’un meurtrier qui se rend ou un voleur. #insolituniverse.

Apparemment, ce n’est pas tant la loi en elle-même qui agace les utilisateurs de Twitter et les blogueurs, mais la supposée exagération du gouvernement pour ce qui est de la panoplie des sanctions à appliquer et sa propension à juger plus important le comportement en ligne des citoyens que des sujets telles que la famine, la pauvreté et l’insécurité. Noticiero Digital a déjà mis en place des politiques pour suspendre de son forum des utilisateurs qui feraient allusion aux affaires bancaires [en espagnol].

Mais ce n'est pas la première fois qu’une telle chose se produit dans le monde. L’an dernier, au Guatemala, un citoyen a été arrêté pour  “avoir provoqué une panique fiscale” et à Séoul, un blogueur a aussi été arrêté pour avoir répandu des rumeurs financières [liens en espagnol].

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