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Diaspora et développement dans le monde francophone

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Caraïbe, Cameroun, Haïti, Madagascar, Mali, Maroc, Sénégal, Développement, Education, Idées, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Relations internationales, Technologie

La diaspora des pays en développement est souvent citée par les spécialistes du développement comme un élément moteur de réduction de la pauvreté, et la zone francophone ne fait pas exception. De fait, deux conférences vont se tenir dans les prochains mois au Cameroun [1] et au Mali [2] sur le rôle des diasporas dans le soutien au développement dans leurs pays respectifs. Pour autant, les dispositifs actuellement proposés pour promouvoir une plus grande implication de la diaspora ne sont pas incontestés et nécessitent des canaux plus nombreux pour faciliter la collaboration entre tous les acteurs du développement (ONG locales, secteur privé, organisations internationales et gouvernements).
Farafina esquisse les objectifs de la conférence au Mali et comment est prévue la contribution de la diaspora au développement [2] dans ce pays :

Le Forum Tremplin propose de rencontrer sur leurs stands des entreprises et cabinet de recrutements du Mali, d'Afrique et de France dans les domaines de l'informatique, la banque-assurance, les
industries pour le compte d'entreprises (reconnues), en tout 200 emplois (seront disponibles)

[3]

La diaspora africaine originelle par WhiteAfrican- sous licence CC

Au Cameroun, la conférence qui se tiendra à Yaoundé du 11 au 13 août 2010 compte chercher l'inspiration auprès des diasporas [4]d'autres nations africaines :

Sous le thème, “La diaspora camerounaise, un véritable acteur du développement”, il sera question pour les participants, de chercher les voies et moyens pour amener la diaspora camerounaise à s’impliquer davantage dans le processus de développe­ment économique du pays. Pour le MECAM, « à l’instar des pays comme le Mali ou le Sénégal, où l’on sent une réelle implication de la diaspora dans le développement économique, la diaspora ca­merounaise qui apporte déjà beaucoup, le fera davantage dans un cadre réglemen­taire »

[5]

Carte des migrations mondiales nettes par WorldMapper.org – licence CC

Au Sénégal, Ferdinand Mayega est convaincu que, pour que la diaspora aide efficacement le pays, il est essentiel de se concentrer sur l'éducation [6] et l'échange intellectuel pour accroître le capital des connaissances et atteindre le point de bascule vers le développement :

Tout ce challenge doit se faire dans un environnement propice au progrès et aux débats d’idées en associant les universitaires et chercheurs vivant en Afrique. Il peut s’agir de créer des masses critiques, des regroupements ou des pôles d’excellence pour le décollage de l’Afrique.

Dans une présentation sur la gestion de la connaissance au Maroc, Othmane Bouhali fait ressortir qu'il y a des savoir-faire spécifiques en informatique distribuée et supra-conductivité [7] que la diaspora marocaine a acquises et qu'elle devrait proposer de partager bénévolement avec ceux restés au pays :

faire appel aux différentes compétences de la diaspora marocaine, pour accomplirdes missions, sur place et /ou à distance, en appui ou dans le cadre des programmes de développement de leur pays d’origine, sur la base du volontariat et d’un engagement déontologique.

Le rôle des organisations non-gouvernementales (ONG) de développement par lesquelles opèrent la plupart des diasporas a fait l'objet d'intenses débats en Haïti, d'autant plus que le pays est engagé dans le processus de reconstruction après le récent tremblement de terre cataclysmique [8]. Alice Baker relate une conférence récente, Cardicis, qui a proposé quelques pistes [9] sur le rôle des ONG :

Ils ont expliqué que les ONG plus importantes n'ont pas d'intérêt à impliquer le gouvernement haïtien ce qui nuit à Haïti et à sa population. Et surtitre : quelqu'un a suggéré que les ONG soient nationalisées pour les intégrer à un système dirigé par les pouvoirs publics. Le gouvernement pourrait alors coordonner et superviser l'effort de reconstruction tout en recouvrant un rôle central.

De même qu'à Haiti, Sipakv note que le rôle de la diaspora pour Madagascar a toujours été intensément débattu, du fait de sa taille relativement importante. Elle remarque aussi que, exactement comme la proposition pour Haïti, l'Union Africaine a proposé que les ONG puissent être représentées dans quelque catégorie de structure gouvernementale [10] :

Il paraitrait que la diaspora a bien un role a jouer, l’Union Africaine le dit dans son Report of the conferences of the Diaspora and African NGOs on the popularization of science and technology, disponible ici [11] :

“Providing human and technical resources;
Lobbying governments, institutions, and foundations to support the programs;
Being represented in government structures; (aha !)
Providing advice on policies and technical issues;
and Participating in networks to benefit communities and nations in the Diaspora”

[NdT : “Procurer les ressources humaines et techniques ;
Faire du lobbying auprès des gouvernements, institutions et fondations pour soutenir les programmes :
Etre représentées dans les structures de gouvernement ; (aha !)
Conseiller sur les programmes et les questions techniques :
et Participer aux réseaux en faveur des communautés et nations dans la Diaspora”]

…Assez controversee quand meme le fait de recommander a la diaspora d’etre integree dans les structures gouvernementales. Je n’ose meme pas penser aux implementations concretes d’une telle directive.

Il y a là quelques idées à creuser, dit Apolo Ndyabahika dans un billet intitulé “Ce dont l'Afrique a besoin” sur Project Diaspora [en anglais]. La condition pour que la diaspora puisse contribuer efficacement à l'investissement dans les projets au pays est que le pouvoir bâtisse les fondations d'une régulation législative solide [12] pour rassurer la diaspora et les autres investisseurs [en anglais] :

nos gouvernements se mettent à comprendre l'importance d'une bonne législation protégeant les investissements locaux et étrangers. Alors que les pays d'Afrique travaillent à attirer les investisseurs chez nous, ces derniers nous mettent au défi d'avoir des droits de propriété solides pour protéger leurs investissements. La Tanzanie est en train d'élaborer l'usage d'obligations d'investissement pour financer des projets d'infrastructure massive comme un chemin de fer de plusieurs milliards de dollars vers le Rwanda. Une limitation à cela et à d'autres investissements internationaux, c'est la faiblesse de leur législation.

L'idée controversée d'une plus grande intégration des ONG au travail de l'administration ne l'est pas tant que cela si on la compare aux réactions provoquées par la proposition de l'économiste Romer pour réduire la pauvreté dans le monde [13], publiée récemment dans the Atlantic journal.  La fragilité de la structure législative de certains pays en développement est aussi au centre de l'argument de Romer en faveur de la création dans ces pays de villes qui seraient sous administration d'entités étrangères pour leur donner un meilleur contrôle sur leurs investissements. Romer proposait la mise sur pied de tels projets à Madagascar avec la location de grandes superficies de terres agricoles à des entités étrangères [14], ce qui a pu jouer un rôle [13]dans la crise politique ultérieure [15] [en anglais] :

Romer a tenté de vendre sa ville sous charte, et Ravalomanana a répliqué qu'à son avis une seule ne suffirait peut-être pas ; si Romer pouvait identifier deux pays riches disposés à jouer le rôle d'administrateur, ce serait préférable de lancer deux expériences parallèles. [..] A peine un an après avoir démarré son entreprise, Romer était à deux doigts d'un coup extraordinaire: un pays de 20 millions d'habitants sur le point d'embrasser un schéma néo-médiéval, néo-colonial inédit dans l'histoire moderne du développement. Mais c'est alors une autre sorte de coup qui s'est produit—le genre de coup, malheureusement, qui souligne les obstacles au projet de Romer.

Teddy MS Ruge, fondateur de Project Diaspora [16], n'a guère apprécié l'idée de Romer et l'hypothèse trop répandue que les groupes étrangers sauront mieux comment développer un pays et superviser les talents locaux et la diaspora. Il s'enquiert sur twitter de la proposition de Romer et de la situation à Madagascar [17]:
[18]

@lrakoto comment évaluez-vous la capacité collective de la diaspora malgache à gérer, peupler et financer cette #villeàcharte ? idées bienvenues

La question de Ruge est certainement pertinente dans le débat sur la stratégie de réduction de la pauvreté dans l'ensemble du monde en développement et l'autonomisation de leurs citoyens. Il reste aussi à savoir pourquoi certaines régions sont restées à la traîne quant à l'exploitation du potentiel de leurs diasporas respectives pour stimuler le développement.