Nouveaux cas de censure à Singapour

En l'espace d'un mois, les autorités singapouriennes ont provoqué de vives protestations en interdisant un film sur un ancien prisonnier politique et en arrêtant un journaliste britannique, auteur d'un livre sur la peine de mort à Singapour.

Capture d'écran provenant du site internet The Online Citizen.

Le 12 juillet 2010, le Media Development Authority (MDA), l'organe de régulation des médias, a annoncé sa décision d'interdire un film à Singapour (devant être diffusé à partir du 14 juillet) montrant le Dr Lim Hock Siew parlant publiquement  de sa détention, subie en vertu de la loi de sécurité intérieure (Internal Security Act). Le film a été tourné par le réalisateur Martyn Seen [an anglais comme l'ensemble des liens du billet], auquel il a également été demandé de retirer la vidéo de la plateforme YouTube. On peut lire la transcription du film sur le site internet The Online Citizen.

Le blogueur singapourien Lucky Tan a lancé un appel pour que la vérité soit connue :

En gros, ce que dit le Mica (Ministère de l'information, de la communication et des arts), c'est qu'ils ont interdit ce film car ils veulent que seule la vérité soit divulguée et que ce film contiendrait moult erreurs, mensonges et déformations des faits. Le Dr Lim Hock Siew a été emprisonné 20 ans sans procès. Pendant cette période, le parti au pouvoir, le PAP (Parti de l'Action du peuple), a eu tout le temps de produire des preuves et de proclamer la vérité de façon à ce que nous puissions tous constater quel formidable travail le département de la Sécurité intérieure (ISD) a accompli afin de nous protéger des esprits malfaisants. Nous attendons toujours.

Le journaliste britannique Alan Shadrake. Photo prise par Jacob George.

Le 18 juillet dernier, le journaliste britannique Alan Shadrake a été arrêté dans son hôtel par la police singapourienne pour “ diffamation criminelle ”, au lendemain de la sortie de son livre Once a Jolly Hangman: Singapore Justice in the Dock (Il était une fois un joyeux bourreau : la justice singapourienne sur le banc des accusés). Son livre a également été retiré des rayons des librairies les plus importantes de Singapour.

Il a été emprisonné pendant deux jours durant lesquels Amnesty International et Reporters Sans Frontières ont appelé à sa libération.

Le blog socio-politique singapourien The Online Citizen s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles Alan Shadrake avait été accusé de “diffamation criminelle” :

Le livre d'Alan Shadrake, Once a Jolly Hangman, est une lecture difficile. Le livre a dû mettre nos dirigeants bien mal à l'aise pour qu'ils fassent arrêter Monsieur Shadrake pour diffamation criminelle, sévère et très rare motif d'inculpation.

L'auteur du blog singapourien Chemical Generation Singapore écrit :

L'arrestation de Shadrake montre que toute la question n'est pas tant celle de la peine de mort mais plutôt des limites que nous imposons à une éventuelle intervention étrangère. Je suis d'accord avec l'idée de sévir contre les hommes politiques locaux bénéficiant de moyens financiers et logistiques étrangers. Mais s'acharner sur un étranger lors de la sortie d'un de ses livres, à moins que cet étranger ait l'impertinence d'un Oliver Fricker, et ne s'en vante, c'est d'après moi un peu trop exagéré. Ou alors, il s'agit d'autre chose que de ce qu'il y paraît.

Le militant politique Chee Siok Chin a accusé le gouvernement d'avoir des “ choses à cacher ” :

A présent, quel régime autoritaire voudrait voir ses “ sales petits secrets ” étalés au grand jour dans un livre ?

La même idée s'applique au discours du Dr Lim Hock Siew, qui a été mis en ligne sur YouTube par Martyn See. Bien évidemment, Martyn a dû obtempérer à la demande du MDA réclamant le retrait du film de la Toile. Après tout, Mr Lim parlait de ses 19 années de détention illégale, prononcées sans procès par l'ISD.

Une nouvelle fois, quel régime oppressif voudrait voir la vérité sur sa manière d'asseoir son pouvoir dévoilée en long et en large dans un vidéoclip pouvant être visionné par tout le monde ?

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