- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Brésil : la blogosphère censurée à l'approche de l'élection présidentielle

Catégories: Amérique latine, Brésil, Cyber-activisme, Droits humains, Élections, Liberté d'expression, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Technologie
[1]

Dîtes non à la censure des blogs

La blogosphère brésilienne a été ébranlée le 17 juin par une censure flagrante du blog Os Amigos do Presidente Lula [2] [Les amis du Président Lula, en portugais, comme tous les liens] provenant du Ministère Public Électoral (MPE), qui a demandé au Tribunal Supérieur Électoral (TSE) de fermer le blog suite à la publication d'un rapport public considéré comme “offensant” pour le candidat de l'opposition à la présidentielle José Serra [3].

Le blogueur Brizola Neto donne [4] plus d'informations et fait connaitre son indignation:

O Ministério Público Eleitoral passou de todos os limites em matéria de arbitrariedade e parcialidade em sua atuação neste período de pré-campanha eleitoral. Segundo o Tribunal Superior Eleitoral [5], a Procuradoria Eleitoral pediu a retirada do ar do blog “Amigos do Presidente Lula” pelo fato deste noticiar que um relatório da união de bancos suíços considera significativa possibilidade de Dilma Rousseff ganhar eleição no primeiro turno em “razão do desejo do eleitor de manter as coisas como estão e do fato de ela ser associada como candidata da continuidade”.

Ora, a mesma informação foi publicada pelo jornal O Estado de S. Paulo [6] no dia 4 de Junho deste ano. E foi publicada porque é notícia. E se é notícia, não deve ser escondida das pessoas. E muito menos o MPE tem o direito de escolher que este site tem o direito a publicá-la e aquele outro não tem.

A atitude do Ministério Público Eleitoral é discricionária, mesmo na alegação de que há críticas a Serra.

Le Ministère Public Électoral (MPE) a dépassé toutes les limites en matière d'arbitraire et de partialité dans ses décisions au cours de cette période de pré-campagne électorale. Selon le Tribunal Supérieur Électoral (TSE), le procureur électoral a demandé la fermeture du blog “Os Amigos do Presidente Lula” pour la simple raison qu'il évoquait un rapport de l'Union des Banques Suisse considérant comme importante la probabilité que l'élection soit remportée dès le premier tour par Dilma Rousseff (NdT: la candidate “adoubée” par Lula), en “raison du désir de l'électeur (brésilien) de maintenir les choses en l'état, et parce qu'elle est considérée comme la candidate de la continuité”.

Pourtant, la même information a été publiée par le journal O Estado de São Paulo le 4 juin de cette année. Elle a été publiée parce que c'est une information. Et si c'est une information, elle ne doit pas être cachée aux lecteurs. Et le MPE dispose encore moins du droit de décider si tel site a l'autorisation de la publier et tel autre non.

L'attitude du Ministère Public Électoral est autoritaire, même sous ce prétexte, qu'il y voit une critique envers Serra.

La censure, dans la blogosphère brésilienne, est un sujet extrêmement sensible. Entre 1964 et 1985 le Brésil vivait sous le joug d'une dictature militaire brutale où la censure était légale et les opinions personnelles (NdT: divergentes) punies de prison, de torture, et parfois de mort.

Et comme l'élection présidentielle se rapproche, l'étau se resserre. Avec la controversée nouvelle réforme électorale établie par le Senator Azeredo [7] (PSDB), les blogueurs sont désormais très surveillés et voient se restreindre leur liberté d'analyses sur les positions des différents candidats (Global Voices a récemment publié un article sur le sujet, se demandant si un Internet libre avait réellement émergé sur la scène électorale au Brésil [8]). Cette entreprise de contrôle des blogs au Brésil a été dénommé “AI5Digital“, en référence à l’Acte Institutionnel Numéro 5 [9] (AI5), crée par la junte militaire brésilienne en 1968, qui instituait officiellement la censure opérée par cet état policier (parmi d'autres décisions à effet immédiat).

Certains blogueurs ont été censurés par le passé, du fait de leurs opinions ou de leurs prises de positions contre des médias traditionnels, comme Antonio Arles (@aarles), censuré [10] fin 2009, ou encore celui de Carlinhos Medeiros, censuré pour avoir critiqué les tendancieuses opinions [11] d'un journaliste compromis, toujours fin 2009.

En ce qui concerne le cas de la censure de Os Amigos do Presidente Lula , Antônio Arles (@Aarles [12]) appelle à une “large, universelle et illimitée” liberté numérique. Il affirme sa position sur Twitter :

ABSURDO!!! Mais um blog ameaçado: http://miud.in/6Tq [13] #censranuncamais [14]
Enfim, tem gente realmente incomodada com a livre manifestação do pensamento por “cidadãos comuns” na Rede

ABSURDE!!! Encore un blog menacé: http://miud.in/6Tq [13] #censorshipnevermore [14]
Finalement, il y a des gens qui sont incommodés par la libre expression de la pensée des “citoyens ordinaires” sur le net.

[15]

Luiz Carlos Azenha, du blog Vi o Mundo [J'ai vu le monde] va plus loin et affirme [16] que le TSE ne comprend rien à la  blogosphère. Selon Azenha, le TSE ne connait pas ses propres prérogatives et le prouve en estimant que les blogs hébergés à l'étranger sont sous sa juridiction:

O Tribunal Superior Eleitoral quer controlar a blogosfera. O tribunal entende (entende?) que pode determinar o que é ou não é campanha antecipada na blogosfera.

O erro do TSE está em acreditar que a blogosfera pode ser engarrafada, sob o comando de Brasília. Sugiro aos blogueiros que se sentirem prejudicados — sejam do PT, do PSDB ou do PCdoB — que estabeleçam seus blogs em Santa Cruz de La Sierra, Bogotá ou Miami.

Será que o TSE tem jurisdição lá?

Le Tribunal Supérieur Électoral veut contrôler la blogosphère. Le Tribunal comprend (comprend?) qu'il peut déterminer ce qui est, ou ce qui n'est pas, une campagne électorale anticipée sur la blogosphère.

L'erreur du TSE est de croire que la blogosphère peut être mise sous cloche, aux ordres de Brasilia. Je suggère aux blogueurs qui se sentent contrôlés – qu'il soit du PT, du PSDB ou du PCdoB  (Parti des Travailleurs, Parti SocialDémocrate du Brésil, Parti Communiste du Brésil) – qu'ils fassent héberger leurs blogs à Santa Cruz de la Sierra, à Bogota ou à Miami.

Est-ce que la juridiction du TSE va jusqu'à là ?

En réponse, Antônio Arles concorde [17] :

@Aarles [17]: @emerluis [18]: É fácil censurar blogs do blogspot. Google tem escritório no BR. WP ou outros
TSE teria q recorrer a JUS d país de origem

Il est si facile de censurer les blogs de Blogspot. Google dispose de bureaux au Brésil. Pour WordPress ou d'autres plateforme de blgs, il faut recourir à la justice du pays d'origine.

Dans le cas présent, la censure contre les blogs, les Amigos do Presidente Lula eux-mêmes expliquent ce qui s'est passé [19] dans ce billet et, dans cet autre, ils expriment la révolte [20] que leur inspire cette affaire.

Sur Twitter, nombreux sont les usagers à soutenir le blog, comme @BetoMafra [21], @Dolphindiluna [22], @Stalney Burburinho [23], @emerluis [24], @luciaorphan [25], @Katytasv [26], @samaronegomes [27], @MVTVCOM [28] et tant d'autres.

[29]

Le Blog de Dilma

Dans une situation analogue, un autre blog soutient aussi la candidature de Dilma, pour succéder à Lula. Il s'agit du Blog da Dilma [le Blog de Dilma], qui est accusé [30] d'encenser la candidate et de lever des fonds pour sa campagne, ce à quoi le blog répond de manière on ne peut plus claire dans la page d'accueil [29] que l'éditeur est le seul responsable du contenu du blog et qu'ils n'ont de lien avec aucun des partis politiques en présence.

La blogosphère et la twittersphère ont aussitôt commencé à s'organiser pour lutter contre ce qu'elles considèrent comme une censure absurde de la part du tribunal électoral, et elles le font toutes deux dans des billets rejetant directement [31] la censure ou bien défendant clairement [32] la candidate bravant ainsi l'autorité de la cour et du procureur.

Brizola Neto, ne considère même pas la question comme un “challenge”, il estime que c'est un droit [4] :

Agir em nome da lei é proteger os direitos do povo; agir contra o direito de qualquer cidadão de manifestar sua opinião, sua preferência, inclusive eleitoral, é agir contra os direitos do povo.

Agir au nom de la loi c'est protéger les droits du peuple, agir contre le droit de n'importe quel citoyen à exprimer son opinion, sa préférence, même si celle-ci est électorale, c'est agir contre les droits du peuple.

Des mouvements contre la censure et une chaine de solidarité pour la protection de la blogosphère [33] ont été lancé de par le web, tels que les blogs Mega Não [34] [Mega Non] et Xô Censura [35] [Hou! la censure]. Marcelo Branco donne une suggestion qui incite à l'action :

@MarceloBranco [36]: Blogueir@s e tuiteir@s, que tal organizarmos um flashmob pela liberdade de expressao na rede?

@MarceloBranco: Blogueurs and Twittereurs, pourquoi ne pas organiser une flashmob [37] pour la liberté d'expression en ligne ?
[38]

Censure plus jamais

La version anglaise de cet article  a été éditée par Manuela Tenreiro [39].