Au rang des cinq législations les plus strictes au monde [1] sur l'accès à l'information et aux produits culturels pour les oeuvres protégées [en portugais], la loi brésilienne sur le droit d'auteur (Loi 9.610/98 [2], en anglais) est en passe d'être réformée. Une consultation publique [3] [en portugais] a été ouverte jusqu'au 31 août [4], suite à une extension de la période initiale de 45 jours, ceci pour permettre une plus large participation [en anglais]. Plus de 1200 contributions sur les changements proposés, qui ont déclenché d'intenses débats dans la blogosphère [5] et la twittersphère [6], ont été soumises depuis le 14 juin. Le blog Direito do Povo [7] [en portugais, comme les liens suivants sauf mention contraire] (Le Droit du Peuple) résume la discussion:
“A discussão sobre as aplicações da LDA é sempre complexa. De um lado, os autores e o respeito às suas obras. De outro, o direito de acesso à cultura e ainda os mecanismos que movem a economia e a indústria fonográfica.
Le débat sur les application de la loi sur le droit d'auteur est toujours complexe. D'un côté, les auteurs et le respect de leurs œuvres. De l'autre, le droit d'accès à la culture ainsi que les mécanismes qui régissent l'économie et l'industrie phonographique.”
Il y a d'importantes questions au premier plan des changements proposés, tels que la cession des droits ; le droit à la copie privée ; la permission de photocopier les livres dont les éditions sont épuisées ; le droit d'usage équitable de films et musiques dans le cadre scolaire, en tant que matériel didactique ; les autorisations rémunérées et le rôle de l'administration ; le service de recouvrement et les droits collectifs ; et, enfin, la possibilité d'un accès hors-ligne pour scanner des fichiers d'institutions culturelles, entre autres questions.
Les sujets les plus populaires, en discussion sur le web, sont les difficultés d'accès du public aux informations culturelles, la liberté de l'auteur sur son travail et les profits excessifs des intermédiaires du secteur. En ce qui concerne les défauts de la loi en vigueur, une chercheuse du Centre pour la technologie et la société à la Fondation Getulio Vargas, Marilia Maciel, déclare dans une interview pour Nós da Comunicação [8] :
“O atual modelo de proteção de direito autoral privilegia muito mais o intermediário, seja editora ou gravadora, do que o artista propriamente dito. É preciso que se retome o foco no artista e que se estabeleçam limitações e exceções que possam trazer um equilíbrio de volta, dos interesses do artista e da sociedade em obter acesso ao conhecimento e às obras intelectuais.”
La culture de la liberté de partage des contenus et de l'accès à l'information est souvent perçue comme du piratage au Brésil. Leonardo Brant, du blog Cultura e Mercado (Culture et Marché) publie l'image ci-dessus et se demande ce qu'est réellement le piratage [9] :
“O que é pirataria? Quem são os verdadeiros usurpadores do conhecimento alheio? Quem a pirataria beneficia? E quem atinge? Podemos considerar piratas crianças e jovens que compartilham arquivos, se apropriando do conhecimento gerado por nossa civilização? Quem é o autor de uma obra remixada? Existe obra 100% original? Como sobreviverá o artista diante da proliferação da dita “pirataria”? E a indústria cultural, é necessária numa época de compartilhamento de dados pier-to-pier?”
Le blog Hackeando Aibo [10] souligne une incompatibilité entre la nouvelle loi, la technologie existante et la conjoncture d'échange d'information en ligne:
“Ao disponibilizar conteúdo na rede o seu criado também não será prejudicado? Sim e Não. Na verdade é uma via de duas mãos. Se formos pensar pelo lado da desconstrução sim. Mas se formos pela construção a rede é uma nova plataforma com diversas maneiras de ser utilizada sem contar no seu potencial de divulgação, o maior do mundo sem sombra de dúvida. As possibilidades são muito maiores que as dificuldades na relação criador/ Internet. É é exatamente em cima delas que se deve trabalhar. O compartilhamento de informações na rede é um fato que já está dado e defender agora o copyright de 70 anos como as indústrias tem feito é continuar obsoleto frente a uma realidade.”
Même si la musique semble être aux premières loges du débat sur les droits d'auteurs, la question est plus profonde. Les changements proposés ont le mérite principal de résoudre d'importantes questions telles que celles du droit d'accès des citoyens à la culture. Le blog “Cineclube: Apontamentos” [11] (Cinéclub: notes) met l'accent sur l'importance de la nouvelle loi pour une meilleure circulation de la production culturelle:
“A trajetória política desse anteprojeto de lei vai ser das mais momentosas, justamente pela importância central que tem no processo de apropriação e circulação da produção cultural que, por sua vez, são cada vez mais importantes para a preservação ou para a transformação das relações de poder na sociedade mundial.”
L'un des points les plus discutés de la loi actuelle est l'absence de transparence dans la collecte des droits. Le rôle de l'ECAD, (Agent central de collecte et distribution des droits), organe régulateur contesté des droits d'auteur dans la musique, est par exemple l'un des plus débattu et a même été la cible d'une enquête pour entente illégale [12] suite à une dénonciation pour fixation de droits inconsidérés et abusifs :
“A Lei do Direito Autoral confere ao Ecad o monopólio para arrecadação e distribuição dos valores relativos à execução pública dos direitos autorais. Os titulares dos direitos autorais podem fixar os valores para a execução pública de suas obras individualmente ou por meio de associações. No modelo vigente hoje, as associações fixam os valores dos direitos em conjunto, e não de forma individual. Segundo o ministério, o modelo de gestão coletiva dos direitos autorais conferiu ao Ecad o monopólio legal sobre as atividades de arrecadação e distribuição de valores, mas não sobre a atividade de fixação desses valores.
La loi sur le droit d'auteur confère à l'Ecad le monopole de la collecte et de la distribution des valeurs relatives à l'exécution publique des droits d'auteur. Les titulaires des droits d'auteur peuvent fixer les valeurs pour l'exécution publique de leurs œuvres individuellement ou par le biais d'associations. Dans le modèle en vigueur aujourd'hui, les associations fixent ensemble, et pas individuellement, les valeurs des droits. Selon le ministère, le modèle de gestion collective des droits d'auteurs a donné à l'ECAD le monopole légal sur les activités de collecte et de distribution des valeurs, mais pas sur l'activité de fixation de ces valeurs.
Les artistes eux-mêmes se joignent au débat. Dans cette vidéo [13] , le compositeur Tim Rescala se demande comment une association censée protéger les artistes peut avoir plus de 7000 procès sur le dos pour irrégularités dans la collecte des droits de ceux-là mêmes qu'elle représente. Pourtant, certains pensent que le problème ne vient pas de l'ECAD, mais bien du manque de surveillance de la part de l'Etat, comme le producteur Nelson Motta [14] le dit dans cette lettre ouverte à Rescala [15] [pt]:
O Ecad, como qualquer empresa, deve ser fiscalizado pelo Estado, que lhe cobra impostos, e pelo cumprimento de leis trabalhistas, comerciais e empresariais. Não é preciso lei nenhuma para isto, é uma empresa que presta serviços, ganha dinheiro e paga impostos.
Pendant ce temps-là, des initiatives socio-culturelles indépendantes se voient obligées de fermer leurs portes en raison de la taxe élevée appliquée sur les droits d'auteur par l'ECAD, comme relaté sur le blog d’Ação da Cidadania [16] (Action Citoyenne), par exemple, à propos des projections sans fins lucratives pour les jeunes, programmées dans son cinéclub créé grâce aux deniers de l'Etat, qui devront être annulées.
Bien que le débat sur la nouvelle loi se poursuive, un récent article d'ARS Technica suggère que les États Unis ont beaucoup à apprendre [17] en ce qui concerne la décision brésilienne de punir quiconque “entrave ou empêche” l'usage équitable (fair use) des œuvres tombées dans le domaine public [en anglais] :
La proposition brésilienne peut être perçue comme hostile par les détenteurs de droits, mais ce n'est pas aussi simple que cela. La loi prévoit une protection des DRM (gestion des droits numériques) ; il est, en général, illégal de supprimer, modifier, ignorer ou altérer la technologie anti copie. Le point important est que les détenteurs de droits ne peuvent utiliser les DRM comme une serrure digitale dans le but d'avoir plus de contrôle sur leurs oeuvres que ne leur en confère la loi.
Le professeur canadien Michael Geist, qui souligne le caractère adéquat de la réforme anti-contrefaçon introduite par le législateur brésilien, la caractérise [18] [en anglais] comme une approche protectrice du droit d'auteur justement équilibrée, qui ne tombe pas dans le piège du “plus il y en a meilleur c'est”. En d'autres termes, les propositions brésiliennes reconnaissent ce que le Tribunal Suprême du Canada a déclaré il y a quelques années, que l'excès de protection est aussi préjudiciable que son insuffisance.”
Même avec l'apparent soutien international à la réforme proposée de la loi brésilienne, il faudrait envisager de prêter plus d'attention au manque de dialogue du pays avec les instances internationales concernées, comme le souligne [8] Marilia Maciel :
“Os tratados internacionais que o Brasil assina permitem que os países signatários incluam nas suas legislações nacionais limitações e exceções para uso educacional das obras intelectuais, para facilitar o acesso das obras aos deficientes, para se digitalizar os acervos de bibliotecas, por exemplo. Isso a nossa atual lei de direito autoral não permite. O Brasil tem padrões tão rígidos de proteção à propriedade intelectual que sequer reconhece as limitações e exceções que são facultadas pelos tratados internacionais. Eu acho que seria uma mudança bastante importante, que traria um equilíbrio muito maior entre interesses conflitantes.
Les traités internationaux que le Brésil signe permettent aux pays signataires d'inclure dans leurs législations nationales des limitations et des exceptions pour l'usage didactique des œuvres intellectuelles, pour faciliter l'accès aux handicapés, pour numériser les fonds des bibliothèques, par exemple. Cela, notre loi actuelle ne le permet pas. Le Brésil s'est doté de modèles de protection de la propriété intellectuelle tellement rigides qu'il ne reconnait même pas les limitations et les exceptions rendues possibles par les traités internationaux. Je crois que ce serait un changement si important, qu'il apporterait un équilibre beaucoup plus grand entre des intérêts conflictuels.
À la fin de la consultation publique, le texte sera réécrit en prenant pour base les propositions faites par le public. Aucun délai n'a été fixé pour la présentation par l'exécutif du projet au Congrès.