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Colombie : Les réactions affluent toujours après la révélation de l'existence du charnier de La Macarena

Catégories: Amérique latine, Colombie, Droits humains, Guerre/Conflit, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique

En début d'année, le quotidien de langue espagnole basé à Miami El Nuevo Herald [1] [ tous les liens cités sont en espagnol sauf mention contraire] révélait [2]la découverte [2] [en anglais] d'un charnier [3] [en français], contenant plus de 2000 cadavres non identifiés, à La Macarena [4] [en anglais], bourgade de la région de  Meta [5][en français] située à environ  280 km au sud de Bogota [6] [en français]. Il s'agirait de victimes de combats avec l'armée, qui aurait ensuite transporté leurs corps dans cet endroit. La fosse commune a très vite pris le nom de La Macarena du fait de sa localisation.

En Colombie, la découverte a été rendue publique le 11 décembre 2009 par le journal El Espectador [7]. Cependant, l'agence de presse espagnole EFE [8] [en français] avait publié un article sur le sujet en février de la même année, lequel avait été largement ignoré par les grands médias colombiens [9]. La presse internationale a elle aussi fini par rapporter l'histoire ; le quotidien espagnol de centre-gauche Público [10] s'est fait l'écho sur son site internet des premiers articles et Constanza Vieira a écrit un long et troublant article pour l'agence de presse IPS [11]. Bien que l'histoire a été révélée il y a plusieurs mois, les réactions à la découverte de ce charnier et à ses implications continuent d'affluer sur Internet par le biais de blogs et de réseaux sociaux.

Sur Twitter, Javier Salazar (@F0405 [12]) invite à visionner une vidéo dans laquelle “ Alvaro Uribe critique les témoignages de familles de victimes trouvées dans les charniers. ” Ángela (@Angelaaqui [13]) emploie avec ironie l'expression “ continuer comme si de rien n'était ” en référence aux comportements observés devant l'existence du charnier et d'autres problèmes de sécurité en Colombie. De son côté, Edmundo Villaroel (@Evill24 [14]) écrit :

en Colombia lo podrido no es la comida son las persona, miles de muertos encontrados en fosas comunes pero nadie habla de La Macarena

En Colombie, ce n'est pas la nourriture qui est pourrie mais les gens, des milliers de cadavres ont été découvert dans une fosse commune mais personne ne parle de La Macarena.

En écho à la déception d'Edmundo, Diana évoque le rôle des médias dans un billet [15] écrit pour le blog Indymedia Colombia et intitulé Le plus grand charnier d'Amérique (dépasse [les charniers de] Pinochet [ancien dictateur chilien] :

Los medios masivos trabajan sin descanso para desviar la atención y presentar la noticia maquillada restándole importancia.

Les médias s'évertuent à détourner l'attention et présentent une version édulcorée de l'histoire qui a pour effet d'en minimiser l'importance.

Azalea Robles fait elle aussi allusion à la faible couverture médiatique des faits dans un billet [16] intitulé Le plus grand charnier d'Amérique latine, bien loin des médias, publié sur le site internet PCN Processo de Comunidades de Colombia [destiné aux communautés noires de Colombie] :

Fue gracias a la perseverancia de los familiares de desaparecidos y a la visita de una delegación de sindicalistas y parlamentarios británicos que investigaba la situación de derechos humanos en Colombia, en diciembre 2009, que se ha logrado destapar este horrendo crimen perpetrado por los agentes militares un Estado que les garantiza impunidad.

Grâce à la persévérance des familles des disparus et à la visite, en décembre 2009, d'une délégation de leaders syndicaux et de parlementaires britanniques enquêtant sur les droits de l'homme en Colombie, ce crime épouvantable, perpétré par des membres de l'armée dans un pays leur garantissant l'impunité, a pu être dévoilé.

Dessin de Tomáz Garzía, reproduit avec son accord. L'homme en rouge dit : "Regarde, William, une fosse commune." L'autre répond : "Oui… commune et ordinaire."

Sur le site communautaire Yahoo! Answers, l'internaute El Necio répond avec sévérité [17] à la question suivante : “ Que va-t-il advenir du plus grand charnier jamais découvert en Amérique latine ? ”

Deberían a esta FOSA COMÚN ponerle un nombre en homenaje a sus creadores: FOSA COMÚN ALVARO URIBE-MANUEL SANTOS.
Y esto no es broma, esta fosa se encuentra ubicada en una base militar. Fue denunciada hace meses con la asistencia de diputados europeos, pero en su momento no se le dio mayor cobertura mediática. Se supone que en ella se encuentran muchos de los “ falsos positivos ” otro de los engendros creados por la política militar de Santos-Uribe.

Ils devraient donner à cette fosse commune un nom rendant hommage à ses initiateurs : Fosse commune Alvaro Uribe-Manuel Santos [18] [en français]. [note : Manuel Santos était ministre de la Défense sous la présidence d'Uribe et est l'actuel président de la Colombie].
Et ce n'est pas une blague, cette fosse commune est située dans une zone militaire. Cela a été annoncé il y a des mois, en présence d'hommes politiques européens, mais sans susciter alors une vaste couverture médiatique. Il y aurait dans cette fosse commune de nombreux “ faux-positifs [19] ” [expression désignant des civils enlevés puis assassinés par l'armée qui les enregistre ensuite comme morts au combat sous les couleurs de la guérilla], une autre invention de la politique martiale du duo Santos-Uribe.

Le site internet La Silla Vacía (La chaise vide) tente de remonter le fil de l'histoire cachée du charnier [20] dans un billet intitulé Ce qu'il y a derrière la fosse commune dénoncée, et signé Piedad Córdoba. Piedad Córdoba (@piedadcordoba) [21] est une sénatrice qui a fermement condamné la fosse commune. On peut lire dans le billet :

Organizaciones de Derechos Humanos como ASFADHES, MOVICE Y CINEP habían acumulado una serie de denuncias de las comunidades de la zona, sobre supuestas ejecuciones extrajudiciales, desapariciones y detenciones arbitrarias, entre 2003 y 2004, pero solo después de la publicación se comenzó a hablar de dos mil muertos enterrados en una fosa común.  En 2009, una delegación de organizaciones británicas estuvo en el lugar y en su informe dijo que habían corroborado la existencia de la fosa, aunque no suministraron ninguna prueba de ello. (…) El representante a la Cámara del Polo Democrático, Iván Cepeda, quien estuvo en la audiencia de la Macarena y ha hecho seguimiento al tema, dijo que en efecto el hallazgo ha sido de 449 cuerpos y que están enterrados individualmente en un terreno que fue anexado al cementerio y que colinda con la base militar.

Des organisations de défense des droits de l'homme telles que Asfadhes, Movice et Cinep ont accumulé toute une série de plaintes en provenance des communes de la région, faisant état d'exécutions sommaires, de disparitions et d'arrestations arbitraires présumées entre 2003 et 2004. Mais ce n'est qu'après la publication du rapport qu'elles ont commencé à parler des 2000 mille cadavres enterrés dans la fosse commune. En 2009, une délégation d'associations britanniques s'est rendue sur place [sur le site du charnier] et a déclaré dans un rapport qu'elle confirmait l'existence de la fosse commune, sans toutefois fournir aucune preuve. (…) Iván Cepeda, un membre de la Chambre des députés affilié au Pôle démocratique alternatif [22] [en français], était présent lors de l'audition consacrée à La Macarena et a suivi l'affaire. Il a déclaré qu'en réalité, on n'aurait trouvé que 449 corps enterrés individuellement sur un terrain voisin d'un cimetière et à la limite d'une base militaire.

L'internaute GRGJ défend l'ancien président Uribe [23] dans un commentaire laissé sur le blog EquinoXio, en réaction à un dessin Tomáz Garzía :

(…) todo el mundo sabe que la macarena es una zona guerrillera, y recuperada por el gobierno del gran ilustre por excelencia  Dr. Álvaro Uribe Vélez, Ex Presidente por excelencia.  La guerrilla ha matado centenares de personas inocentes, militares, policías, niños, ancianos (…).

(…) Tout le monde sait que La Macarena est située en zone de guérilla, dont le gouvernement du grand Dr Alvaro Uribe Vélez, ancien président par excellence, a repris le contrôle. La guérilla a tué des centaines d'innocents, des militaires, des policiers, des enfants et des personnes âgées (…)

Sur son blog 2Tutor Virtual, Carlos Gamboa fait part de son indignation et de son impuissance par le biais d'un poème joint à l'un de ses billets [24] et  intitulé Clameur dans les montagnes de La Macarena.

Abro la ventana
Y el olor a sangre se cuelga en las cortinas
Mientras afuera ríen.
¿Quién cerró los ojos de la noche
Bajo la piqueta furiosa de los días?
Cuerpo sin rostro, rostro sin cuerpo
Collage de destrucción en las llanuras.
Voz del viento gutural,
Si encuentras a tu paso algún vestigio
Dile al hombre que lloro su destino.

J'ouvre la fenêtre
Et l'odeur du sang s'accroche au rideaux
Pendant qu'ils rient dehors
Qui a fermé les yeux de la nuit
Avec les coups de pioche furieux du jour ?
Un corps sans visage, un visage sans corps
Un collage de destruction dans les plaines.
Voix du vent guttural,
Si tu trouves sur ton chemin une quelconque trace
Dis à l'homme que je pleure sur son destin

Enfin, Tomáz Garzía fait appel à son talent – et à son ironie – sur son blog Mundo Desgrafiado, en proposant une sombre illustration de la question qui fait référence au Livre Guinness des records [25] [en français] pour accompagner son billet [26] intitulé La Colombie fait son entrée dans le livre Guinness avec un nouveau record : celui de la plus grande fosse commune d'Amérique latine.

Hasta hace unos meses, Colombia era para los extranjeros sinónimo de drogas y café, pero en ambas cosas nos superaron Brasil y Bolivia, respectivamente. Por eso, hay que agradecer al gobierno saliente procurar que Colombia fuera recordada por la comunidad internacional gracias a un novedoso, reciente y sorpresivo record: ser la sede de la fosa común más grande de la historia de Latinoamérica.

Il y a quelques mois, la Colombie était pour les étrangers synonyme de drogue et de café mais, dans ces deux domaines, nous avons été respectivement doublés par le Brésil et la Bolivie. C'est pourquoi nous devons remercier le gouvernement sortant, grâce auquel la communauté internationale se rappellera de la Colombie comme de la détentrice d'un nouveau et surprenant record : être le siège de la plus vaste fosse commune de toute l'histoire de l'Amérique latine.