Malawi : une occasion manquée pour plus de transparence

[liens en anglais ] S'il y a un réseau social qui a attiré beaucoup de Malawiens, il s'agit bien de Facebook. C'est la dernière tendance pour ceux de plus en plus nombreux qui accèdent à Internet. Ensuite,  il y a Twitter. Lors des élections présidentielles et législatives de 2009, pour la première fois, Twitter a été massivement utilisé pour partager les événements en cours. La même tendance s'applique aux blogs : au moins 150 Malawiens tiennent un journal personnel sur le web. De tel outils de communications permettent aux internautes d'être connectés entre eux peu importe où ils se trouvent dans le monde et cela peut renforcer ainsi leur engagement civique. Bien que les Malawiens maitrisent de plus en plus les médias sociaux, ils peuvent encore faire des progrès pour les utiliser pour plus de transparence et de responsabilité politique.

La lutte contre la corruption

En 1994, quand le Malawi est devenu une démocratie avec plusieurs partis politiques, les mots “transparence” et “responsabilité politique” ont été beaucoup utilisés. Le résultat a été la création du Bureau Anti-Corruption (BAC) en 1995,  à partir d'un article de la Constitution qui souligne le besoin d'introduire des mesures pour “garantir la responsabilité politique, la transparence, l'intégrité personnelle et financière. Appliquer ces vertus et rester transparent renforcera la confiance dans les institutions publiques.”

Le Malawi a fait de grands progrès en matière de lutte contre la corruption en utilisant différentes approches. Dans l'indice 2009 de la Perception de la Corruption, qui mesure les perceptions du niveau de corruption dans le secteur public, le Malawi a été classé 89ème sur 180 pays et territoires. C'est une amélioration par rapport aux indices des années précédentes.

Les nouvelles technologies utilisées pour la transparence ont aidé certains pays à combattre la corruption, renforcer la crédibilité des autorités et à offrir des services publics. Le Bureau Anti-Corruption Bureau (BAC) du Malawi a récemment amélioré son site Internet. Tokha Manyungwa décrit comme “un grand pas” en énumérant  les conseils disponibles en ligne pour lutter contre la corruption.

A la question  de savoir pourquoi le Bureau Anti-Corruption (BAC) a mis si longtemps avant de rendre son site Internet fonctionnel, il répond entre autres que “la raison principale était le manque de ressources technologiques dû au taux de mobilité élevé des  employés de la section.” Les défis sont importants : ce Bureau est une entité dont les fonds proviennent du gouvernement, ce qui implique donc de la bureaucratie.

Sur le nouveau site,  les Malawiens pourront désormais signaler toute pratique de  corruption en ligne. Mais le bureau est  encore loin d'être passé à l'ère numérique et ne facilite pas la tâche aux utilisateurs. Si on le compare à d'autres sites anti-corruption de la sous-région (par exemple, la Commission Kenyane Anti-Corruption et l'Unité Spéciale d'Investigation d'Afrique du Sud), le site a besoin de plus de moyens. Actuellement, il peut seulement  être utilisé par ceux qui sont capables de lire et comprendre l'anglais et cela élimine d'office tout ceux qui n'utilise pas cette langue.

Les défis à relever

Le danger avec plusieurs autres initiatives gouvernementales pour la transparence est que les sites contiennent trop d'information non traitées, ce qui n'a aucun sens pour les citoyens lamda. Certaines informations ne sont pas pertinentes,  ou incompréhensibles, voire fausses. D'après ce que je sais du Malawi, peu de personnes sont en fait capable de trier de grandes quantités  d'informations en ligne. Cela affecte non seulement la participation de tous à la lutte contre la pauvreté mais tue aussi dans l'œuf l'initiative pour plus de transparence.

D'après l’Autorité de Régulation des Communications au Malawi (ARCOM),  la pénétration Internet croît de jour en jour grâce  aux services Wi-Fi des Fournisseurs d'Accès à Internet (FAI) et aux opérateurs de téléphonie qui ont introduit une offre abordable. Mais Internet reste encore à développer.

Outre les questions de procédure, existe aussi un problème avec ce que j'appellerai “ce qu'Internet peut faire pour vous”.  Beaucoup de fonctionnaires doivent encore comprendre le rôle qu'Internet et les nouveaux médias jouent dans le développement, sans même parler du rôle qu'il peut jouer dans la transparence. Par exemple,  le gouvernement du Malawi a lancé son projet Large Aire de Réseau du Gouvernement (LARGO) en 2003, mais celui-ci n'est pas encore opérationnel. Le but principal de LARGO est de fournir aux fonctionnaires un ordinateur mis en réseau, sécurisé et disponible à tout moment pour permettre aux employés de l'État d'accéder aux informations recherchées en limitant les coûts. Cela permettrait au gouvernement d'économiser de l'argent et aurait du être au cœur du nouveau système administratif étatique.

Tout projet technologique pour plus de transparence devra faire face au niveau actuel de “l'e-lettrisme” des Malawiens qui est, sans surprise, bas. D'après une étude publiée par les Nations Unies(PDF), les leaders du Malawi “doivent s'assurer du niveau d'e-lettrisme de leur propre pays, ce qui a besoin d'être changé, quelles sont les barrières, et ils échouent souvent avant de profiter des bénéfices de tels changements.” Le Malawi est mal classé quand on considère le niveau de transparence et de la prise de conscience des leaders en matière d'utilisation des nouvelles technologies.

La société civile et les initiatives pour la transparence

La société civile à un rôle central à jouer dans le développement et l'usage des nouvelles technologies pour promouvoir la transparence, la responsabilité civile et l'engagement civique. Malheureusement, c'est encore un travail en cours. Parfois, le gouvernement ne voit pas d'un bon œil certaines initiatives de la société civile.

Le Réseau du Malawi pour une Justice Économique, que met en place le Fonds Gouvernance et Transparence, financé par le DFID ( l'Agence britannique pour le Développement International), estime qu'il faut encore introduire des nouvelles technologies pour atteindre leur objectif. Lancée en novembre 2008,  le but du projet est de “renforcer la demande des citoyens pour une bonne gouvernance à travers une approche factuelle.”  Il n'est pas clairement stipulé quels aspects seront en ligne et dans quel but.

Baldwin Chiyamwaka, un expert des médias et fin connaisseur de l'accès au numérique au Malawi, avoue que le Malawi est encore loin d'utiliser les nouvelles technologies pour promouvoir la transparence et la responsabilité politique. Il souligne que “ la plupart des institutions publiques n'ont pas les ressources nécessaires pour développer un réseau de technologie de l'information et une communication efficace”. Il ajoute qu'“ il y a encore un très fort penchant pour les techniques traditionnelles de l'information.”

Baldwin Chiyamwaka, qui dirige le Conseil des Médias, remarque que le cadre législatif actuel est en lui-même un obstacle à toute initiative de transparence. “Il ne permet pas de partager les informations, sans même parler de les rendre publiques. Les politiques publiques interdisent de publier largement des informations” note-il. Baldwin Chiyamwaka continue en expliquant que la réalité ordinaire au Malawi est que “la plupart des fonctionnaires sont sceptiques envers les nouvelles technologies. Ils pensent que ce n'est pas un moyen sûr ni sécurisé de partager l'information”. Clairement, les enjeux au Malawi sont énormes.

Des projets pour plus de transparence

Plusieurs problèmes se présentent  au Malawi pour les projets technologiques de transparence : faible infrastructure Internet, phobies vis-à-vis des technologies, des coûts élevés de connexion, le manque de politiques publiques en faveur des TIC , et une formation inadéquate des professionnels des NTIC.

Le Malawi manque des ressources économiques et techniques, en plus du manque de financement et de personnel bien formé, pour pouvoir assumer ce défi de la transparence. Une visite de plusieurs sites Internet gérés par des association impliquées dans la transparence, l'engagement civique ou les questions électorales montrent qu'il n'y a pas de mises à jour régulières du contenu. Ceci est lié au manque de fonds ou de personnel.

On doit promouvoir l'usage des nouvelles technologies dans le pays, plus particulièrement parmi les hauts fonctionnaires et les citoyens actifs. On est déçu de voir si peu d'informations en ligne sur le Malawi. Les Malawiens bénéficient d'un Internet libre où les problèmes de contrôle des contenus et de censure n'existent pas comme dans certains pays. Sur ce point, le co-fondateur de Global Voices, Ethan Zuckerman conseille fortement aux Malawiens d'en tirer profit et de faire entendre leurs voix sur les questions qui les touchent. Il a promis de faire entendre d'avantage de ces voix sur le site Global Voices Online. “ Notre projet cherche à agréger et diffuser les conversations en ligne à travers le monde, ainsi que d'éclairer des lieux et des personnes que les  médias traditionnels ignorent. Nous aimerions avoir plus de billets sur le Malawi écrits par les Malawiens que ce soit en anglais, chichewa  ou toute autre langue locale. Nous les partagerions avec le monde entier. Vos voix méritent d'être entendues. ” a dit Ethan Zuckerman lors d'une interview.

Le Malawi ne soit pas encore connecté aux réseaux  en ligne locaux et régionaux, on espère qu'avec plus de “ce qu'Internet peut faire pour vous”, le pays bénéficiera un jour des technologies pour plus de transparence dans la gouvernance. Par exemple,  il peut s'associer au Plan d'Action des E-Parlements pour l'Afrique. C'est une initiative panafricaine mise en place par le Département des Affaires Sociales et Economiques des Nations Unies, pour pousser les parlements africains à remplir leurs fonctions démocratiques en soutenant leurs ambitions de devenir des représentations basées sur l'ouverture, la participation et le partage des informations.

Conclusion

Dans plusieurs pays d'Afrique sub-saharienne, ce sont les ONG qui agissent pour l'utilisation des technologies. D'autres acteurs (le gouvernement,  les professionnels des NTIC, les universitaires, etc.) doivent prendre le relais et utiliser les nouvelles technologies.

De tels défis affectent la capacité d'un pays à s'immerger dans les nouvelles technologies qui permettrait transparence, responsabilité politique et engagement civique. Mais l'ère de la démocratie multipartite à insufflé au Malawi le désir de demander des comptes aux élus. C'est encourageant.

Si une personne ou un pays n'est pas relié à Internet, il ne pourra que s'accuser lui-même dans le futur d'être très en retard, entre autres dans les nouveaux domaines que sont la transparence de la gouvernance, l'aide au développement et la responsabilisation des politique.

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