A travers sa lecture quotidienne des blogs, l'auteur de ce billet n'a pas manqué de relever une tonalité entre jeunes Egyptiens, nombreux à se demander s'ils aiment ou non l'Egypte, et si l'Egypte leur rend leur amour ou pas.
Jeune Egyptienne elle-même, l'auteur se dit volontiers que cela peut se comprendre après les séries quotidiennes de crises dont on ne cesse de parler, cependant, à travers l'histoire le sentiment de frustration, de déception et d'étouffement parmi la jeunesse semble n'avoir jamais été aussi prégnant que durant cette époque particulière. Et malheureusement, le fossé entre les rêves et la réalité s'élargit, ce qui ne fait qu'approfondir le sentiment de perte, et de détestation de leur pays.
Tigress, une blogueuse égyptienne, a écrit un billet intitué “Je n'aime plus l'Egypte” [en arabe]:
ولكننى مؤخرا استسلمت للارهاق…انا مرهقة من هذه البلد.. ثم ادركت ان الوطن هو الارض وماعليها.
Elle poursuivait son billet en poussant à l'extrême, affirmant que la seule solution était la survenue d'une catastrophe plus grande :
Et de conclure par l'aveu qu'elle n'aime plus l'Egypte :
اعترفت اننى رفعت يدى…وتوقفت عن الايمان بمصر
Egyptoz, un blogueur Egyptien, travaille depuis un an en Europe et vient de rentrer au Caire pour une visite de deux jours. Il a écrit lui aussi un billet [en arabe] sur ce qu'il a ressenti pendant ce retour, et le choc culturel qu'il a éprouvé :
Aliaa, une jeune Egyptienne qui étudie à l'université à Beyrouth, demande quant à elle “L'Egypte m'aime-t-elle, voilà la question ?” [en anglais] :
J'aime toujours l'Egypte, je suis seulement en colère contre ce qu'elle est devenue, on peut être en colère contre ceux qu'on aime, on ne peut jamais les haïr.
Elle a cité un vers d'un poème de Tamim Al Barghouti, un jeune poète palestinien/égyptien, dont le titre est “Ils ont demandé si j'aimais l'Egypte”. El Barghouti écrivit ce poème alors qu'il quittait l'Egypte pour 20 jours – après avoir participé à des manifestations contre l'invasion américaine de l'Irak, avec ces mots :
أنا لما اشوف مصر ع الصفحة بكون خايف
Quand je vois l'Egypte sur la page je suis effrayé.
Aliaa explicite alors son sentiment :
Mon pays et ses habitants se traitent comme des humains de seconde catégorie […]. Alors, est-ce que j'aime l'Egypte ? Je me le suis déjà demandé, et je me le demande à nouveau aujourd'hui, voilà donc ma réponse : l'Egypte M'AIME-T-ELLE ?
Parmi les commentaires au billet d'Alyaa, Hicham rattache le problème aux Egyptiens et non à l'Egypte :
Je réfléchis à nos problèmes en termes d'Egyptiens et non d'Egypte. Notre pays pour beaucoup de choses doit être aimé, mais ce que font les Egyptiens depuis des décennies, voilà ce qu'il faut remettre en question.
De même Serag, un Libyen qui a longtemps vécu en Egypte, a écrit un “billet” décrivant ses sentiments envers un endroit qu'il considérait autrefois comme chez lui après une courte visite [en anglais] :
Un endroit peut-il vieillir ?! voilà une des questions qui m'ont gardé éveillé pendant les nuits chaudes et humides de ma dernière visite en Egypte. Entre Alexandrie et le Caire j'essayais de trouver mon Egypte et n'y suis pas arrivé. Etre hors de chez soi, c'est un exil, mais comment exprimer qu'on est hors de son foyer.
[…]
J'ai pu avoir un jour un foyer en Egypte, mais tout ce que j'ai maintenant c'est une chambre d'hôtel.
Dans une tonalité étrangement malheureuse mais positive, Mermaid a écrit un billet profond intitulé “O Egypte, miel amer” [en arabe] après sa journée à Alexandrie venant du Caire. Elle y explique les contrastes dans son vécu quotidien en Egypte. L'un des moments de beauté et de sincérité qu'elle cite lui est arrivé au dernier Ramadan:
Elle citait aussi une autre expérience agréable, d'un homme qui l'avait aidée à trouver son chemin au centre ville, pour s'étendre ensuite sur les autres misères quotidiennes :

Photo de jay galvin sous CC, d'employés attendant la rupture du jeûne du ramadan à 18 h avant de rentrer chez eux, sous la bretelle d'autoroute. Le repas sera fourni par un riche local.
Elle poursuit sa description :
الناس ديه كلها من نفس البلد.. نفس البلد الحلوة.. القذرة. البلد اللي لسة بتدي خير… وبتاخد عمر وشباب ولادها. […] البلد الزحمة الملوثة… واللي الصبح بدري بتبقى أجمل مكان ممكن الواحد يمشي فيه. البلد الدوشة.. اللي ساعة المغرب في رمضان الأذان بيبقى مالي الشوارع الفاضية المسالمة. البلد اللي بتخلف ناس بتاكل حق ناس… وناس سايبة فطارها في رمضان ونازلة تدي بلح ومية وتمر هندي للناس اللي في الشارع اللي مالحقتش الفطار في بيتهم.
بادعي ربنا إن كرهي مايخلنيش عامية عن الحاجات الحلوة اللي فيها.
Je prie Dieu que ma haine ne me rende pas aveugle aux beautés dans ce pays.
Que le sentiment soit général ou seulement propre à quelques-uns, beaucoup s'accordent à dire que l'Egypte d'aujourd'hui n'est plus celle dont parlent leurs livres d'histoire, ou la patrie que chantent la radio et la télévision.