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Ile Maurice: Sur les pas de l'Afrique du sud pour faire face à son passé

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Afrique du Sud, Île Maurice, Togo, Droit, Droits humains, Gouvernance, Politique

L’Afrique du sud a inventé l’idée d’une Commission nationale de justice, réhabilitation des victimes et réconciliation nationale pour panser les plaies que la politique de l’apartheid [1], appliquée de 1948 à 1991, avait ouvertes.

Kodjo Epou a expliqué [2] sur le site d’afrik.com, le 21 juillet dernier dans un article sur le Togo, les justifications et les buts d’une Commissions Vérité- Justice et Réconciliation:

« La recherche d’une co-existence pacifique d’anciens ennemis a conduit, dans une trentaine de pays à travers le monde, à mettre sur pied des structures éminemment politiques appelées : Commission Vérité-Justice et Réconciliation (CVJR). La plus connue sur le continent africain, est celle d’Afrique du Sud. Des pays comme le Rwanda, le Ghana, le Maroc, le Nigéria, la Sierra Léone, la Centrafrique l’ont choisie pour paver la voie vers la réconciliation. Le Kenya a crée sa propre commission après les violences électorales de décembre 2007. »

En Afrique du sud, grâce à la bonne volonté de dirigeants comme Nelson_Mandela [3], Willie de F.W. de Klerk [4] et Msgr Desmond Tutu [5], tous les trois lauréats du Prix Nobel pour la paix, les résultats ont été globalement positifs. Le pays a fait une transition en douceur d’une politique raciste envers la majorité à un gouvernement de la majorité sans velléité de vengeance. Comme le rappellait en 2005 [6] Claude Wauthier sur la version online de monde-diplomatique.fr:

Le principe en était simple : bénéficieraient d’une amnistie tous ceux qui viendraient devant la commission « confesser » en quelque sorte leurs exactions – il s’agissait surtout de membres de la police qui avaient torturé, et parfois tué, des militants des mouvements de libération noirs, principalement le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela. L’amnistie des requérants était soumise à deux conditions : d’abord de ne rien omettre de leurs crimes et délits dans leur déposition, ensuite d’avoir agi sur ordre de leur hiérarchie tout en croyant servir un « objectif politique » (une prétendue défense de la race blanche, par exemple). Contrairement à ce qu’avait publiquement craint l’ancien président Frederik De Klerk, la révélation des sévices souvent atroces infligés par les bourreaux n’a pas entravé la réconciliation entre les communautés noire et blanche. La Commission a ainsi réussi la catharsis qu’elle s’était fixée comme objectif.

[7]

Drapeau de L'Ile Maurice par timparkinson sur Flickr- CC license 2.0

En 2008, l’Ile Maurice a décidé de suivre l’exemple de l’Afrique du sud en 2008 pour réfléchir sur des injustices qui ont des origines encore plus anciennes. Un projet de loi a été adopté pour la création d'une Commission Justice et Vérité [8]a été adoptée par le Parlement en 2008. Elle a commencé ses travaux en avril 2009. Le site grioo.com expliquait, [9] alors, ainsi les plaies qu'il fallait cicatriser:

L’Ile Maurice a connu dans un premier temps l’esclavage, avec plus de 66 000 esclaves venant non seulement d’Afrique mais aussi d’Inde et de Malaisie. Après l’abolition de l’esclavage, en 1835, le système de l’engagisme y a été mis en place, en même temps qu’à l’île de la Réunion ou qu’aux Comores. Travailleurs africains, antillais, indiens et malais étaient exploités et même s’ils avaient retrouvé la liberté première et brisés leurs chaînes. C’est ainsi que l’Ile Maurice s’est construite, développée et enrichie.

Gérard Cateaux rendait compte ainsi [10] sur le blog Le mauricien de la création de cette CVJR et de l'intervention du Premier Ministre au Parlement :

Dans son intervention au Parlement, mardi dernier, en présentant le projet de loi sur l’institution de cette Commission Justice et Vérité, le Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, n’en a pas été plus clair : il ne s’agira pas de règlements de comptes à rebours de l’histoire, mais d’aller à la recherche de la ’réconciliation, de la justice sociale et de l’unité nationale à travers le processus de rétablissement de la vérité historique… ’

Ces mots ont leur importance : ’Réconciliation’, ’Justice sociale’ et ’Unité nationale’. Nous en ajouterons quelques-uns : ’Rassembler ce qui est épars… ’ Cette Commission aura la lourde tâche de se réunir pour établir et prévoir – si tant est que la démarche soit possible – de mettre en lumière ce que sera le citoyen mauricien du siècle présent et la qualité dominante préludant à son bonheur.

Cet article avait suscité la réaction suivante de Louis-René Dalai qui souligne les différences entre les cas de l’apartheid de l’esclavagisme et de l’engagisme [11]:

Je trouve l’idée de créer une “Commission Justice et Vérité” à Maurice, une excellente initiative, à condition que le but final soit d’aider à construire une “Vraie Nation Mauricienne”, et non pas de diviser notre population en “descendants d’esclaves”, en descendants “d’Engagés”, et en descendants de “Méchants Colons”…..

D’essayer de copier la “Commission Justice et Vérité”, mise en place en Afrique du Sud, avec un résultat très bénéfique, puisque ceux qui sont venus témoigner, étaient responsables “eux-mêmes”, des “deux côtés”, des crimes commis contre “leurs frères Sud Africains !!!….Mais dans le cas de l’île Maurice, les responsables de l’Esclavage, ainsi que leurs victimes, ne sont plus là, aujourd’hui, pour apporter leur témoignage !!!…..

Etant, moi-même, descendant d’ancêtres” esclavagistes”….avec le décalage des générations depuis la période 1835/1840…..Je ne me considère nullement responsable des “crimes” commis, éventuellement, par mes ancêtres !!!…tandis qu’en Afrique du Sud, la situation est totalement différente !!!…

Le 25 aout,  lexpress.mu online signalait que [12] :

Des 350 dossiers enregistrés à ce jour à la Commission Justice et Vérité, la majorité concerne des revendications de terrains. Sur les six cas entendus ce mercredi 25 août, devant le président Alex Boraine, cinq font état de réclamation de terrains, allant de 100 toises à 78 arpents. Pour Jacques David, l'un des assesseurs de la Commission, chaque cas a son importance et il fait bien ressortir qu'un titre de propriété est seulement le début d'une longue série de recherches.