“La vérité est dans le vin” disaient les anciens. Il est vrai que l'alcool en petite quantité aide à nous désinhiber mais au Japon, l'alcool est souvent utilisé comme un lien social dans une société qui considère encore aujourd'hui comme nécessaire le cloisonnement entre les véritables sentiments et intentions d'une personne [en anglais] (honne) et ce dont elle parle en société (tatemae).
Boire avec ses camarades de classe et ses coéquipiers quand on est étudiant, ou avec ses collègues de bureau quand on est un employé, est une activité importante si on veut appartenir au groupe. Nombreux sont ceux qui pensent que c'est avec un verre de bière ou de saké à la main qu'une communication plus directe, la nommunication, peut exister.
Le terme de nommunication (que l'on pourrait grossièrement traduire par drinkommunication) a été crée en associant le verbe nomu (qui signifie boire) au mot ‘communication’. Il constituerait une étape importante pour devenir une personne sociale [en français], dans la mesure où il touche aux codes du travail de l'employé, et fut crée pour définir le type de communication établie entre un supérieur hiérarchique et ses subordonnés lorsqu'ils se rencontrent pour un verre en dehors des heures de bureau.
Le résumé d'un court essai anonyme [en japonais] intitulé “Observations générales sur les employés” (サラリーマンに関する一般的考察) explique l'origine de ce concept.
そもそも、ノミュニケーションというのが出来たのは、高度経済成長時代に、会社運営を円滑に行うために思考錯誤された結果であると考えられる。
というのも、上司というのは一般的に部下を叱責する義務がある。端的に言えば、部下というのは怒られるために存在しているようなものである。かと言って、誰でも怒られて嬉しいわけではない。
そこで、部下の様子を見て上司は一杯連れていってやるわけである。まぁ、通常は居酒屋あたりに連れていって、恐縮している部下に向かってビールを注ぎながら、「一杯飲めや」となるわけである。で、部下は「いただきます」と言いながらビールを飲みつつ、会社の愚痴を言ったり、私生活の悩みなどを相談するわけである。
Pour résumer, les membres dirigeants ont généralement pour obligation de réprimander leurs subordonnés. Et on peut dire en toute honnêteté que ces employés sont là pour être réprimandés.
Prenant donc en compte les sentiments de leurs subalternes, ces mêmes dirigeants les inviteraient à prendre un verre. En temps normal, ils les emmèneraient dans un izakaya [en français] ( bar et restaurant) et fourniraient de la bière à leurs employés mal à l'aise. Ils leur remonteraient le moral d'un “tiens, prends donc un verre!”. L'employé remercierait et, tout en sirotant sa bière, viderait son sac sur la compagnie pour laquelle il travaille et les problèmes qu'il rencontre dans sa vie privée.
Dans certains cas, l'alcool peut se révéler le meilleur ami de l'homme d'affaires, dans la mesure où c'est souvent devant un verre de shochu [en français] que les plus belles négociations ont lieu. Comme dans de nombreuses autres cultures, inviter ses clients à diner est une tradition répandue dans la culture japonaise du monde du travail, et le soi-disant settai, souvent traduit par ‘loisir d'affaires’, est aussi important que les réunions qu'ont les cadres d'entreprise avec leurs clients dans les locaux de leur entreprise.
Yellowbel avoue [en japonais] qu'il refusait souvent de boire avec ses collègues quand il n'était qu'un simple employé mais maintenant qu'il dirige la compagnie, il ne peut faire autrement que de boire et diner avec ses clients.
その後サラリーマンを辞めて、小さいながら会社を切りまわし始めると、お酒の席は断るとか断らないとかじゃない、生活の一部になってきました。
営業系の自営業にとって、酒の席で本能に限りなく近いところでおつきあいするのが、商売というかオフィシャルな自分を売り込むのに一番いい手段になるからです。
Quand on est à la fois son propre patron et le responsable des ventes, boire avec un client jusqu'à ce que vos véritables personnalités se révèlent l'une à l'autre est la meilleure façon de bien vous “vendre”.
Si, placée entre les mains d'un commercial, la nommunication est un outil puissant, elle est parfois la cause de tensions et de stress pour ces jeunes employés qui se sentent obligés d'accepter l'invitation de leur supérieur. Les hommes sont les employés les plus exposés à ce type de pression, dans la mesure où on attend d'eux qu'ils soient de solides piliers de bar.
Une récente discussion sur Twitter [en japonais] a mis en avant ce stéréotype, bien ancré dans les esprits, quand l'un des ses utilisateurs,@shisetsu [en japonais], a expliqué qu'il trouvait désagréable que l'on prenne pour acquis le fait que tout le monde doit boire de l'alcool.
Les quelques tweets de @shisetsu ont lancé un débat sur les soirées après les heures de bureau, quand les collègues se réunissent la plupart du temps pour boire de l'alcool dans un izakaya afin de se libérer de leur stress mais parfois aussi pour développer les relations au sein de l'équipe.
Tandis que certains utilisateurs de Twitter étaient d'accord avec lui, affirmant qu'ils se sentaient parfois obligés de prendre un verre pour faire comme tout le monde, @akcanon [en japonais] a répondu en avançant que boire de l'alcool fait partie des obligations sociales d'un adulte.
@shisetu 飲めない事をただ強調するんじゃなくてキチンと理由まで説明すべきだと思うな。学生じゃなくて社会人だし、職場のコミュニケーションて大切なことだよ。 お金貰ってるから仕事だけしてればいいってもんじゃないよ。
La cinglante réponse de @shisetsu [en japonais] a donné une autre tournure à la conversation et a poussé @akcanon à présenter par la suite ses excuses et à réfléchir à l'idée qu'être un travailleur pouvait être assimilé à être un alcoolique.
@akcanon 私は体質上の飲酒は全く問題ありませんが、私の父はアル中かつDVなので子供である僕と弟は反面教師で全く飲みません。これを飲み会で言って場の空気を悪くするのも酒飲みが望むご都合主義のコミュニュケーションでしょうか?人間関係を大事にするのと飲酒に因果関係はありません。
Les conditions de travail n'ont cessé de changer ces dernières années, principalement à cause de la crise économique et aussi parce que ce système s'effondre. Certains pensent que des obligations sociales comme la nommunication sont en train de devenir moins oppressantes et de moins en moins de jeunes hommes d'affaires se sentent obligés de faire passer leur carrière avant tout.
A titre d'exemple, le blogueur kikuiri voit [en japonais] les raisons de ce changement dans le fait que les gens ont aujourd'hui de plus en plus d'occupations, et puis… les priorités ne sont plus les mêmes.
「忙しい」には、もう1種類あって、「家族の世話」で忙しいというケースがあります。
それこそ10年くらい前までは、勤めている人=飲みニュケーションに参加する人=家庭の仕事に追われていない(放棄?)男性 という図式がほぼ成り立っていたと思うのですが、今現在、その図式は成立しないと言ってもいいでしょう。
実際、「育児」に関わる人は、飲みニュケーションには少なくとも数年間は参加できないと思いますし、これから増えると思うのは「介護」に関わる人であります。
Jusqu'à il y a 10 ans, l'équation était la suivante : un employé équivalait à une personne qui participait à la nommunication, ce qui équivalait à un homme qui ne participait pas aux taches ménagères (ou les rejetaient totalement). Cette équation n'est plus d'actualité aujourd'hui.
En fait, les personnes qui se dévouent à l'éducation de leurs enfants ne pourront plus participer à la nommunication pendant au moins quelques années, et le nombre de personnes qui se consacreront à s'occuper de leurs anciens va également augmenter.
C'est certainement pour éviter la pression sociale engendrée par le fait de boire avec les gens qu'ils connaissent que de plus plus de personnes choisissent de passer leur soirée sur internet [en japonais], dans des endroits adaptés aux rencontres virtuelles et ouverts par les principales marques de bières, ou lors de sessions de discussions et de boissons en ligne.
Si un tel système perdure, les femmes n'auraient bientôt plus à se maquiller et les hommes n'auraient plus à prouver qu'ils tiennent bien l'alcool.