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Chili : blogueurs et utilisateurs de réseaux sociaux remettent en question les célébrations du Bicentenaire

Catégories: Amérique latine, Chili, Cyber-activisme, Droits humains, Ethnicité et racisme, Histoire, Manifestations, Médias citoyens, Politique

Le Chili commémore le 18 septembre les 200 ans de son indépendance obtenue de l’Espagne par des célébrations du Bicentenaire. Cette date a déclenché une vague de billets sur les blogs et d’opinions sur la Toile qui remettent en question les célébrations qui vont se dérouler alors qu’un groupe de la communauté aborigène Mapuche [1] continue sa grève de la faim contre la loi anti-terrorisme [2], comme Global Voices l’a déjà signalé. Cet événement met en lumière les problèmes d’identité et de discrimination au sein de la société chilienne au cœur des célébrations dédiées à la « patrie ». Questions, critiques, activisme, mémoire et résistance font partie intégrante du bicentenaire chilien [liens en espagnol].

[3]

Image "Le Chili vers le bicentenaire?" par l'utilisateur de flickr Cosmopolita. Utilisée sous licence Creative Commmons

Questions

Le blogueur et chanteur Alonso Núñez se demande sur le site de l’agence de presse citoyenne Medio a Miedo [4][en espagnol] : « Sommes-nous vraiment tant inquiet de ce bicentenaire ? ». « Allons-nous tous le célébrer ? », s’interroge Matías Valenzuela sur SSCC Debates [5] [en espagnol].

Tomas Bradanovic demande également : “Que célébrons-nous le 18 ?” [6]:

No puedo evitar enrabiarme por esta tontera del “bicentenario” La historia que nos enseñan es una colección de fábulas, llenas de héroes que se rasgan la camisa para poner el pecho, pero en realidad la mayoría fueron ineptos, tontos y comidos por la ambición, sus actos los retratan mejor que sus discursos. La mala clase de nuestros padres fundadores es pecado original en toda América Latina, una mochila que cargamos hasta el día de hoy.

Je ne peux qu'enrager à propos de ce non-sens qu’est le « bicentenaire » ; l’Histoire que l’on nous a enseignée est une collection de fables, garnies de héros qui déchirent leur chemise pour montrer leur poitrine [et leur puissance], mais en réalité la plupart d’entre eux étaient incompétents, idiots et dévorés par l’ambition, leurs actes les caractérisent mieux que leurs discours. Nos mauvais pères fondateurs sont le péché originel de l’Amérique Latine, un lourd tribut que nous portons toujours aujourd’hui.

S'appuyant sur le tweet de Patricia Ojeda (@patiojedamayorg [7]), des utilisateurs de Twitter comme Javier Sánchez (@sanchez_javier [8]) critique la célébration :

64 días en huelga de hambre los presos Mapuches y los chilenos se preparan para celebrar el BICENTENARIO… NADA QUE CELEBRAR.

64 jours de grève de la faim des Mapuches et les Chiliens se préparent à célébrer le BICENTENAIRE… IL N’Y A RIEN A CÉLÉBRER

LOsorio ( [9]@aqui_leo [10]) commente sur un autre tweet qui a circulé sur Twitter, énumérant les dernières nouvelles qui circulent sur la toile chilienne :

Cada vez me gusta menos este Pais Bicentenario, casos: Mapuches, Mineros, Jumbo, infiltrados en marchas, Barrancones, y un largo etc.

J’aime de moins en moins ce pays bicentenaire, vu les problèmes suivants : les Mapuches [2], les Mineurs [11], [les supermarchés] Jumbo, les infiltrations durant les manifestations [12], [le projet de la centrale d’énergie thermique] Barrancones [13], et un grand etc.

Mémoire et résistance

Cette célébration a aussi été éclipsée par un autre conflit indigène,  opposant cette fois les Rapa Nui [14], les autochtones de l’île de Pâques, [15] à l'état : ils exigent le retour de leurs terres ancestrales confisquées par l’Etat, comme Ricardo Silva (Caio) [16][en espagnol] nous en informe sur son blog. A ce sujet, Metiendo Ruido [17][en espagnol] indique que les Rapa Nui ont commencé à occuper cette terre quelques jours après une éclipse, « un phénomène naturel qui a poussé les habitants de l’île de Pâques à une catharsis collective et à créer un mouvement pour réclamer les terres ancestrales qu’ils avaient prêtés à l’Etat chilien [18] ».

Hector Ramirez Estay (@hectorm81 [19]) a retweeté un message qui lie ce problème au bicentenaire :

RT @TerraChile [20] Parlamento Rapa Nui: “Acá no nos interesa nada del Bicentenario” http://bit.ly/br6jcO [21] // Mapuches y Rapa Nui… ay ay ay…

RT @TerraChile [20] Parlement Rapa Nui: « Ici nous ne sommes pas intéressés par le bicentenaire » http://bit.ly/br6jcO // [22] Mapuches et Rapa Nui… Oh la la…

Marly Rayen (@marlyrayenpg) [23] partage un point de vue intéressant :

desde fuera se ve muy extraña la celebración del bicentenario, con los mapuches en huelga de hambre, y peor todos culpándose

Vu de l’extérieur, la célébration du bicentenaire semble très étrange, avec les Mapuches en grève de la faim, et pire que tout, tout le monde qui s’accuse les uns les autres.

Dans une vidéo ancienne publiée par CiberAmerica-Chile [24][en espagnol], le poète [25] [en espagnol] Mapuche Elicura Chihuailaf [26][en anglais] avertit que le dialogue entre la communauté Mapuche et le Chili n’a pas été interrompu car ce dialogue est en fait inexistant ; il dit également que la société chilienne doit assumer ses aspects indigènes, beaux et sombres.

Le débat s’est amplifié à travers des déclarations telles celles publiées dans le billet de Tere Marincovic, où elle appelle les Mapuches les « gâtés » [27] à cause de leurs actions. Ce billet a généré plus de 1000 commentaires.

Appréciation du bicentenaire

La tendance dans la blogosphère se situe entre appréciation et réflexion. Sur le blog Distrito Digital [28] [en espagnol], Miguel Jesús Pedreros écrit le billet « Les Mapuches : le Rejet du Bicentenaire » :

Y no solo es el estado, es un país completo el que les da la espalda a los pueblos originarios, en especial al pueblo mapuche. El desinterés evidente que reina sobre la situación del pueblo mapuche, sobre esta huelga de hambre, sobre su cultura, lo confirma. Somos un país desarraigado porque no nos interesa mirar el pasado, sino, solo cuando está lleno de vana gloria. Sin embargo, nuestra historia como seres, está llena de altos y bajos, de alegrías y dolores…como dije antes, chile tiene una asquerosa memoria selectiva, olvidamos que los mapuches fueron el único pueblo indígena que se resistió totalmente a la dominación española, eso, ya es heroico.

Ce n’est pas seulement l’Etat, mais le pays tout entier qui s’est détourné des peuples indigènes, surtout des Mapuches. Le manque évident d’intérêt qui prédomine sur la situation des Mapuches, sur leur grève de la faim, sur leur culture, le confirme. Nous sommes un pays sans racines car nous ne nous sommes pas intéressés par le passé, ou seulement lorsque le passé se gorge d’une gloire empreinte de vanité. Cependant, notre histoire  est faite de hauts et de bas, de joies et de souffrances… comme je l’ai dis précédemment, le Chili a une mémoire sélective révoltante, nous oublions que les Mapuches étaient le seul groupe aborigène qui a totalement résisté à la domination espagnole. Cela est héroïque.

D’une perspective militante, le blog IMC: Information Mapuche Chile [29] [en espagnol] écrit :

Del mismo modo, hacen un llamado a la ciudadanía en medio de estas fechas de esparcimiento popular a la reflexión y conminan a quienes llevan la conducción pública del estado a terminar con situaciones de injusticia, atropellos y desigualdades. En la misma línea, hacen un ferviente llamado a los sectores democráticos respetuosos de los Derechos Humanos A NO SER PARTE DE ACTOS PUBLICOS DE FESTOJO DEL BICENTENARIO, por respeto a la situación humanitaria que enfrenta el Pueblo Mapuche. BICENTENARIO: Mucho Por Cambiar, Todo Para Transformar

De la même façon, ils enjoignent le peuple à réfléchir durant ces jours de fête populaire et contraignent ceux qui portent les responsabilités publiques de l’Etat à mettre un terme aux injustices, aux abus, et aux inégalités. Ils font dans le même temps un fervent appel aux groupes démocrates qui respectent les droits humains à NE PAS PARTICIPER AUX ACTIVITÉS PUBLIQUES DES CÉLÉBRATIONS DU BICENTENAIRE, en signe de respect envers la situation humanitaire que les Mapuches subissent. BICENTENAIRE : Il y a beaucoup de choses à changer, tout doit être transformé.

Pour conclure, Francisca Skoknic, rédactrice en chef du Centre pour l’Investigation et l’Information Journalistique (CIPER) [30] [en espagnol], analyse [31] [en espagnol] la raison pour laquelle des Chiliens vivent le bicentenaire avec indignation :

El problema es que esto no es personal. La gente se informa por los medios. Sin ellos no existen los mineros, no existen los mapuche. Internet y las redes sociales en algo ayudan, pero no nos engañemos, aún no llegan a todos….Entonces se siente la indignación del bicentenario. Esa que aflora cuando las cosas no se pueden ocultar. De pronto están ahí y todos las vemos. Y no es lindo como nos quieren hace creer.

Le problème est que [l’indignation] n’est pas personnelle. Les individus s’informent par les médias. Sans [les médias] les mineurs n’existeraient pas, les Mapuches non plus. Internet et les réseaux sociaux aident un peu, mais ne nous trompons pas, ils n’atteignent pas encore tout le monde… Donc la population ressent de l’indignation à l'occasion du Bicentenaire. Cette indignation qui apparaît lorsque les choses ne peuvent être cachés. Elles sont soudainement présentes et nous pouvons tous les voir. Mais ce n’est pas aussi beau que ce qu’ils veulent nous faire croire.