Monde : Sans eau, pas de vie

La 20ème réunion pour la Semaine mondiale de l'eau a eu lieu à Stockholm, capitale de la Suède, du 5 au 11 Septembre 2010 sur le thème “Qualité de l'eau, défi et prévention, utilisation mesurée et réduction”. Selon les organisateurs, “l'urbanisation, l'agriculture, l'industrie et le changement climatique exercent une pression croissante tant sur la quantité que sur la qualité de nos ressources en eau.” La semaine était en conséquence organisée pour “approfondir la compréhension des défis liés à la qualité de l'eau, encourager les nouvelles idées et impliquer la communauté qui travaille sur ce thème” [liens en anglais].

Les délégués ont élaboré en conclusion la Déclaration de Stockholm, laquelle fait observer que les Objectifs de développement du Millénaire [en français] ne peuvent être atteints que par une gestion avisée non seulement des ressources en eau mais aussi par un accès sûr et équitable à de l'eau propre et à un assainissement approprié. Le manque d'accès à l'eau et l'assainissement prive des milliards de gens, en particuliers les femmes et les filles, d'opportunités, de dignité, de sécurité et de bien-être.

Des blogueurs qui ont assisté à la Semaine mondiale de l'eau ont partagé leurs notes et leurs opinions en ligne.

Duncan Mara partage son journal de la Semaine mondiale de l'eau.

Dimanche :

La réunion du début de soirée a vu le lancement du deuxième kit d'informations sur les conseils d'utilisation  des eaux usées promulgués en 2006 par l'Organisation mondiale de la Santé – non encore en ligne (mais voici ma contribution). Mon exposé consistait à choisir une valeur sensible pour le taux additionnel de tolérance maximale des infections – c'est-à-dire la perte maximale d'années de vie ajustée sur l'incapacité  par personne et par an. La valeur par défaut utilisée pour cela dans les conseils 2006 de l'Organisation mondiale de la Santé est de 10-6 par personne et par an mais ceci est très “extravagant” et je recommande une valeur de 10-4 quant à la perte maximale d'années de vie ajustée sur l'incapacité par personne et par an comme la réalité épidémiologique le reflète de plus près dans les pays en voie de développement et dans certains pays industrialisés (par exemple, l'Australie et les États-Unis). [En fait, cela s'applique aussi aux conseils sur la qualité de l'eau potable mais c'est une vraie boîte de Pandore pour l'Organisation mondiale de la Santé, pour l'Agence de protection de l'environnement américaine et pour l'Union européenne, pour ne citer qu'elles…]

Mardi :

J'ai assisté à une réunion parallèle organisée durant l'heure du déjeuner intitulée  “De quelles connaissances avons-nous besoin pour faire mieux en matière d'assainissement ?” Elle se résumait essentiellement à démontrer comment l'École de Londres d'hygiène et de médecine tropicale ainsi que ses partenaires envisageaient la progression de leur groupement de recherche qui a été fondé par le Ministère britannique du développement international et s'intitule “Recherche appliquée en matière d'installations sanitaires et d'hygiène pour l'équité” (SHARE). Jetez un œil au site internet SHARE quand il sera lancé d'ici la fin du mois (vous y trouverez en même temps des informations).

Ensuite, je suis allé au séminaire de l'après-midi intitulé  “Problèmes de qualité de l'eau et nouvelles approches en Amérique latine”. Deux articles intéressants – l'un sur les problèmes de l'eau et des eaux usées à Mexico City par le Docteur Blanca Jimenez (Université nationale autonome de Mexico). L'autre était du Professeur Eduardo Jordaõ (Université fédérale de Rio de Janeiro) sur l'usage au Brésil des réacteurs anaérobies à lit de boues à flux ascendant ainsi que sur une forme de traitement secondaire pour des populations de 20.000 à 1.500.000 personnes – mais peu d'indications de coûts ou d'efficacité liée aux coûts et aucune mention des bassins à taux élevés de bactéries anaérobies.

Comme je me précipitais de ma réunion de midi à celle de l'après-midi, mon collègue le Docteur Jan-Olof Drangert (Université de Linköping en Suède) me glissa dans la main un prospectus concernant  son nouveau site internet “Assainissement durable pour le 21ème siècle”, lequel comprend un livre électronique gratuit et un ensemble d'exposés PowerPoint pour les formateurs dans le secteur de l'assainissement et de l'eau. Il y a une mise en accent écologique certaine mais cela vaut vraiment la peine d'y jeter un oeil. Vous pouvez télécharger les PowerPoint en tant que fichiers ppt. Ainsi, vous pourrez  les utiliser tels quels ou sélectionner les diapositives que vous souhaitez utiliser dans vos propres exposés. Excellente idée!

Mercredi:

Je suis allé à l'atelier intitulé “Efficacité améliorée de l'utilisation de l'eau par le recyclage et la réutilisation” et ai fait un exposé sur le traitement naturel des eaux usées et la capture du carbone. Le Professeur émérite Takashi Asano (Université de Davis en Californie), dans un exposé-clé, nous a tout expliqué sur la demande en eau, le recyclage et la réutilisation des eaux usées en Californie – un système complexe nécessité par la construction d'une mégalopole (Los Angeles) dans un désert et par l'État de Californie lui-même, dans la mesure où il est le premier producteur du pays de produits de table tels que les légumes et les fruits.

Ensuite,  le Docteur Ashley Murray (Université de Berkeley en Californie) a fait une présentation vraiment intéressant sur l'aquaculture en eaux usées : création d'une entreprise locale pour élever des poissons dans des étangs de maturation.  L'entreprise réinvestit la moitié de ses bénéfices nets dans des opérations de traitement des eaux usées (bassins de stabilisation des ordures) pour financer O&M (Opération et Maintenance) – un concept très astucieux qu'elle a développé au Ghana.

Mais quel est l'impact de la pénurie d'eau dans le monde en voie de développement?  Un billet spécial dans Revue Éthiopienne présente un article sur les défis auxquels doivent faire face les femmes à Afgooye en Somalie où de nombreuses familles n'ont aucun accès à de l'eau propre ou à l'assainissement. Le titre de l'article est : “Semaine mondiale de l'eau en Somalie : s'il n'y a pas d'eau, il n'y a pas de vie”.

IIl n'y a pas d'écoles, pas de latrines ou de toilettes convenables dans le camp hormis de vieux WC dans le vieux bâtiment. Nous faisons face à une pénurie d'eau ici. Nous devons acheter un baril d'eau pour 15 000 shillings (un peu moins de 10$ [dollars américains] qui est acheminé par une charrette tirée par un âne car il n'y a pas de canalisation d'eau courante dans le camp.

L'auteur de Global Voices Victor Kaonga faisait partie de l'équipe médiatique à la Semaine mondiale de l'eau. Dans un article sur l'eau insalubre, il met l'accent sur le besoin tant pour le gouvernement que pour les citoyens du Malawi de s'intéresser à ce qu'on appelle l'eau insalubre :

Au Malawi, l'eau est tout-à-la fois  une question politique, sanitaire, économique, sociale, juridique, un objectif de développement du millénaire, un problème de sexe, un problème spirituel et intellectuel… S'occuper des défis de l'eau nécessite une approche multi-facettes.

Aussi bonnes que soient les statistiques, elles ne disent pas tout du Malawi. Robert Kampala, représentant national de Water Aid a constaté que – tandis que le Malawi notait que des progrès ont été réalisés pour s'assurer qu'au moins 70% de la population a accès à l'eau potable – le Malawi a encore besoin d'œuvrer davantage à l'amélioration de la qualité de l'eau. Imaginez que nous entendions ceci: la couverture dans le pays quant à l'alimentation en eau est de 65% alors que le taux de couverture d'assainissement de base est de 86%. Chose curieuse, j'apprends que dans les zones urbaines et rurales, les installations sanitaires améliorées (latrines de base dallées avec chasse d'eau) sont seulement et respectivement de 65% et 46%! C'est triste. Où vont les autres s'il n'y a pas de toilettes ? Et comment notre eau en est-elle alors affectée?

Et dans un article séparé, il demande : savez-vous quel est le plus rare des équipements sanitaires ?

Les toilettes sont un équipement rare de par le monde. Environ 2.6 milliards de personnes n'ont pas de toilettes. Le problème est pire dans les pays en voie de développement qui connaissent apparemment aussi de graves répercussions en raison d'assainissement déficient. Mais laissez-moi rapidement penser tout haut quant aux toilettes dans les pays en voie de développement. Il semblerait qu'il y a beaucoup trop de buissons pour se cacher et s'en servir comme toilettes. Vous ne pouvez pas faire cela dans une zone urbaine très construite. Le manque d'aménagement de certaines villes crée une mauvaise situation sanitaire. Personnellement, je n'aime pas les bidonvilles. De plus, certaines cultures semblent ne pas être hostiles aux toilettes. Mais à un niveau institutionnel, certains organismes n'ont pas non plus une culture sanitaire.

La Semaine mondiale de l'eau a fait s'interroger Timothy Karpouzoglou :

La Semaine mondiale de l'eau 2010 est terminée me laissant dans l'interrogation. Est-ce que la Semaine mondiale de l'eau a pour but réel d'ouvrir ou de clore le débat sur la gestion des ressources en eau?

Le thème général de la Semaine mondiale de l'eau a été la qualité de l'eau. La Semaine mondiale de l'eau vise non seulement “à mettre en valeur les actions positives en faveur de l'eau et les nouvelles réflexions dans ce qu'elles impliquent en terme de défis et d'impact sur l'environnement mondial mais aussi à en approfondir la compréhension, à encourager les idées, à pousser la communauté de l'eau et du développement à prendre part aux défis liés à la qualité de l'eau.” Ces problèmes sont suffisamment fondés et urgents pour faire avancer le débat.

Alors, quelle est donc cette nouvelle réflexion? Une partie de celle-ci peut être considérée davantage comme de la vieille réflexion reformulée à l'aide de termes politiques à la mode. “La qualité de l'eau” reste décidée par les scientifiques et fait appel à des connaissances scientifiques pour toute solution. La trame du problème a souvent consisté à chercher la bonne technologie. Les habituelles usines de traitement des effluents et des eaux usées sont des solutions couramment suggérées même si les coûts associés sont trop élevés et inabordables dans de nombreux endroits du monde en voie de développement.

Jeremy Allouche note que la Semaine mondiale de l'eau est un club élitiste :

Voici notre premier blog de la Semaine mondiale de l'eau -que certains appellent “le pèlerinage de l'eau”. Soit… Le prix du pèlerinage (environ 650£) en rend la participation difficile et cela en fait vraiment un club élitiste. Dans cette considération, on se demande quelle est l'utilité de ces événements internationaux de haut niveau et s'ils ne vont pas toujours répétant la même chose.

La coupure entre la conférence et le monde extérieur est parfois trop évidente : tandis que les médias internationaux font des reportages sur les inondations au Pakistan et les sécheresses au Niger, ici, la conférence se focalise sur des partenariats entre professionnels de l'eau sur des projets porteurs de nouvelles idées séduisantes. Bien que la qualité de l'eau soit l'axe central de la conférence, le changement climatique est un autre sujet d'actualité ici : intégration de l'eau et changement climatique, gouvernance / investissement pour l'eau et changement climatique, etc…. Ce n'est pas tout. Le point culminant de ce matin a été la session intitulée  “Revisiter la grande controverse du barrage”. Bien que le rapport de la Commission mondiale sur les barrages (WCD) ait été critiqué (en particulier en ce qui concerne les conseils de mise en oeuvre), il y a eu un certain consensus autour des principes et des valeurs qu'il exprimait. Mais à présent, avec le développement des stratégies d'adaptation au changement climatique et l'arrivée de nouveaux financiers, certains craignent que le nouveau contexte (WCD+10) puisse mettre un terme à ce fragile consensus.

Lyla Mehta examine la controverse à la conférence :

C'est mon quatrième jour à la Semaine mondiale de l'eau, la Mecque annuelle des décideurs politiques et des acteurs du Conseil mondial de l'eau, des programmes de l'eau et de l'assainissement (WSP), de l’ Institut de l'eau de Stockholm, de Water-Aid, de l'Institut international de la gestion de l'eau (IWMI) ainsi que de plusieurs agences des Nations-Unies, des agences bilatérales telles que le Ministère britannique du développement international (DFID) et d'autres qui peuvent se permettre de payer les droits d'entrée. La plupart de ces gens semblent venir pour réseauter, se rencontrer, dîner, prendre un verre, lancer de nouvelles initiatives et rapports… et même à l'occasion assister à la session!

J'ai longtemps fait de même, malgré mon espoir d'être davantage passionnée par certaines sessions et ateliers. La plupart d'entre eux ont été hautement techniques avec de nombreuses déclarations et perspectives mondiales identiques et déjà entendues depuis longtemps . Mais c'est probablement un reflet de la tendance dominante des discussions sur l'eau, que ce soit dans les domaines des médias, de la politique ou de la recherche…

Pour moi, le point culminant de la conférence fut la session intitulée “Revisiter la grande controverse du barrage” animée par le très passionnant journal en ligne Water Alternatives. Cela fait dix ans que la Commission mondiale sur les barrages a publié son rapport phare lequel fournissait des conseils quant à la construction de barrages en prenant en compte les aspects sociaux, environnementaux, économiques et institutionnels. Ce fut la seule session à laquelle j'aie assisté où il y avait passion et débats -ceci n'est pas surprenant si l'on considère le sujet- même si quelques-uns espéraient davantage d'effusion de sang ! En 10 ans, il y a eu beaucoup de progrès. Les directives de la Commission mondiale sur les barrages sont maintenant intégrées dans de nombreux nouveaux projets en cours à travers le monde. Le principe du “droit au consentement” de la Commission mondiale sur les barrages est de plus en plus admis dans beaucoup d'organisations et institutions mondiales.

De plus, il y a de nombreux désaccords idéologiques et un consensus assez flou sur les voies à prendre, avec des opposants de première heure  qui rejettent encore ouvertement les méthodes et les conclusions de la Commission mondiale sur les barrages. Ceci a été explicité par John Briscoe, ex-conseiller de la Banque mondiale qui a fièrement affirmé que la Commission mondiale sur les barrages et les commissions similaires devaient plier bagages puisqu'elles sont souvent rejetées par des pays constructeurs de barrages refusant leurs directives. Mais Briscoe n'a pas paru se rendre service ni à son ancienne institution en continuant à ignorer le fait que le développement des ressources en eau reste un processus hautement contesté, souvent influencé par des forces largement économico-politiques. De plus, les gouvernements du Sud qui se proclament “démocratiques” peuvent ne pas représenter nécessairement  les intérêts des pauvres, marginalisés par un développement basé sur les barrages.

Au final, la Semaine mondiale de l'eau  2010 à Stockholm a  révélé un large consensus sur des questions liées à l'eau comme le rapporte Alex McIntosh :

C'est au quatrième jour de la conférence à laquelle ont pris part 2500 personnes que quelques thèmes déterminants ont commencé à émerger. D'abord, dans la majorité des bassins-versants à travers le globe, nous en savons trop peu sur la quantité de l'eau disponible, sur la quantité extraite dans l'ensemble pour l'utilisation humaine ou sur sa qualité. Pour cette raison, au séminaire “Vers un rapport institutionnel sur l'eau”, des invités de Nature Conservancy, CERES, Quantis, PepsiCo, CH2M HILL, Unilever, Borealis et d'autres organisations étaient tous d'accord sur le fait que la tendance à une plus grande transparence sur l'eau continuerait, d'une part sous l'influence essentiellement d'hommes d'affaires ayant besoin d'obtenir des ressources en eau et d'en gérer la chaîne d'alimentation  et d'autre part, en réponse à la pression des consommateurs, des clients et des investisseurs-actionnaires.

Un second thème a émergé de la Semaine mondiale de l'eau, celui d'un consensus général entre les experts mondiaux de l'eau et les défenseurs de la thèse selon laquelle l'humanité aurait déjà dépassé le “point de sécurité” quant à son utilisation durable. Au séminaire intitulé ” L'avenir des technologies mondiales de l'eau”, des intervenants invités de chez McKinsey, ITT, Black & Veatch et d'autres encore ont structuré la discussion en se mettant d'accord sur quatre points.

  • Le monde fait face aujourd'hui à des défis significatifs quant aux ressources en eau et ils empireront dans les années qui viennent
  • Ne rien changer aux pratiques ne mettra pas un terme à la “fracture de l'eau”
  • Les solutions rentables et durables sont possibles mais requerront une approche économique globale
  • Une voie vers une transformation du secteur de l'eau existe

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