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Brésil : le droit au logement et le jardin botanique de Río de Janeiro

Catégories: Amérique latine, Brésil, Droit, Environnement, Gouvernance, Médias citoyens
Botanic Garden - Areas in Discussion [1]

Vue du jardin botanique sur une Google Map

Le jardin botanique de Río de Janeiro [2], “l'un des espaces verts les plus beaux et les mieux conservés de la ville”, est au centre d'un débat politique et social entre le gouvernement et les familles qui vivent dans la zone. Aujourd'hui, en plus du vieux combat judiciaire sur les droits de propriété sur ces terrains, la municipalité de Río de Janeiro est en train d'étudier un projet de loi qui a pour but d'assurer un logement aux familles qui y vivent [liens en portugais].

Le jardin fut créé le 13 juin 1808 par le Prince-Régent de l'époque, D. João VI [3], avec pour principal objectif d'acclimater les épices rapportées d'Orient par le Portugal, pays colonisateur du Brésil jusqu'en 1822. Fasciné par l'exubérance de la nature à Rio, D. João VI créa le jardin pour la cultures d'épices et de variétés pouvant générer des revenus. Le 11  octobre de la même année, il fut rebaptisé Jardin Roya [4]l et a été classé “réserve de biosphère [5]” par l’ UNESCO en 1992. Actuellement, il héberge un important Institut de recherche [6], lequel est responsable d'études scientifiques sur l'environnement tout autant que de la conservation des  82 hectares de forêt tropicale en ville. Le site web de l'Institut propose une intéressante collection iconographique [7] sur le Jardin botanique.

Vivre dans une réserve de biosphère

Selon l’Association des Résidents et des Amis du Jardin [8] [AMAHOR, portugais], le Jardin Botanique est habité depuis le début du 19ème siècle, lorsque l'on construisit des maisons pour les travailleurs d'une fabrique de poudre. Quelques décennies après, à la fermeture de la fabrique au 20ème siècle, les employés du Jardin Botanique furent autorisés à s'installer à l'intérieur du parc. Actuellement, la zone naturelle protégée est habitée par 600 familles, bien que le gouvernement ait essayé de les en faire partir depuis les années 80.

AMAHOR donne une série de considérations historiques pour demander que la zone soit convertie en une “Zone sociale d'intérêt particulier”  [AEIS] comme le prouve l'ébauche du projet de loi 161/2009 [9]. Ils croient que c'est “un sujet relevant du droit au logement” et que “le maintien des familles dans le Jardin, dans lequel elles se sont implantées et ont établi des liens, signifie que les souvenirs ne peuvent pas simplement être effacés par un déménagement forcé.” De cette manière, ils veulent assurer à la communauté de ces familles le droit d'avoir un statut leur permettant d'occuper les terrains et d'avoir accès aux services urbains telle que la distribution d'eau, pour améliorer les conditions de vie dans cette zone.

C'est aussi ce qu'un des auteurs du projet de loi, le conseiller municipal Eliomar Coelho [10], dit sur son blog. Il déclare qu'une partie de la communauté qui vit là descend des anciens travailleurs qui héritèrent des maisons et qui ont lutté pour protéger le jardin, en particulier des pressions des grandes compagnies, qui pourraient menacer le Jardin Botanique :

Le problème, c'est que ces familles occupent des zones qui appartiennent à l'Union [fédérale] et qu'elles encourent le risque imminent d'expulsion, motivée par la restitution de ses biens à l'Union fédérale.

Le Mouvement des Travailleurs Sans Toit [Movimento dos Trabalhadores Sem Teto [11]] soutient aussi le projet de loi et a lancé une pétition, comme il l'explique ici :

Les familles demande la régularisation par les procédures de CUEM — Contrat de Concession d'Usage à des fins d’ Habitat — ou de CDRU — Concession de Droit Réel d'Usage  —parce que celles-ci sont les instruments légitimes qui nous aideront à contenir les avancées de la spéculation immobilière, laquelle utilise les médias et les discours pré-mâchés dans l'intention d'humilier et de criminaliser les habitants de l’Horto (le jardin). Nos droits sont garantis par la Constitution  fédérale, par arrêté municipal de la ville et par la Charte organique de la municipalité. Nous allons lutter de manière infatigable pour la consolidation de ces DROITS, vu que d'autres zones de l'Union sont en train d'être tranquillement régularisées, sans contestation de la part des médias ou de l'élite que ces médias représentent.

[12]

Maisons construites à l'intérieur du Jardin botanique de Rio, photo du blog de Gustavo Sirelli

En réponse, une autre association avec un nom similaire à celui de AMAHOR, Résidents et Amis du Jardin Botanique [AMAJB] promeut une autre pétition, cette fois contre le projet de loi  161/2009. Ils indiquent que le nombre de maisons a augmenté et que si le projet de loi est approuvé, le nombre de personnes qui vit dans la zone augmentera encore plus grâce aux nouveaux services urbains concédés par la création de la Zone sociale d'intérêt particulier (AIES).

Beaucoup de citoyens sont attristés par ce projet, vu que la zone appartient au gouvernement, qui en a réclamé sans succès la restitution pendant des années par des procès. Sonia Rabello [13], professeur de droit administratif et de droit de l'urbanisme, en parle dans son blog :

Le logement est un droit de tous. Pas seulement de ceux qui se trouvent là. De fait, il faut avoir des politiques publiques solides et efficaces pour sa mise en œuvre. L'État, sous le prétexte de régularisation ici et là, n'a pas assumé sa charge de mettre le doigt où cela faisait mal, comme nous l'avons écrit ici. Dans le cas du  Jardin Botanique, il est le patrimoine de tous les Brésiliens, y compris d'autres milliers de pauvres qui ne savaient pas qu'ils pouvaient occuper le lieu pour avoir un futur “droit” au logement…

De nombreux débats ont lieu autour de ce projet de loi et de ses conséquences pour la collectivité, qui seront affectée par le destin du Jardin botanique. Un arbitrage judiciaire de la situation est essentiel pour garantir leurs droits tant au collectif des familles qu'aux citoyens brésiliens.