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Brésil : Deuxième tour pour l'élection présidentielle, les médias sociaux entrent en scène

Catégories: Amérique latine, Brésil, Cyber-activisme, Élections, Gouvernance, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Technologie

Une poussée de dernière minute de la candidate du parti Vert Marina Silva a entraîné l'élection présidentielle du Brésil dans un second tour [1] [en portugais comme tous les liens, sauf mention contraire] avec Dilma Rousseff donnée largement gagnante pour succéder à Luiz Inácio Lula da Silva, et qui a manqué de peu [2] devenir dès le premier tour la première femme à diriger le pays.

Dilma, la protégée de Lula au Parti des Travailleurs (PT), a remporté 47% des suffrages, sans atteindre les 50% nécessaires pour la majorité absolue, Marina Silva, 19%, et le principal rival de Mme Rousseff, José Serra des Social-Démocrates, 32.6%.

Le deuxième tour, fixé au 31 octobre, donne à M. Serra une “seconde chance de débattre du futur, du présent et du passé du Brésil” [3], a déclaré celui-ci aux journalistes [en anglais].

Pendant ce temps, bloguant sur le site alternatif d'actualités Carta Maior [1], Emiliano Jose a rappelé à ses lecteurs que le processus de démocratisation du Brésil n'a rien d'une promenade de santé :

É, no entanto, uma revolução inédita no Brasil, e que, levada adiante, pode assegurar a construção de uma nação não só poderosa economicamente, como já o somos, como também, e sobretudo, uma nação justa, que modifique nossas tradicionais estruturas voltadas à concentração de renda e à desigualdade, ainda das maiores do mundo entre nós. Uma nação que democraticamente incorpore em profundidade a presença do povo brasileiro, que pense o desenvolvimento sempre em razão da maioria, e não voltado a atender aos interesses de uma minoria. Por tudo isso, será essencial que nos coloquemos todos em campo, insistindo na importância de levar adiante tal revolução.

Ce n'en est pas moins une révolution sans précédent au Brésil, et cela, se poursuivant, peut assurer la construction d'une nation non seulement puissante économiquement, comme nous le sommes déjà, mais aussi, et surtout, une nation juste, qui modifie nos structures traditionnelles vouées à la concentration des revenus et à l'inégalité, encore les plus grandes au monde. Une nation qui intègre démocratiquement en profondeur la présence du peuple brésilien, qui pense le développement toujours en fonction de la majorité, et non au service des intérêts d'une minorité. Pour tout cela, il sera essentiel que nous nous placions tous sur le terrain, en insistant sur l'importance de faire avancer une telle révolution.

Sur le même portail, Emir Sader [4] ajoutait,

É uma ilusão considerar que o segundo turno é outra eleição. É a continuação do primeiro, em novas condições – de bipolarização. A campanha deve ser dirigida diretamente por Lula, deve ser centrada na comparação dos governos do FHC e do Lula, deve ter uma estratégia específica para o eleitorado da Marina e deve multiplicar os comícios e outros atos de massa – um diferencial importante entre as duas candidaturas.

Il est illusoire de considérer le second tour comme une autre élection. Il est une continuation du premier, dans de nouvelles conditions – de bipolarisation. La campagne doit être dirigée directement par Lula, elle doit être centrée sur la comparaison entre les gouvernements de FHC [Fernando Henrique Cardoso] et Lula, elle doit avoir une stratégie spécifique pour l'électorat de Marina et multiplier les meetings et autres actions de masses – une différenciation d'importance entre les deux candidatures.

La question controversée du rôle joué par les mass média brésiliens [5], notoires pour leur forte concentration et leur conformité politique, a aussi été un thème de discussion. Jose affirme que

A mídia hegemônica, outra vez, aquela das três famílias, ou das poucas, reduzidas famílias, fez o que podia e o que não podia para desacreditar Dilma Rousseff, para apresentá-la como uma candidata sem condições, tentando sempre envolvê-la em escândalos.

Les médias hégémoniques, à nouveau, ceux des trois familles, ou des quelques familles restreintes, ont fait le possible et l'impossible pour discréditer Dilma Rousseff, pour la présenter comme une candidate sans réelles conditions, essayant toujours de l'impliquer dans des scandales.

L'an dernier, un des principaux journaux du Brésil, Folha de São Pauloa essuyé le feu des critiques [6] [en français] après avoir publié une image d'un faux dossier criminel contre Mme Rousseff, proclamant en une qu'elle avait contribué au projet d'enlèvement de l'ancien ministre des finances Antonio Delfim Netto, en 1969. L'enlèvement, planifié par la guérilla d'extrême-gauche dont faisait partie Dilma, ne se réalisa pas, puisque les membres du mouvement furent capturés tout juste quelques semaines avant. Dilma a nié [7] toute participation ou connaissance de l'opération.

Pour le blogueur Eduardo Guimarães [8], les organes des médias traditionnels ont mené un “massacre accusatoire” contre Dilma tout au long de sa campagne. Il ajoute :

Com essa diferença descomunal de espaço para cada candidato nas grandes mídias, qualquer observador estrangeiro, se não conhecer a fundo a realidade política do Brasil, dirá que Dilma não tem qualquer chance de se eleger. A diferença de condições na disputa com seus dois principais adversários, é enorme. Se já tivéssemos instituições mais independentes do poder econômico, a Justiça eleitoral já teria tirado várias tevês e rádios do ar como punição por fazerem campanha para um lado.

Avec cette différence monumentale d'espace pour chaque candidat dans les grands médias, tout observateur étranger qui ne connaîtrait pas à fond la réalité politique du Brésil dirait que Dilma n'a aucune chance d'être élue. La différence de conditions dans la dispute avec ses deux principaux adversaires est énorme. Si nous avions enfin des institutions plus indépendantes du pouvoir économique, le tribunal électoral aurait déjà coupé un certain nombre de télévisions et de radios pour les punir de faire campagne [illégalement] pour un côté.

Du coup, ceux qui ont tiré leur épingle du jeu, ce sont les médias sociaux, [9] dont le rôle pour renforcer la participation citoyenne dans le processus électoral et diversifier le débat public a été sans égal. Ce billet [10] de Tiago Doria décrit une foule d'initiatives de médias citoyens utilisées pendant toute la période électorale, dont Eleitor 2010 [11], une plate-forme basée sur Ushahidi servant à cartographier des dénonciations [12] d'infractions électorales présumées, et 48h Democracia [13] qui a apporté des vidéos, informations et bulletins d'internautes sur les élections pour proposer une couverture autre que celle des médias traditionnels. De tels projets, aux côtés, par exemple, d'une carte de la censure électorale [14]publiée par le Centre Knight pour le Journalisme dans les Amériques, basé au Texas [en anglais], a réussi à étendre la participation civique à une communauté élargie.

[15]

Eleitor 2010, une plate-forme en ligne pour cartographier les infractions électorales alléguées

Doria écrit :

Alguns são projetos desenvolvidos por pessoas comuns, que tradicionalmente estariam fora do processo eleitoral ou da produção de notícias relacionadas ao pleito.

Muitos prometem continuar no ar. A grande maioria foi criada como ferramenta de fiscalização, e, justamente por isso, terá sobrevida após as eleições.

Certains sont des projets développés par des gens ordinaires, qui traditionnellement seraient loin du processus électoral ou de la production de nouvelles s'y rapportant.
Beaucoup promettent de continuer en ligne. La grande majorité a été créée comme des outils de surveillance, et précisément pour cela, ils survivront après les élections.

Le clip ci-dessous, filmé à Sapopemba, São Paulo, montre de la propagande électorale illégale accumulée devant un bureau de vote le jour du scrutin. De telles pratiques se poursuivent, bien qu'il soit interdit au Brésil de distribuer ce genre de propagande après 22 heures la veille d'une élection.

L'espace de discussion plus vaste stimulé par les nouveaux médias semble avoir créé un précédent pour la liberté d'expression et remis en question le rôle de la presse dans les procédures politiques brésiliennes. Carlos Castilho, qui écrit aussi sur Observatorio da Imprensa [16] le dit :

Ninguém quer a ditadura de uma única percepção da realidade — portanto, se as empresas jornalísticas desejarem continuar cumprindo o seu papel de provedoras de informação terão que colocar a diversidade informativa como um dos seus objetivos centrais. Isto pode ajudar a anular a percepção de que a imprensa transformou-se num partido político.

Personne ne veut la dictature d'une perception unique de la réalité – et donc, si les entreprises journalistiques veulent continuer à remplir leur rôle de fournisseurs d'information, elles doivent placer la diversité informative au centre de leurs objectifs. Ceci peut aider à annuler la perception que la presse s'est transformée en parti politique.

Paula Goes [17] et Diego Casaes [18] ont contribué à ce billet.