[liens en anglais sauf mention contraire] Avoir un président branché nouvelles technologies semble être un atout pour la diplomatie officielle russe (du moins, pour ses efforts). Dmitri Medvedev a voulu se rapprocher du peuple russe, comme du reste du monde, par le biais de ses comptes Twitter personnels (vérifiés !) (en russe et en anglais), ses blogs officiels (aussi en russe et en anglais), et la chaîne officielle YouTube du Kremlin (où, en passant, les commentaires sont désactivés). Ayant mêlé ce que beaucoup aux États-Unis différencieraient entre affaires publiques et diplomatie, Medvedev couvre souvent des sujets qui se chevauchent, particulièrement quand il s'agit des questions relatives à “l'étranger proche” [pays dans la sphère d'influence traditionnelle] de la Russie.
Dans la dernière vidéo de son blog, par exemple, Medvedev exprimait ses préoccupations sur le sentiment anti-russe en Biélorussie (où les élections présidentielles auront lieu l'année prochaine), et critiquait le président Alexandre Loukachenko pour tenter de faire passer la Russie pour le nouvel “ennemi extérieur” du peuple biélorusse. Voici quelques extraits de la transcription en anglais (l'original en russe est ici) :
“Je veux m'adresser au peuple russe comme au peuple biélorusse. Après tout, nous sommes tous citoyens de l'Union de la Russie et de la Biélorussie [en français].
C'est ma sincère conviction que notre pays a toujours traité et continuera à traiter les Biélorusses comme nos plus proches voisins. Nous sommes unis par des siècles d'histoire, une culture commune, des joies et des chagrins partagés. Nous n'oublierons jamais que nos pays – et j'ai toujours envie de dire “notre pays” – ont souffert des pertes énormes pendant la Grande guerre patriotique [front de l'est de la seconde guerre mondiale]. Ensemble nous avons survécu à ces temps terribles de collectivisation, de famine et de répressions.
Aujourd'hui, nos pays sont partenaires dans l'Union de la Russie et de la Biélorussie. Nos pays sont aussi activement engagés dans la création d'une Union Douanière, dans le développement de l'EurAsEC, du CSTO et de la Communauté des Etats indépendants. […] nous avons toujours aidé le peuple de Biélorussie. En fait, depuis la chute de l'Union Soviétique il y a près de 20 ans, le montant de ces aides, quoi qu'ils en disent, a été énorme. Pour cette année seulement, notre aide à la Biélorussie sous forme de conditions favorables pour la fourniture de pétrole s'est élevée à près de deux milliards de dollars. Il y a des subventions comparables pour la fourniture de gaz russe à la Biélorussie. Nous faisons tout cela parce que nous croyons fermement que nos nations sont inextricablement liées.
[…] Dans ses commentaires, le président Loukachenko sort du cadre non seulement du protocole diplomatique mais aussi de la décence humaine la plus élémentaire. Cependant cela ne m'étonne pas.
[…] Et, bien sûr, nous ne l'oublierons pas quand nous établissons des relations avec l'actuel président de Biélorussie.
Un flot d'accusations et d'injures a été dirigé directement contre la Russie et ses dirigeants.Toute la campagne électorale de M. Loukachenko est basée dessus. […] Bien sûr, ce n'est pas ce qui définit les relations entre nations et entre individus.
[…] Je voudrais juste dire clairement : la Russie est prête à développer des relations d'alliée avec la Biélorussie. Peu importe qui dirige la Russie et la Biélorussie, nos peuples seront toujours frères. Nous ne voulons pas que nos citoyens vivent dans la peur, mais dans une atmosphère de paix, de démocratie et de justice. Et nous sommes prêts à avancer dans cette direction avec nos amis biélorusses.”
La nouvelle “déclaration” du blog du président a aussi été spécialement mentionnée sur Russia Today TV – la chaîne russe pour l'étranger – qui a relayé sans ménagements le message de M. Medvedev, exprimant également clairement en anglais ses positions pour les audiences étrangères.
C'est un parfait exemple de diplomatie vraiment publique : non seulement M. Medvedev parle directement aux Biélorusses, mais il exprime aussi sa désapprobation de M. Loukachenko en public, devant le monde entier. Bien sûr, ni la déclaration ni le médium – en eux-mêmes- ne permettent de mesurer l'efficacité du message en question ; cependant le président (et son équipe de Relations publiques et développement personnel) devraient être félicités pour sa volonté de cultiver le développement personnel.
Il est encore plus intéressant de noter que ces commentaires de M. Medvedev paraissent quelques jours après que M. Loukachenko eut déclaré ne pas être intéressé par l'idée d'ouvrir un blog [en russe]. Le 24 septembre, après s'être officiellement fait enregistrer comme candidat aux prochaines élections, il disait :
“Je n'ai pas de blog personnel et je n'ai pas l'intention d'en lancer un, simplement parce que je n'en ai pas besoin. […] Pour montrer à quel point je suis évolué… je ne veux pas faire de l'esbroufe.
[…] Je ne peux pas me vanter de beaucoup de choses qui ne soient pas liées à mes activités en tant que président. Il y a très, très peu de cela qui est privé […] au delà de la présidence. Pourquoi aurais-je besoin d'un blog si j'ai un site présidentiel ?
[…] J'exprimerai mes opinions sur ce site web, pas sur quelque blog.”
Il est donc très adéquat que le président Medvedev ait spécialement choisi de répondre aux éclats de M. Loukachenko via son blog. Le seul problème est que ce dernier pourrait rater son message puisqu'il a dit ne pas lire de blogs [en russe] : quelle perte de temps !
Connexe : Des liens vers cette nouvelle entrée du blog ont été publiés sur le flux RSS du compte Twitter officiel du président, et celui de son blog. Ces deux tweets consécutifs disent [en russe]:
“Cette tension absurde avec la Biélorussie ne va certainement pas durer.”
“La Russie a toujours traité – et continuera à le faire – la Biélorussie comme son voisin le plus proche.”
En réponse, le faux compte Twitter satirique du Kremlin, @KermlinRussia, a tweeté [en russe]:
“L'indépendance absurde de la Biélorussie ne va certainement pas durer.”
“La Biélorussie a toujours été – et sera toujours – une partie de son voisin le plus proche. La Russie.”