Après la première partie, voici la description par le blogueur anonyme de sa vie en prison et de son retour à la société.
La vie au centre de détention
L'ambiance était complètement différente de celle de la station de police, davantage celle d'une prison. Tout autour de nous il y avait une haute clôture. On a immédiatement contrôlé mes affaires et m'a fouillé au corps. Ç'a été vraiment horrible. J'étais complètement nu et ils m'ont vérifié les organes génitaux et l'anus. Ils ne m'ont rien enfoncé dans le derrière mais il a été inspecté de fond en comble et tout le monde pouvait voir mon trou du cul. C'était vraiment humiliant, car je n'avais jamais rien fait de semblable, même dans l'intimité…
Ici pour la première fois ils m'ont fait porter le même uniforme que les autres détenus. Je me rappelle avoir pensé “je suis donc finalement tombé si bas ?!”
On m'a donné un matricule commun à la police, au centre de détention et plus tard dans la prison, puis emmené à ma cellule. De ce moment j'ai cessé d'avoir un nom et étais appelé uniquement par mon matricule, comme du bétail…
Il y avait dix personnes dans ma cellule qui était prévue pour sept, une des conséquences de la surpopulation des prisons.
J'ai tout de suite été angoissé, car les individus ici avaient l'air de pouvoir être plus durs que ceux dans les cellules de police.. Est-ce que j'allais y arriver ici ? Eh bien.. je suppose que je n'avais pas le choix…
Comme c'est une vie communautaire, il y a de nombreuses règles et chaque cellule a ses particularités. Il y a un ordre fixé pour le nettoyage et les corvées, et le nettoyage du W.C. est fait par le dernier arrivé. En fonction de la venue d'un nouveau détenu, vous pouvez n'avoir à nettoyer le W.C. qu'une fois, mais moi, je l'ai fait pendant une semaine…
J'en avais entendu parler, mais c'est exact que ceux qui ont été arrêtés pour viol ou attentat à la pudeur se font malmener en prison. Il y en avait beaucoup, et au pire des cas on leur volait leurs affaires, ils recevaient des coups de pied ou se faisaient casser le nez… Un centre de détention est vraiment un endroit qui fait peur.
C'est la première impression qui compte, et si vous devenez quelqu'un dont on peut se moquer, alors vous serez malmené.
Autrement dit, comme ils n'ont rien d'autre à faire, cela se passe ordinairement ainsi. Ce qui est dit et fait n'est pas très différent du comportement des enfants à l'école primaire. J'ai dit moi aussi un tas de bêtises, de même qu'à l'école primaire, je n'ai malmené personne et ne l'ai pas été moi-même.
Autant que je me rappelle, les délits de mes co-détenus étaient : voies de fait avec dommages, vol, infractions liées à la drogue, commerce de DVD piratés, attentat à la pudeur, harcèlement public, incendie volontaire, jeux d'argent illégaux, relation avec des prostituées mineures, faux en écritures publiques, fraude, contrefaçon, cambriolage, chantage, menaces, entraves à l'activité d'entreprise, effraction et violation de la loi sur le contrôle des armes à feu…
La promenade était tous les deux jours mais il n'était pas obligatoire de sortir. Même si ça s'appelle promenade, ça veut dire une cinquantaine de personnes marchant en rond pendant une vingtaine de 20 minutes dans un étroit espace de 20 mètres carrés du bâtiment où ne pénètre pratiquement pas un rayon de soleil.
Sans courir. Sans parler. Pour ça chaque centre est différent, mais pendant ces 20 minutes on nous permettait de nous couper les ongles. Comme il n'y avait que quelques coupe-ongles, sitôt le ‘départ du temps de promenade’ annoncé, ceux qui voulaient être les premiers couraient du plus vite qu'ils pouvaient vers le type chargé de garder les coupe-ongles.
Comme les chutes d'ongle étaient ensuite laissées dans le coin du terrain de promenade, c'était vraiment répugnant.
Ceux qui étaient en cellules d'isolement avaient leur temps de promenade sur la toiture-terrasse, dans un espace grillagé appelé la ‘volière’. Je préférais ça car ça ne vaut pas la peine de se battre pour un coupe-ongles, j'aimais particulièrement la vue qui était vraiment bien. Je ne pouvais voir qu'un bout de paysage, mais voir la ville que je connaissais et les trains circuler me faisaient ressentir la liberté au-delà des murs…
Voici ce que j'ai appris pendant ma peine de prison. Les vrais yakuza ne touchent pas les honnêtes gens et prennent soin des autres. Les hommes de main et les voyous se comportent de façon malhonnête et sont arrogants et puérils. Chose étonnante, il y a beaucoup de yakuza nord-coréens. Dans la prison de Tokyo il y avait beaucoup de ces voyous, et je détestais ça.
J'ai entendu beaucoup d'histoires secrètes, et elles étaient très intéressantes. Avec ma seule expérience de salarié, il y avait tant de choses que j'ignorais.
J'avais cru jusqu'alors que j'avais une vie normale, mais ça m'a fait apprendre qu'il n'existe pas de vie ‘normale’. La vie quotidienne de chacun est normale…
Un an après mon incarcération, on m'infligea une peine de quatre ans et six mois et ce fut un choc pour moi. Le type du centre essaya de me réconforter en disant : “Considérant ton crime, tu t'es débrouillé”, mais même avec une bonne conduite ça aurait seulement fait trois ans et dix mois, ce qui semblait très longtemps….
J'étais écartelé entre faire appel ou non, mais étant donné que mes parents le souhaitaient vivement, je décidai de faire appel. A ce stade, mon transfert au pénitencier de Tokyo fut décidé.
Le procès en première instance se tient d'ordinaire au tribunal local de chaque préfecture ou district, mais comme la cour d'appel de la circonscription où j'étais était la Haute Cour de Tokyo, la juridiction était Tokyo.
Ma vie agréable en cellule individuelle était donc terminée. Au nouveau lieu je fis une requête pour une cellule individuelle, comme au centre de détention précédent, mais elle fut refusée.
Et on m'a remis dans une cellule collective…
Le centre de détention de Tokyo était différent de l'autre en ce que les installations étaient neuves et c'était un bâtiment à plusieurs étages équipé de la climatisation et du chauffage…
Le plus difficile pour moi en prison a été de vivre avec de complets étrangers.
Des confrères en délinquance qui se rencontrent la première fois, ce sont des ennuis assurés, et pour quelqu'un comme moi qui est mal à l'aise en collectivité, rien n'était plus pénible. Même sans m'en rendre compte, j'ai accumulé une grande quantité de stress en vivant constamment avec les autres.
J'ai presque fait une dépression. Je me suis dit que cela faisait aussi partie de la punition et j'ai fait avec, mais j'ai été si souvent presque rendu fou par ces individus égoïstes. Même si du point de vue de quelqu'un de normal, je suis sûrement pareil à eux.
Pendant une visite, quand j'ai vu ma mère plaider avec le surveillant de service, en demandant “S'il vous plaît, ne pourriez-vous pas lui faire avoir une cellule individuelle ?”, une larme a coulé de mes yeux.
Il est indéniable que ma famille elle aussi a été une ‘victime’..
Pour le restant de mes jours, je ne pourrai plus relever la tête devant mes parents….
Peut-être parce que pendant longtemps j'avais été dans un endroit où je pouvais seulement voir une petite portion de paysage depuis une prison qui ne change jamais…
On dit souvent que, parce qu'en prison on vous dit quoi faire et que vous n'avez la permission que de faire un certain nombre de choses, vous perdez votre autonomie, mais je ne crois pas que c'était mon cas… encore que comparé à avant, je prends peut-être moins l'initiative…
Je pensais aussi qu'à peine sorti je mangerais ceci ou cela, mais ce ne fut pas le cas. Même maintenant, je me retrouve à acheter les mêmes en-cas ou nouilles instantanées que je mangeais en prison. Même ceux qui pour une personne normale ne sont que des en-cas, pour moi ils ont le goût de la prison…
Amis, amante, emploi, statut social, confiance, argent, temps. Si je devais tout additionner il n'y aurait presque pas de limite.
Je suis vraiment reconnaissant à ma famille et à ceux de mes amis qui sont toujours avec quelqu'un comme moi qui s'est sali les mains. Que puis-je faire pour eux ?