Pérou : trois semaines de suspens et une nouvelle maire pour Lima

Mise à jour du 27 octobre : Le Pérou Times écrit que «plus de trois semaines après que les habitants de Lima sont allés aux urnes pour élire un nouveau maire, la candidate conservatrice Lourdes Flores a concédée la victoire à Susana Villarán du parti de gauche Force Sociale». La República a publié une vidéo dans laquelle Lourdes Flores admet sa défaite.

Ceci est la traduction d'un billet publié le 25 octobre sur globalizado (en espagnol)

[Liens en espagnol] Plus de trois semaines après les élections municipales, les habitants de Lima ne sont toujours pas certains de qui sera leur prochain maire. Ce retard dans le dépouillement du scrutin semble indigne de l'ère de l'Internet, mais même si l'organisme gouvernemental en charge, l'ONPE (Office National des Processus Électoraux), avait mis au point le projet de vote électronique depuis un certain temps, il n'y avait jusqu'alors pas de volonté politique pour en faire usage, quand, suite à la pression des médias et du grand public en général, le Congrès péruvien a adopté un projet de loi visant à la mise en œuvre graduelle et progressive du vote électronique. Juste avant l'examen de la loi, le journaliste Juan Carlos Luján donnait son opinion :

Llama mucho la atención escuchar o leer declaraciones de políticos que casi poco o nada saben sobre la propuesta elaborada por la ONPE. Desde comienzos de año la ONPE experimenta con un sistema desarrollado íntegramente en el Perú con aportes de Innova PUCP y la Universidad Nacional Mayor de San Marcos. Tuve ocasión de verlo en funcionamiento y la verdad es que trae novedades que espero puedan apreciar bien aquellos que hablan a diestra y siniestra sobre un tema poco conocido -o mejor dicho- divulgado. Y ahí sí una critica constructiva a la ONPE. Debieron difundir ampliamente el tema entre quiénes tienen hoy el poder de decidir su aprobación.

Il est édifiant d'écouter et de lire les déclarations des hommes politiques qui ne connaissent que très peu ou rien au sujet de la proposition préparée par l'ONPE. Depuis le début de l'année, l'ONPE a expérimenté un système intégralement développé au Pérou avec le soutien d'Innova PUCP et de l'Université Nationale de San Marcos. J'ai eu l'occasion de le voir en fonctionnement et il est vrai qu'il apporte de nouvelles fonctionnalités qui, je l'espère, pourront être appréciées par ceux qui parlent à gauche comme à droite d'un sujet peu connu, ou plutôt, peu divulgué. Nous avons ici des critiques constructives pour l'ONPE. Ils devraient répandre largement le sujet auprès de ceux qui ont aujourd'hui le pouvoir de décider de son approbation.

Mais pour en revenir au sujet des élections, au moment de la rédaction de ces lignes, il a été rapporté «qu'avec 96,484 pour cent des bulletins de vote comptés … la candidate … Susan Villarán, obtient 38,381 pour cent des voix, et Lourdes Flores … 37,592 pour cent des voix … la différence entre les deux candidates est de 34 882 voix». C'est précisément cette différence minime entre les deux candidates qui a attiré l'attention sur le vote électronique, puisque dans les cas précédents, lorsque la différence de voix était claire et indiscutable, le gagnant pouvait être déterminé avec une certitude mathématique et le reste des voix, ainsi que le contrôle des votes, n'avaient que peu d'importance, paramètres qui sont décisifs dans ce cas.

Ce lent processus a soulevé toutes sortes de doutes, de soupçons et même des accusations de tentative de fraude, principalement par les partisans de Force Sociale (Fuerza social), le parti de Susana Villarán, qui, malgré une marge étroite, a conservé la tête durant tout le processus. Lundi, Susana Villarán a organisé un piquet de grève devant le Jury National des Élections (JNE) pour « défendre le vote de tous les habitants de Lima » et « pour que le retard dans la publication des résultats des élections ne se répète pas pour les élections générales d'avril 2011 ». Manifestation qui a été rejeté par les partisans de Lourdes Flores, son adversaire politique, qui a déclaré que « de même que la peur a été suscitée dans la population par des pratiques terroristes, Susan Villarán projette d'en faire de même concernant le système électoral ». Il convient de souligner que l'association de Susana Villarán avec des groupes d'extrême gauche a été largement utilisée pendant la campagne.

Un sous-produit de ce processus électoral a été la campagne titrée « Adopter un bulletin de vote » , lancée quelques jours avant les élections par des partisans de Susana Villarán qui craignaient de ne pas pouvoir faire face au coûts de l'inspection (53 Sucres ou 18,97 USD chacun) de plus de 8 300 procès verbaux de vote qui se trouvaient en la possession des Jurys Électoraux Spéciaux du JNE. L'idée était que les membres du parti et sympathisants participeraient à la prise en charge du coût d'inspection d'un ou plusieurs procès verbaux. Mais l'idée n'a pas réellement porté ses fruits et il semble qu'il ne sera finalement pas nécessaire d'examiner beaucoup de procès verbaux. Toutefois, les blogueurs comme l'économiste Silvio Rendón de la Gran Combo Club croient que rien n'est encore certain concernant les résultats électoraux :

En Lima: Tendencias en el escrutinio [es] señalé que “La tendencia es a la convergencia entre los porcentajes de las dos candidatas” y, en base a una extrapolación lineal, señalé también que Flores iba camino a alcanzar a Villarán. … Que Flores pase y gane a Villarán puede ciertamente no ser el resultado final pues, efectivamente, faltan las actas de las zonas en que gana Villarán, pero sí que tiene un significado político y psicológico nada desdeñable. Lourdes Flores incluso perdiendo la alcaldía sale reivindicada y fortalecida de una elección ajustada.

Dans Lima: tendances du scrutin j'ai fait remarquer que « la tendance est à la convergence des pourcentages entre les deux candidats » et, sur la base d'une extrapolation linéaire, j'ai aussi souligné que Flores est en passe de rattraper Villarán… Que Flores dépasse et batte Villarán pourrait très bien ne pas être le résultat final car, en fait, restent les procès verbaux de vote des zones que Villarán a conquises, mais cela a une signification politique et psychologique indéniable. Même su elle perd la mairie, Lourdes Flores serait renforcée et légitimée par une élection serrée.

Cependant, tout le monde n'en pense pas autant. Le blogueur Troba de Trobando Voy, par exemple, écrit entre autres que :

En Perú, cuando los dueños de la pelota pierden las elecciones, éstos se olvidan de sus fingidos modales democráticos y se les sale el corazoncito facho y gamonal: ensucian el conteo, demoran el proceso, manipulan a su antojo las cifras, dinamitan la esperanza y la legítima celebración de los demonizados de siempre, que se ganaron el triunfo a base de sudor, unidad y esfuerzo … Es que nunca la vieron venir. Ni en sus peores pesadillas soñaron perder Lima, su otrora irreductible bastión. Mucho menos frente a una Alianza de Izquierdas, siempre satanizados o tildados de rojos, violentistas, retrógrados. La eterna candidata de los ricos y de los narcos ha tenido su más dolorosa derrota, pese a las absurdas explicaciones de “expertos” para parecerla triunfadora, o perdedora por un estrecho margen: perder una elección donde llegó a tener 30 puntos de ventaja, faltando 3 meses, es una derrota inobjetable.

Au Pérou, lorsque les titulaires perdent les élections, ils oublient leurs prétendues manières démocratiques : ils altèrent le scrutin, retardent le processus, manipulent les chiffres à leur plaisir, ils brisent l'espoir et les célébrations légitimes de ceux habituellement diabolisés, qui ont gagné leur victoire à la sueur de leur front, par l'unité et l'effort … Ils ne le voient jamais venir. Pas même dans leurs pires cauchemars n'ont-ils imaginé perdre Lima, leur bastion autrefois inflexible. Encore moins face à une Alliance de gauche, toujours diabolisée ou désignée comme celle de rouges, violents et rétrogrades. L'éternelle candidate des riches et des narcos ont connu sa défaite la plus douloureuse, malgré les explications absurdes des «experts» pour la faire paraitre triomphante, perdant par une faible marge: perdre une élection alors qu'elle possédait 30 points d'avance 3 mois avant le scrutin est une défaite incontestable.

Pendant ce temps, les porte-parole officiels du gouvernement ont demandé aux candidats attendant les résultats officiels de rester calmes. Les résultats pourraient être disponibles mardi ou au cours de la semaine, et ils ont déclaré que les procédures électorales pourraient être accélérées pour les élections présidentielles l'année prochaine. Certains blogueurs font circuler des informations sur les membres possibles du Conseil des Communes et d'autres spéculent déjà sur les alliances possibles et les remaniements politiques qui pourraient avoir lieu avant les élections présidentielles, qui, au vu de celle-ci, promettent d'être très serrées, et pourquoi ne pas le dire, sales.

Illustration de l'utilisateur de Flickr Jonathan Ziapour, utilisée sous  licence Creative Commons

1 commentaire

  • Tout est dit dans le mot “scrutin”, synonyme d’élection : “scrutin” vient du latin scrutinium, action de fouiller, qui a donné aussi le mot “scruter” dont les synonymes sont regarder, examiner, inspecter, observer.

    La transparence s’entend dans le monde réel (et non dans le monde virtuel). C’est la garantie que les scrutateurs pourront s’assurer directement (sans intermédiaire) que les élections se déroulent bien.
    La transparence permet aux électeurs d’avoir confiance dans le système électoral, c’est la confiance des électeurs dans le système électoral qui garantit la légitimité des élus.

    Sans transparence la confiance se fragilise. Les conséquences apparaissent en cas de contestation des résultats : les électeurs doutent du résultat car ils n’ont pas pu contrôler le bon déroulement des élections, les élus sont contestés dans leur légitimité et ne peuvent gouverner sereinement.

    Avec le vote électronique il n’y a aucune transparence directe, plus de scrutateurs (officiellement !), aucune possibilité de détecter la plupart des fraudes ou dysfonctionnement.

    Loin d’être une remarque de passéiste technophobe, ce point de vue est exprimé par les informaticiens les plus pointus.
    L’ASTI, association de 5000 informaticiens (chercheurs et professionnels) : «l’ASTI recommande que […] pouvoirs publics, partis politiques et société civile ne recourent en aucune manière au vote électronique anonyme »
    http://www.ordinateurs-de-vote.org/Communique-du-20-decembre-2007-Une,10360.html

    Comme à Lima, ce nouveau mode de vote s’étend en France. De nombreuses communes continuent à imposer ce nouveau mode de vote à leurs électeurs : Brest, Le Mans, Le Havre, Boulogne-Billancourt, Issy-les-Moulineaux, Marignane, Suresnes, Orange, Stains, Bourges, Mulhouse, Sèvres, Pornichet, Nevers, Mimizan, Meylan, Epernay, Vauréal, Valbonne, Trégueux, Bagnolet, Garches, Antony, etc.
    Pétition nationale pour le maintien du vote papier (déjà plus de cent mille signatures) : http://www.ordinateurs-de-vote.org/Comment-agir.html

    Signer et FAIRE SIGNER la pétition nationale pour le maintien du vote papier (déjà plus de cent mille signatures), c’est important !
    http://www.ordinateurs-de-vote.org/Comment-agir.html

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