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Bulgarie : Réactions à la victoire de Dilma Rousseff au Brésil

Catégories: Amérique latine, Europe Centrale et de l'Est, Brésil, Bulgarie, Élections, Femmes et genre, Gouvernance, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Politique, Relations internationales

La Une d'un journal bulgare le 1er novembre

[liens en bulgare sauf mention contraire] La victoire de Dilma Rousseff [1] [en français] aux élections présidentielles brésiliennes est l'objet de nombreuses conversations en ligne en Bulgarie où elle a ses racines [2] [en anglais].

False Flag, un blog bulgare sur la politique internationale, écrit ceci [3] :

Depuis quelque temps maintenant on peut noter de l'intérêt en Bulgarie pour les élections présidentielles brésiliennes. Ce soudain intérêt de la société bulgare tient au fait que la candidate favorite est à moitié bulgare.

Le père de Dilma Rousseff est un émigrant bulgare – Peter Roussev. Il fut, entre autres, un membre actif du Parti Communiste Bulgare pendant les années 20, une période marquée par [l’attentat de la cathédrale Sveta-Nedelja de Sofia [4] – en français]. A la fin des années 20, il fuit les persécutions politiques et se réfugie en France puis en Amérique Latine avant de s'installer au Brésil.

Voici un commentaire d'un lecteur du False Flag :

Quelle joie, quel miracle, formidable… J'en ai assez d'entendre parler de cette guérilla. Si elle représente quoi que ce soit, c'est notre “exportation de la révolution” selon les directives du camarade Lénine.

24 Heures, un des journaux bulgares au plus gros tirage, a publié un entretien [5] avec Mme Rousseff :

678 jours ou 1 an, 10 mois et 7 jours. Beaucoup de temps s'est écoulé entre le 17 novembre 2008, date à laquelle le quotidien 24 Heures demandait un entretien à Dilma Rousseff, et le jour où il a eu lieu, le 24 septembre 2010. Pendant cette période, il y a eu des dizaines de conversations téléphoniques avec son cabinet, son parti, et finalement, son QG de campagne.

- Mme Rousseff, quels sont vos sentiments envers la Bulgarie, le pays natal de votre père ?

- Ce sont des sentiments de tendresse et d'amour. Et je dirais que dans une certaine mesure je me sens bulgare, même si je n'ai jamais visité le pays où mon père est né. Malheureusement, je n'ai jamais rencontré mon frère Luben qui est décédé il y a deux ans. Je sais que vous l'avez rencontré et avez parlé de lui, ce dont je vous suis très reconnaissante. Mon père est décédé alors que je n'avais que 15 ans, donc je n'ai pas pu apprendre le bulgare avec lui. Je connaissais quelques mots mais je les ai oubliés.

- Devons-nous nous attendre à votre visite ?

- Sans aucun doute, je viendrai.

- En tant que présidente du Brésil ?

- Si Dieu le veut.

- Permettez moi de vous remettre une lettre et un petit cadeau de votre cousine Tsanka Kamenova, qui vit à Sofia, ainsi que les salutations d'une autre cousine, Nadejda Hristova, qui vit au Canada. Elles vous souhaitent bonne chance aux élections.

- Je les remercie du fond du cœur. Ma famille en Bulgarie peut s'attendre à me voir bientôt. J'ai vraiment hâte de faire finalement leur connaissance.

Eli, l'auteur d'un blog bulgare appelé Razmishlyotini, écrit [6] :

D'un point de vue féministe, Rousseff est un phénomène, pas seulement parce qu'elle est la première femme élue présidente du Brésil. Il y a beaucoup d'autres exemples –  Mireya Moskoso au Panama, Violeta Chamorro au Nicaragua, Michelle Bachelet au Chili et Cristina Fernandez en Argentine. Mais elles ont toutes gravi les échelons de la politique avec l'aide d'un homme de leur famille – que ce soit un mari, un père… Rousseff est peut être la première à avoir réussi sans ce genre de soutien. Alors qu'elle a divorcé deux fois, et qu'elle a une fille. Pendant sa chimiothérapie contre le cancer, elle a dû faire des efforts ,au début de sa campagne, pour son maquillage et son apparence. N'oublions pas que nous parlons du Brésil, un pays où la beauté est l'un des facteurs d'acceptation sociale les plus importants pour une femme, quelle que soit sa profession.

La campagne électorale de Dilma Rousseff était centrée sur l'amélioration des infrastructures du pays et l'éducation, fait auquel les États-Unis devraient payer attention.

Une autre blogueuse bulgare, Vessela, écrit ceci [7] sur son blog :

Je ne comprends pas cette euphorie à la télé avec Dilma Rousseff qui pourrait devenir présidente du Brésil. Bon, d'accord, elle a des origines bulgares. Sarkozy a des origines hongroises et je ne me rappelle pas que les médias hongrois se soient enflammés comme cela pendant sa campagne.

De nombreux média en ligne ont parlé de Gabrovo [8] [en français], une ville bulgare réputée pour être “une capitale internationale de l'humour et la satire [9]” [en anglais]- et la ville où le père de Rousseff est né.

L'agence de presse bulgare Darik écrit ceci [10] :

La municipalité de Gabrovo a envoyé un message de félicitations à la nouvelle présidente du Brésil, Dilma Rousseff. Il lui souhaite le succès et exprime sa confiance dans les résultats de son mandat comme présidente.

“Nous sommes convaincus que la passion brésilienne, alliée à l'esprit de défi bulgare et à l'esprit d'entreprise de Gabrovo, dirigeront avec succès l'une des économies à la croissance la plus rapide au monde,” écrit Gabrovo.

Le quotidien 24 heures publiait cette intéressante histoire [11] sur son site :

Une exposition intitulée “Les racines gabrovoniennes de la candidate aux élections présidentielles brésiliennes Dilma Rousseff” a ouvert hier au musée d'histoire de Gabrovo. Trente cinq photos d'archives et deux arbres généalogiques prouvent ses racines locales. Krassimira Cholakova, du musée, explique que tout a commencé quand deux importantes familles de Gabrovo se sont alliées. Stefan Roussev de la famille Rousschouchky a épousé Tsana Kornajeva de la famille Doskov. Peter Roussev, l'un de leurs cinq enfants, a quité la Bulgarie en 1929 et s'est plus tard installé au Brésil où il était connu comme Pedro Rousseff.

Les deux familles sont liées à des membres d'autres importantes familles de Gabrovo, dont celle du premier maire de la ville après la Libération Nationale – Tsoniou Michkovets, Nikola Racheev,  l'homme qui a ouvert la première usine de traitement du lin dans le pays, et Peter Pechev, qui fut plusieurs fois ministre dans différents gouvernements bulgares après 1878. Beaucoup de membres de la famille de Dilma étaient membres des partis Narodniak et Social-Démocrate. Il n'y a cependant aucun document historique qui prouve que Peter Roussev était membre d'un parti politique. Il est possible qu'il n'ait pas été persécuté pour ses opinions politiques mais qu'il ait plutôt émigré en France puis au Brésil pour des raisons économiques.

Il existe une page de fans sur Facebook-Bulgarie pour Dilma Rousseff – “Дилма Русеф-Президент на Бразилия [12]” (Dilma Rousseff-Présidente du Brésil).

Sur la page Facebook de l'auteur de ce billet, il est demandé aux amis de partager leurs opinions sur Dilma Rousseff [13], et voici quelques unes de leurs réponses :

Gergana Vlaykova : Oui, je crois aussi que ce n'est pas très important pour elle [d'être d'origine bugare]. Sinon, comme une raison de fierté, ou juste comme un fait intéressant. Je suis personnellement agacée par la réaction de sa famille. Je suis sûre que s'ils avaient entendu parler d'elle quand elle était en prison (et on ne sait pas vraiment pourquoi elle y était), ils auraient eu honte d'elle et si elle avait été accusée à tort, ça n'aurait pas fait de différence, ni si elle avait eu besoin de quelque chose. Maintenant qu'elle est présidente, c'est une grande joie pour la “famille” …

Vesela Georgieva : Je ne comprends pas pourquoi cette situation est exagérée hors de proportions alors que cette femme se considère comme brésilienne. Espérer que Sainte Dilma va apparaître dans un halo de lumière et résoudre nos problèmes, ce n'est simplement pas sérieux.

Maxim Prodanov : Quand je regarde la scène internationale, je suis content que le Brésil s'éloigne de plus en plus de son sombre passé de dictature et d'inégalités, et élise des dirigeants pleins de volonté et de conscience sociale. Je suis heureux de voir la pauvreté diminuer dans une région qui a désespérément besoin d'un meilleur niveau de vie et le mérite. Quand je regarde la scène bulgare, je ne peux pas m'empêcher de grincer des dents en voyant mes compatriotes bulgares essayer de trouver un peu de fierté au travers d'une personne qui réussit et qui a des traces de sang bulgare. La nationalité ne veut rien dire, c'est une segmentation artificielle. Que Dilma Rousseff s'avère brillante ou non, elle ne le devra qu'à elle-même, pas à nous.