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Madagascar : Tentative de coup d'état pendant le référendum

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Madagascar, Élections, Guerre/Conflit, Médias citoyens

Cet article a été publié en anglais sur Global Voices en anglais le 19 novembre. Pour des mises à jour sur la situation à Madagascar, vous pouvez consulter les tweets portant le mot clé #Madagascar sur Twitter [1].

[Liens en français, anglais ou malgache] Un référendum controversé [2] a eu lieu le 17 novembre 2010 à Madagascar. Cet événement a été cependant, vite éclipsé par l'annonce d'un putsch [3], l'un des moins sanglants que le pays ait jamais connu à ce jour.

Au moment où j'écris cet article [jeudi 18 novembre], les putschistes sont retranchés dans un camp et encerclés par les troupes fidèles au gouvernement, pendant que des négociations sont en cours. L'utilisateur de Twitter @Randria_09 [4] donnait le lien de la retransmission en vidéo stream d'une conférence de presse [5]organisée par les putschistes.

L'instigateur du coup d'état, le Général Noël Rakotonandrasana, qui avait aussi mené le coup qui avait renversé l'ancien Président Ravalomanana [3] portant au pouvoir l'actuel président de la transition Andry Rajoelina, a dit que les putschistes n'avaient pas à se rendre et qu'ils étaient en train de se renforcer. M. Rakotonandrasana a exprimé la déception devant la lenteur avec laquelle  le changement s'opérait sous la présidence de M. Rajoelina, justifiant ainsi la tentative de coup d'état.

La journée du mercredi 17 novembre avait commencé assez normalement avec des électeurs qui se rendaient aux bureaux de vote [6]pour participer au référendum sur une nouvelle Constitution qui devait instaurer la quatrième république à Madagascar. Les partis de l'opposition avaient boycotté le referendum pour protester contre le refus de M. Rajoelina de respecter son engagement signé en août 2009 de former un gouvernement d'unité nationale, même si vers 10 heures le 17 novembre, il semblait qu'il allait probablement être approuvé. En cas d'adoption de la Constitution via ce referendum, M. Rajoelina derait rester président jusqu'à l'élection d'un nouveau chef de l'état. Il a promis de ne pas chercher à se faire élire aux prochaines présidentielles et d'organiser des élections parlementaires en mars, suivies des présidentielles en mai 2011, mais il a paru peu convaincant aux yeux de beaucoup de monde.

Vote
Photo de Jentilisa

Le blogueur Jentilisa [7] [en malgache] a publié des photos du vote, qui semble-t-il, était plein d'irrégularités, tant dans la matinée [8] [malgache] que dans l'après-midi [9][malgache] du 17 novembre . Il a remarqué que:

Tsy misy valopy intsony moa amin’ity fifidianana iray ity ary dia tsy miafina intsony ny safidin’ny olona raha ny fijeriko azy satria misokatra ho azy ao anaty vata ny taratasim-pifidianana sasany. Hita taratra sahady ny vato maro misafidy. Mampisavovona taratasy ao anaty vata ilay taratasy aforitra dia tahaka ireny hoe maro ireny ny mpifidy.

Il n'y avait plus d'enveloppes dans le bureau de vote et le vote des électeurs n'était plus anonyme comme j'ai pu le voir, parce que les bulletins n'étaient plus pliés une fois introduits dans les urnes transparentes. Le papier plié prend trop de place dans les urnes et donne l'impression qu'il y a un plus grand nombre de bulletins.

Avylavitra a aussi écrit durant le referendum [10] [malgache], mentionnant lui des cartes électorales incorrectes et une désorganisation :

Nisy  ny birao efa nivoha maraina tamin’ity androany ity. Ny fanamarihana azo entina voalohany aloha hatreto dia ny fisian’ny hadisoana betsaka Na ny andro sy taona nahaterahana, na ny anarana, na ny toeram-ponenana. Fa ny tena henjana dia ny tatitra avy amin’ny fianakaviana any Ambohidratrimo. Lisea efa tsy natao biraom-pifidianana hatry ny ela ary tsy ao anatin’ny tokony ho isan’ny birao fandatsaham-bato no voasoratra any anatin’ny kara-pifidianan’ny olona. Tonga teny ny olona vao nivanaka, ary nasaina nifindra amina birao hafa.

Certains bureaux de vote ont ouvert tôt ce matin. Ma première remarque est qu'il y avait beaucoup d'erreurs [sur les cartes électorales]: date de naissance, nom, adresse. Mais le pire, c'est ce que des parents qui vivent à Ambohidratrimo ont raconté. Un collège qui n'avait plus été utilisé comme bureau électoral depuis longtemps et qui ne figurait même pas sur la liste des bureaux de vote, a été indiqué sur des cartes d'électeurs. Les électeurs ont été surpris lorsqu'ils y sont arrivés et se sont entendus dire d'aller à un autre bureau.

Amin’ireo birao fandatsaham-bato voatsidika androany aloha dia nilamina amin’ny ankapobeny ny fizotran’ny fitsapan-kevibahoaka. Nisy ihany anefa teny an-tsefantsefany teny ny tsy fahatomombanana maro samihafa, toy ny an’ny birao tokony hifidianan’ireo avy etsy Ankorondrano andrefana: ny filohan’ny birao fandatsaham-bato mihitsy, miampy ny filoham-pokontany no sady tsy ao anaty lisitra no tsy manana kara-pifidianana. Birao mifanila aminy eo ihany no nahitana kosa fandraisana ny anaran’ireo olona tsy hita tabilao ireo ka soratana ao anaty kahie iray daholo mombamomba ireo rehetra te-haneho safidy nefa tsy hita lisitra sy sy nanana karatra. Nolazaina moa fa ho entina manitsy ny aoriana noho ny ‘hadisoana betsaka hita ao anaty lisitra nataon’ny CENI’ no antony hoy ireo teo an-toerana.Tetsy amin’ny CEG Antaninena no nitrangan’izany.

Au bureau de vote où j'ai été aujourd'hui, le referendum paraissait se dérouler normalement. Cependant, il y a eu des irrégularités, comme dans ce bureau où des habitants de Ankorondrano ouest auraient du voter: même le président du bureau électoral et le chef du fokontany (district) ne figuraient pas sur la liste des électeurs et n'avaient pas leur carte électorale. Dans un autre bureau voisin, il y avait un ordinateur portable qui était supposé contenir toutes les informations sur les personnes qui ne figuraient pas sur la liste des électeurs et n'avaient pas leur carte d'électeur, mais voulaient voter. On leur a dit que c'était pour les modifications futures des listes électorales de la CENI (Commission électoral nationale indépendante). Cet incident a eu lieu au Collège d'enseignement général (CEG) à Antaninena.

Ariniaina, un blogueur du club de blogueurs malgaches FOKO [11], a publié les résultats d'un sondage qu'il a effectué en ligne [12]sur le referendum :

OUI, ils voulaient voter parce que c'était leur droit et leur devoir de le faire, de manière à exprimer leur point de vue. Une personne a précisé qu'ils ne voulaient réellement pas voter, mais ils ont entendu dire qu'il allait y avoir des sanctions à l'encontre de ceux qui ne le feraient pas.

Du coté du NON, les raisons peuvent être classées en 3 groupes. Les électeurs du premier groupe disaient qu'ils n'avaient pas de temps pour cela, qu'ils ne pouvaient pas le faire (parce qu'ils vivaient à l'étranger), qu'ils se s'y intéressaient pas ou bien qu'ils ne voulaient pas s'intéresser à la politique, qu'ils ne comprenaient pas les raisons du referendum ou que c'était un non-sens. Le deuxième groupe comprend des électeurs qui pensaient que ce referendum était un moyen de légaliser le gouvernement de transition actuel et qu'ils étaient sûrs que le OUI allait l'emporter. Le troisième groupe était convaincu que la situation actuelle à Madagascar, la crise politique et les problèmes sociaux, ne rendaient pas le moment opportun pour la tenue d'élections maintenant et que cela n'apporterait pas de solutions adéquates pour tous ces problèmes.

La tentative de coup d'état [6] a commencé à environ 13 heures (heure de Madagascar TU+3). Un groupe d'environ 20 militaires d'une base située à côté de l'aéroport de la capitale ont convié les journalistes à une rencontre pour annoncer qu'ils se saisissaient du pouvoir. Parmi leurs revendications, il y avait la libération de tous les prisonniers politiques et le retour des dirigeants en exil, dont le Président déchu Marc Ravalomana.

Andry a écrit [13] sur son blog, le Cyber Observer:

Hier [mercredi] aux environs de 13 heures, 18 militaires hauts gradés de l'armée, de la gendarmerie et de la police du camp BANI (de l'aéronautique militaire), ont publié un communiqué de presse dans lequel ils déclaraient que la HAT (Haute autorité de la transition) avait été dissoute et remplacée par un nouveau comité militaire qui avait été créé pour diriger le pays, que les secrétaires généraux des ministères devaient diriger leurs ministères à la place des ministres et que tous les organes de l'état étaient sous leur contrôle. Ils invitaient les autres officiers à se joindre à eux et ordonnaient à tous les militaires de rentrer dans leurs casernes d'appartenance.

Au moment de la rédaction de cet article, les putschistes semblaient avoir perdu leur élan. Andry Rajoelina négociait encore avec les putschistes, et l'agence de presse Reuters [14]se demandait s'il ne devait pas leur offrir de bons postes dans le gouvernement pour résoudre le problème.

Entre-temps, des rumeurs non vérifiées circulant sur Internet faisaient état du retour de M. Didier Ratsiraka, un ancien président, proche des militaires. AngloMalagasy [15] a envoyé un message par Twitter :

“Sobika rapporte qu'il y avait des indications selon lesquelles M. Didier Ratsiraka voulait revenir à #Madagascar [16] plus tard cette semaine”

Et par crainte qu'on ait oublié qu'il y avait eu un referendum ce jour-là, les résultats provisoires montrant que le OUI est confortablement en tête ont été proclamés, et publiés sur Twitter par Thierry Andriamirado [17]

“Résultats intermédiaires de (3433?) bureaux de vote #Référendum #Madagascar : Oui: 71% Non: 28%”