Mise à jour : Julian Assange a été arrêté en Grande Bretagne le 7 décembre 2010.
[liens en anglais, sauf mention contraire] Julian Assange, fondateur de Wikileaks, est en danger et son projet est attaqué sur tous les fronts. Une semaine après la publication d’un nombre sans précédent d’informations classées secrètes (surnommé, dans les pays anglo-saxons, le “Cable Gate”), des politiciens de premier plan sont allés jusqu'à exprimer leur souhait de « traquer » Julian Assange ou de « l’exécuter ». Les diverses réactions sont brillamment résumées sur le blog OpenDemocracy :
Comme le prouve les réactions à l'échelle internationale, les répercussions du Cable Gate sont massives. Wikileaks modifie les relations internationales sans y avoir été invité et récolte la désapprobation de la sphère politique. La chasse mondiale à la sorcière contre Julian Assange, co-fondateur et porte-parole de Wikileaks, bat son plein. De grandes figures de la politique nord-américaine estiment que Julian Assange doit être « traqué » et « exécuté ». Ces politiciens souhaitent le voir extradé vers les États-Unis et condamné au nom de la loi punissant l’espionnage adoptée en 1917 pour combattre les socialistes et les pacifistes lors des années marquées par la lutte anti-communiste. « M. Obama devrait mettre sa tête à prix et peut-être utiliser un drone », a déclaré le Professeur Tom Flanagan, ancien conseiller du Premier ministre canadien Stephen Harper. En France, pays pourtant berceau du siècle des Lumières, Wikileaks a été décrit comme une « menace pour la démocratie ».
Il est essentiel de souligner la complexité qui entoure la question de l’attaque d’un site web, comme l’indique Hal Roberts, du Berkman Center de Harvard, dans son article consacré à l’abandon de Wikileaks par Amazon, et le rôle que peuvent jouer les entreprises privées :
Notre société a atteint une période où la protection des informations publiées sur Internet dépend d’un organisme clé d’Internet parmi la douzaine qui existent. Céder intégralement le pouvoir de décision relatif au contrôle d’informations de haute importance politique à une poignée d’acteurs, sans procédure juridique ou vision d’ensemble, est une très mauvaise idée. Mais il y a encore pire : céder le pouvoir de décision concernant le contenu qui peut rester en ligne aux propriétaires de botnets (robots) capable d’exécuter des attaques de type déni de service.
Les lecteurs de Wikileaks sont impatients de lire, d’analyser et de prendre part à cette nouvelle procédure de « reddition de comptes mondiale » prenant la forme d’un audit des activités menées par les services des affaires étrangères du gouvernement nord-américain mené à travers des multiples acteurs. Ceux qui s'y opposent ont préféré la pression politique et économique à l’action en justice pour mettre fin à la divulgation d’informations, en bloquant le service d’hébergement. Cette stratégie transmet un message fort aux activistes, qui seront désormais particulièrement attentifs au moment de choisir un fournisseur de services en ligne. Même les plus grandes entreprises semblent très vulnérables face aux pressions politiques. Cet événement est déjà considéré comme la première guerre de l’information, dans laquelle les gouvernements font face aux internautes.
Après avoir bloqué le compte de Wikileaks, le service de transfert de fonds en ligne PayPal a publié un communiqué explicatif :
Paypal a limité, de façon permanente, le compte utilisé par WikiLeaks, suite à une violation de nos conditions d’utilisation du service, selon lesquelles il est interdit d’utiliser notre service de paiement pour toute action qui encouragerait ou ferait l'apologie d’ activités illégales ou donnerait la possibilité à d’autres personnes d’en mener.
Un communiqué similaire a été publié par Amazon après avoir mis fin à l’hébergement en ligne sur ses serveurs de WikiLeaks.
En réponse à ces actions intermédiaires de censure, WikiLeaks a démarré une campagne de récolte de dons, soutien qui pourrait s’avérer très important si une action en justice était intentée à son encontre aux États-Unis, comme le prédisent certaines rumeurs. WikLeaks a communiqué à ses suiveurs sur Twitter les difficultés rencontrées pour conserver les fruits de son travail et poursuivre ses activités.
Des organisations de défense de la liberté d'expression et d'informer tels que Reporters sans frontières [en français] ou La Quadrature du Net [en français] ont exprimé leur soutien à WikiLeaks.
De nombreux clients ont décidé de se passer d’Amazon à l’heure des achats de Noël, d’autres ont même supprimé leur compte Amazon et la page Facebook Boycott Amazon for dumping Wikileaks [Boycottons Amazon pour avoir tourné le dos à Wikileaks] s’était vue couronnée de 7000 « J’aime » au moment de rédaction de ce billet. Comme John Perry Barlow l'a exprimé sur Twitter : « Le champ de bataille est WikiLeaks. Vous êtes les troupes. ».
Aucune preuve n’est venue étayer les allégations selon lesquelles des meurtres auraient été commis suite à la divulgation d’informations par Wikileaks, alors que l’existence de victimes collatérales en Irak, présentées au monde entier par WikiLeaks, est irréfutable. Il est aussi clairement apparu que les politiciens souhaitent avoir en mains des moyens leur permettant de réguler Internet, de limiter le champ d’action en ligne de leurs opposants et d'étiqueter la divulgation de certaines informations comme une activité terroriste, comme le prouve la proposition de modification de la loi contre l’espionnage aux États-Unis. Les actions menées à l’encontre de WikiLeaks et de Julian Assange transmettent également un message important : le travail des activistes et des opposants à une régulation du web devient toujours plus difficile.
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